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16/01/2009 | FRANCE | N°295905

France | France, Conseil d'État, 9ème sous-section jugeant seule, 16 janvier 2009, 295905


Vu le pourvoi et le mémoire complémentaire, enregistrés les 27 juillet et 24 novembre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Bernard A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 1er juin 2006 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision de la Caisse des dépôts et consignations du 6 décembre 2002, dénommée brevet d'inscription de pension, ne faisant apparaître qu'un coefficient de majoration de 1,15, ensemble la décision du minis

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Vu le pourvoi et le mémoire complémentaire, enregistrés les 27 juillet et 24 novembre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Bernard A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 1er juin 2006 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision de la Caisse des dépôts et consignations du 6 décembre 2002, dénommée brevet d'inscription de pension, ne faisant apparaître qu'un coefficient de majoration de 1,15, ensemble la décision du ministre de la défense du 26 février 2003 rejetant son recours gracieux du 27 décembre 2002 et la décision implicite de ladite caisse, née du silence opposé à son recours gracieux du 27 décembre 2002, d'autre part à ce qu'il soit enjoint à ladite caisse et à l'Etat de lui délivrer un brevet de pension retenant un coefficient de majoration de 1,36 avec effet au 1er mai 2002 ;

2°) réglant l'affaire au fond, d'annuler la décision du 6 décembre 2002, ensemble la décision implicite de rejet acquise sur recours gracieux et la décision ministérielle du 26 février 2003 en tant que ces décisions retiennent un coefficient de 1,15 ;

3°) d'enjoindre à la Caisse des dépôts et consignations de lui délivrer un brevet de pension retenant un coefficient de majoration de 1,36 avec effet au 1er mai 2002, et de lui régler les arrérages qui lui sont dus avec intérêt au taux légal à compter du 27 décembre 2002 pour les arrérages dus à cette date, et à compter du 21 avril 2003 pour le surplus ;

4°) d'ordonner la capitalisation des intérêts ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le décret n° 65-836 du 24 septembre 1965 ;

Vu le décret n° 67-711 du 18 août 1967 ;

Vu le décret n° 72-154 du 24 février 1972 ;

Vu l'instruction n° 78-10/DEF/DPC/GAP/2 du 31 août 1978 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Cécile Raquin, Auditeur,

- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. A et de Me Odent, avocat de la Caisse des dépôts et consignations,

- les conclusions de M. Pierre Collin, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. A, ouvrier des établissements industriels de l'Etat, instructeur de formation technique à l'Ecole supérieure d'application du matériel (ESAM) de Bourges, se pourvoit en cassation contre le jugement du 1er juin 2006 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de la Caisse des dépôts et consignations refusant de prendre en compte, dans le coefficient de valorisation servant au calcul de sa pension de retraite, l'indemnité forfaitaire de fonction qu'il a perçue, au titre du maintien de sa rémunération d'activité pendant les périodes de congé maladie à plein traitement du 21 avril 1999 au 20 avril 2000, puis à demi traitement jusqu'au 20 avril 2002, avant sa mise à la retraite pour invalidité le 1er mai 2002 ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;

Considérant qu'aux termes de l'article 9 du décret du 24 septembre 1965 relatif au régime des pensions des ouvriers des établissements industriels de l'Etat, alors en vigueur : I. La pension est basée sur les émoluments annuels soumis à retenue afférents à l'emploi occupé effectivement depuis six mois au moins par l'intéressé au moment de sa radiation des contrôles ou, dans le cas contraire, sauf s'il y a eu rétrogradation par mesure disciplinaire, sur les émoluments annuels soumis à retenue afférents à l'emploi antérieurement occupé (...) / En ce qui concerne les intéressés rémunérés en fonction des salaires pratiqués dans l'industrie, les émoluments susvisés sont déterminés par la somme brute obtenue en multipliant par 1.960 le salaire horaire de référence correspondant à leur catégorie professionnelle au moment de la radiation des contrôles ou, dans le cas visé à l'alinéa précédent, à la catégorie professionnelle correspondant à l'emploi occupé. Ce produit est affecté d'un coefficient égal au rapport existant entre le salaire horaire résultant des gains et de la durée effective du travail pendant l'année expirant à la fin de la période dont il doit éventuellement être fait état et le salaire horaire de référence durant la même année ; qu'aux termes de l'article 28 du même décret : I. Les personnels visés à l'article 1er supportent une retenue de 8,9 %, calculée sur les émoluments représentés : (...) / b) Pour les intéressés rémunérés en fonction des salaires pratiqués dans l'industrie, par la somme brute obtenue en multipliant par 1.960 le salaire horaire moyen déterminé d'après le nombre d'heures de travail effectif dans l'année et les gains y afférents constitués par le salaire proprement dit et, éventuellement, la prime d'ancienneté, la prime de fonction, la prime de rendement ainsi que les heures supplémentaires, à l'exclusion de tout autre avantage, quelle qu'en soit la nature (...) ; que l'indemnité forfaitaire de fonction remplit les conditions pour être qualifiée de prime de fonction au sens des dispositions précitées de l'article 28 du décret du 24 septembre 1965 et supporte la retenue pour pension ;

