Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 3 juillet et 5 octobre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Sylvie A, demeurant ... ; Mme A demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 30 novembre 2006, par laquelle le premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence a fixé à 8,65 % le taux d'attribution individuelle de sa prime modulable pour l'année 2006, ainsi que le refus opposé le 27 mars 2007 à son recours gracieux ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 800 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 ;
Vu le décret n° 2003-1284 du 26 décembre 2003 ;
Vu l'arrêté du 8 septembre 2005 pris en application du décret n° 2003-1284 du 26 décembre 2003 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Rémi Decout-Paolini, chargé des fonctions de Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Gaschignard, avocat de Mme Sylvie A,
- les conclusions de M. Mattias Guyomar, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que le décret du 26 décembre 2003 relatif au régime indemnitaire de certains magistrats de l'ordre judiciaire prévoit, à son article 1er, qu'une indemnité peut être allouée aux magistrats de l'ordre judiciaire exerçant leurs fonctions en juridiction ; que cette indemnité, destinée à rémunérer l'importance et la valeur des services rendus et à tenir compte des sujétions afférentes à l'exercice de leurs fonctions, comprend notamment une prime modulable attribuée, en vertu de l'article 3 du décret, « en fonction de la contribution du magistrat au bon fonctionnement de l'institution judiciaire » ; qu'aux termes de l'article 7 du même décret : « La prime modulable est calculée en pourcentage du traitement indiciaire brut. Elle est versée mensuellement. / Le montant des crédits disponibles au titre de la prime modulable pour les magistrats du siège, d'une part, et du parquet, d'autre part (...), est déterminé par application d'un taux moyen à la masse des traitements indiciaires des magistrats concernés. / Le taux d'attribution individuelle de la prime modulable est fixé : / - pour les magistrats exerçant en juridiction, (...) par le premier président de la cour d'appel ou le président du tribunal supérieur d'appel pour chaque magistrat du siège de leur ressort (...) sur proposition du chef de juridiction sous l'autorité duquel est placé le magistrat pour ceux qui sont affectés dans une juridiction du premier degré (...) » ; que l'arrêté interministériel du 8 septembre 2005, pris pour l'application de ce décret et applicable à la prime modulable attribuée pour l'année 2006, précise à son article 2 : « Le taux moyen de la prime modulable (...) est fixé à 9 %. / Le taux maximal d'attribution individuelle de cette prime est fixé à 15 % (...) » ;
Considérant que Mme A, vice-présidente au tribunal de grande instance de Nice, demande au Conseil d'Etat d'annuler la décision du 30 novembre 2006, par laquelle le premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence a fixé à 8,65 % le taux d'attribution individuelle de sa prime modulable pour l'année 2006, ainsi que le refus opposé le 27 mars 2007 à son recours gracieux dirigé contre cette décision ;
Considérant qu'il appartient aux chefs de cour, chargés de fixer dans les limites déterminées par l'arrêté précité le taux individuel de la prime modulable des magistrats affectés dans les différentes juridictions du ressort, de procéder, à cette occasion, à une harmonisation des taux proposés par les chefs de juridiction, dès lors que cette harmonisation vise à assurer, dans le respect du montant des crédits disponibles au titre de la prime modulable pour l'ensemble des magistrats du siège du ressort de la cour d'appel, une prise en compte équitable des contributions respectives de chacun des magistrats du ressort au bon fonctionnement de l'institution judiciaire ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, pour fixer le taux de prime litigieux, le premier président, après avoir recueilli les propositions des présidents de son ressort, et constaté que la masse de ces propositions excédait l'enveloppe dont il disposait, a uniformément appliqué le même abattement de 0,35 % sur toutes ces propositions ; qu'en appliquant ainsi un coefficient afin de respecter le montant des crédits disponibles, sans avoir préalablement recherché si les propositions du chef de juridiction conduisaient à une prise en compte équitable des contributions respectives de chacun des magistrats du ressort de la cour d'appel au bon fonctionnement de l'institution judiciaire, le premier président a fait une inexacte application des dispositions du décret du 26 décembre 2003 ;
Considérant qu'il résulte ce qui précède que Mme A est fondée à demander l'annulation des décisions par lesquelles le premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence a fixé à 8,65 % le taux d'attribution individuelle de sa prime modulable pour l'année 2006 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative en mettant à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 800 euros que demande la requérante ; que les conclusions présentées, à ce titre, par le garde des sceaux, ministre de la justice, ne peuvent qu'être rejetées ;
D E C I D E :
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Article 1er : Les décisions du 30 novembre 2006 et du 27 mars 2007 par lesquelles le premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence a fixé à 8,65 % le taux d'attribution individuelle de la prime modulable pour l'année 2006 de Mme A sont annulées.
Article 2 : L'Etat versera à Mme A une somme de 2 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions présentées par le garde des sceaux, ministre de la justice, aux fins d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme Sylvie A et à la garde des sceaux, ministre de la justice.