La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/01/2009 | FRANCE | N°322312

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 14 janvier 2009, 322312


Vu la requête, enregistrée le 10 novembre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Fayik A, demeurant ... ; M. Fayik A demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté sa demande de visa ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'articl

e L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que la conditi...

Vu la requête, enregistrée le 10 novembre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Fayik A, demeurant ... ; M. Fayik A demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté sa demande de visa ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que la condition d'urgence est remplie dès lors que le refus de visa contesté est opposé à un étranger conjoint d'une ressortissante française et qu'il a pour effet de prolonger la séparation géographique des époux ; qu'il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée ; qu'en effet, elle est entachée de défaut de motivation ; qu'elle est en outre entachée d'erreur manifeste d'appréciation dès lors que le refus de visa est opposé au conjoint d'une ressortissante française dont la réalité et la sincérité du mariage n'est pas contestable ; que la décision contestée a enfin pour effet de prolonger la durée de séparation contrainte des époux, portant ainsi atteinte au droit au respect de leur vie familiale tel que garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la copie du recours présenté le 26 juillet 2008 à la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

Vu la copie de la requête en annulation présentée par M. A ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 11 décembre 2008, présenté par le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que la condition d'urgence n'est pas remplie dès lors que la situation de séparation des époux a été le fait de leur libre initiative pendant près d'un an et qu'elle résulte de leur seule inaction depuis plus d'un an ; que les requérants ne produisent aucun justificatif de nature à fonder leurs allégations quant à leur état de santé ; que le moyen tiré du défaut de motivation de la décision consulaire est inopérant dès lors que la décision implicite de rejet de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est substituée à la première ; qu'il n'y a pas eu d'erreur manifeste d'appréciation dès lors que M. A a sollicité un visa dit « de retour » alors qu'il n'était pas, à la date de sa demande, titulaire d'un titre de séjour ; qu'enfin la décision contestée ne constitue pas une atteinte disproportionnée à leur vie privée et familiale dans la mesure où la séparation des époux A résulte de leur libre volonté et de leur seule inaction ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu le procès-verbal de l'audience du 16 décembre 2008 à 12 heures à la suite de laquelle, en raison de l'absence justifiée de Mme Sandra B épouse C, l'audience a été reportée au 8 janvier 2009 à 15 heures ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part M. Fayik A, et, d'autre part, le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 8 janvier 2009 à 15 heures au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Roger, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. A ;

- Mme Sandra B épouse C ;

- les représentants du ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision » ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. Fayik A, de nationalité turque, a épousé le 29 septembre 2005, en Turquie, Mlle Sandra B, de nationalité française et domiciliée en France ; que M. A est entré en France le 18 mai 2006 sous couvert d'un visa de long séjour délivré le 14 mai 2006 ; qu'il a sollicité un titre de séjour ; qu'avant la délivrance de ce titre, il est retourné en Turquie pour raisons personnelles et n'a pu bénéficier du titre de séjour provisoire d'un an qui a été délivré par la préfecture du Pas-de-Calais le 30 septembre 2006 mais ne lui a pas été remis ; qu'il a sollicité le 28 février 2008 auprès du consul général de France à Istanbul un visa d'entrée en France ; qu'il demande la suspension de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours dirigé contre le refus implicite des autorités consulaires françaises ;

Considérant que la circonstance que les autorités consulaires françaises à Istanbul ont fait remplir par M. A un formulaire de demande de visa dit « de retour » ne saurait être opposée à l'intéressé, dès lors d'une part que ce visa, résultant d'une pratique destinée à faciliter le retour en France des étrangers titulaires d'un titre de séjour, n'est prévu par aucun texte, et d'autre part que la situation de M. A, qui n'était pas à la date de sa demande titulaire d'un titre de séjour, était manifestement celle d'un conjoint de ressortissant français désireux de s'établir en France en rejoignant son épouse ;

Considérant que si l'administration affirme ne pas avoir trace d'une demande de visa que M. A soutient avoir formée en 2007, il résulte de l'instruction que Mme B épouse C a adressé le 22 mai 2007 un courrier recommandé avec avis de réception au consulat général de France à Istanbul ; que Mme B épouse C se rend régulièrement en Turquie, dans la limite des contraintes résultant de son emploi salarié, et téléphone presque quotidiennement à son époux ; que, contrairement à ce que soutient le ministre, la durée de la séparation entre M. et Mme A ne résulte pas de la seule volonté ou de la seule inaction des intéressés ; que par suite, d'une part le moyen tiré de ce que le refus de visa serait contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales paraît, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier la suspension de ce refus et, d'autre part, la condition d'urgence doit être regardée comme satisfaite ; que M. A est, dès lors, fondé à demander la suspension de la décision contestée ; qu'il appartiendra à l'administration de procéder à un nouvel examen de la demande de visa de M. A au vu des motifs de la présente ordonnance ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par M. A et non compris dans les dépens ;

O R D O N N E :

------------------

Article 1er : L'exécution de la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, rejetant le recours de M. A, est suspendue.

Article 2 : L'Etat versera à M. A la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à M. Fayik A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 322312
Date de la décision : 14/01/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 14 jan. 2009, n° 322312
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: M. Philippe Martin
Avocat(s) : SCP ROGER, SEVAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2009:322312.20090114
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award