Considérant qu'aux termes de l'article 2 du décret du 24 février 1972 relatif aux congés en cas de maladie, de maternité et d'accidents du travail dont peuvent bénéficier certains personnels ouvriers de l'Etat mensualisés, dans sa rédaction applicable en l'espèce : En cas de maladie, les personnels (...) peuvent obtenir, par période de douze mois et sur production d'un certificat médical (...), un congé de trois mois à plein salaire (...) ; qu'en vertu de l'article 7 du même décret : Le salaire dont il est tenu compte pour l'application des articles 2, 3, 4 et 6 est déterminé à partir du forfait mensuel de rémunération ; qu'il résulte de ces dispositions que le plein salaire auquel elles font référence et qui doit être versé à l'ouvrier d'Etat en congé de maladie pendant les trois premiers mois de ces congés sur une période de douze mois doit être déterminé à partir du forfait mensuel horaire de rémunération auquel doivent s'ajouter les primes qui lui ont été versées dans les trois mois précédant le début du congé et qui ont donné lieu à retenue ; qu'il est constant que M. A a perçu cette indemnité forfaitaire de fonction dans la période précédant son congé ; que l'indemnité forfaitaire de fonction versée en congé de maladie pendant les trois premiers mois de ce congé doit être prise en compte dans le salaire horaire résultant des gains servant au calcul du coefficient mentionné au I de l'article 9 du décret du 24 septembre 1965 ; qu'il en résulte que c'est au prix d'une erreur de droit que le tribunal administratif de Bordeaux a jugé que l'indemnité forfaitaire de fonction, dont il résultait des pièces de son dossier qu'elle avait été versée à M. A en application des textes précités pendant les trois premiers mois de ses congés de maladie intervenus pendant l'année précédant sa mise à la retraite pour invalidité, ne devait pas entrer en ligne de compte pour la fixation du salaire horaire résultant des gains servant au calcul du coefficient prévu au I de l'article 9 du décret du 24 septembre 1965 ; que son jugement doit, par suite, être annulé ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;

Sur les conclusions aux fins de révision du coefficient de majoration à raison de l'absence de prise en compte, pour le calcul de ce coefficient, de l'indemnité forfaitaire de fonction versée pendant la période de congé maladie :

Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que c'est à tort que la Caisse des dépôts et consignations et le ministre de la défense ont refusé de procéder à la révision de la pension de M. A pour tenir compte, dans le calcul du coefficient prévu au I de l'article 9 du décret du 24 septembre 1965, de l'indemnité forfaitaire de fonction incluse dans la rémunération maintenue à l'intéressé pendant les congés de maladie intervenus dans les années précédant son départ à la retraite pour invalidité ; que, dès lors, M. A est fondé à demander l'annulation de leurs décisions ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

Considérant que le contentieux des pensions civiles et militaires de retraite est un contentieux de pleine juridiction ; qu'il appartient, dès lors, au juge saisi de se prononcer lui-même sur les droits des intéressés, sauf à renvoyer à l'administration compétente, et sous son autorité, le règlement de tel aspect du litige dans des conditions précises qu'il lui appartient de lui fixer ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de prescrire à la Caisse des dépôts et consignations de réviser, dans le délai d'un mois suivant la notification de la présente décision, le coefficient de majoration servant de fondement au calcul du montant de la pension de retraite versée à M. A en application du I de l'article 9 précité du décret du 24 septembre 1965 en intégrant l'indemnité forfaitaire de fonction qui lui a été versée pendant la période où il a été placé en congés de maladie, entre le 21 avril 1999 et le 20 avril 2002 ; que cette révision prendra effet à compter de la date d'ouverture des droits à pension de M. A, soit le 1er mai 2002 ;

Sur les intérêts :

Considérant que M. A a demandé le versement des intérêts sur les arrérages de la pension qui lui a été illégalement refusée ; qu'il y a lieu de faire droit à ces conclusions, à compter du 27 décembre 2002, date de réception de sa demande de révision, et au fur et à mesure des échéances successives de cette pension ; qu'il a demandé le 24 novembre 2006 la capitalisation des intérêts afférents à ces arrérages ; qu'à cette date il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande, à cette date et à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de la Caisse des dépôts et consignations le versement à M. A de la somme de 4 000 euros au titre des frais exposés par lui devant le Conseil d'Etat et devant le tribunal administratif de Bordeaux et non compris dans les dépens ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. A qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais exposés par la Caisse des dépôts et consignations et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux en date du 1er juin 2006 est annulé, ensemble la décision implicite de la Caisse des dépôts et consignations et la décision de refus du ministre de la défense du 26 février 2003 rejetant la demande de M. A tendant à la révision de sa pension.

Article 2 : M. A est renvoyé devant la Caisse des dépôts et consignations afin qu'il soit procédé à la liquidation de sa pension de retraite, y compris les arrérages échus et les intérêts sur ces arrérages, dans les conditions précisées par les motifs de la présente décision.

Article 3 : Les intérêts afférents aux arrérages de la pension de M. A échus le 24 novembre 2006 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Article 4 : La Caisse des dépôts et consignations versera à M. A une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions de la Caisse des dépôts et consignations tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. Bernard A, à la Caisse des dépôts et consignations et au ministre de la défense.


Synthèse
Formation : 9ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 295905
Date de la décision : 16/01/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux des pensions

Publications
Proposition de citation : CE, 16 jan. 2009, n° 295905
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Jouguelet
Rapporteur ?: Mme Cécile Raquin
Rapporteur public ?: M. Collin Pierre
Avocat(s) : ODENT ; SCP WAQUET, FARGE, HAZAN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2009:295905.20090116
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