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04/02/2009 | FRANCE | N°311344

France | France, Conseil d'État, 7ème et 2ème sous-sections réunies, 04 février 2009, 311344


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 7 décembre 2007 et 8 janvier 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DE TOULON, représentée par son maire ; la COMMUNE DE TOULON demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 22 novembre 2007 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nice, statuant en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, a, à la demande de la société CBS Outdoor, annulé la procédure de passation du marché public portant sur la mis

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Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 7 décembre 2007 et 8 janvier 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DE TOULON, représentée par son maire ; la COMMUNE DE TOULON demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 22 novembre 2007 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nice, statuant en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, a, à la demande de la société CBS Outdoor, annulé la procédure de passation du marché public portant sur la mise à disposition, l'installation, l'entretien de mobiliers urbains d'informations lancée par la COMMUNE DE TOULON ;

2°) statuant au titre de la procédure de référé engagée par la société CBS Outdoor, de rejeter sa demande ;

3°) de mettre une somme de 5 000 euros à la charge de la société CBS Outdoor au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le décret n° 2006-1658 du 21 décembre 2006 ;

Vu l'arrêté du 15 janvier 2007 portant application du décret n° 2006-1658 du 21 décembre 2006 relatif aux prescriptions techniques pour l'accessibilité de la voirie et des espaces publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Alban de Nervaux, Auditeur,

- les observations de Me Foussard, avocat de la COMMUNE DE TOULON et de la SCP Coutard, Mayer, Munier-Apaire, avocat de la société CBS Outdoor,

- les conclusions de M. Nicolas Boulouis, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation des marchés publics (...) Les personnes habilitées à agir sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d'être lésées par ce manquement, ainsi que le représentant de l'Etat dans le département dans le cas où le contrat est conclu ou doit être conclu par une collectivité territoriale ou un établissement public local. (...) Le président du tribunal administratif peut être saisi avant la conclusion du contrat. Il peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre la passation du contrat ou l'exécution de toute décision qui s'y rapporte. Il peut également annuler ces décisions et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations. Dès qu'il est saisi, il peut enjoindre de différer la signature du contrat jusqu'au terme de la procédure et pour une durée maximum de vingt jours (...) ;

Considérant que la COMMUNE DE TOULON a lancé, au mois d'août 2007, une procédure d'appel d'offre ouvert en vue de la passation d'un marché public portant sur la mise à disposition, l'installation et l'entretien de mobiliers urbains d'information ; que, saisi par la société CBS Outdoor, dont l'offre avait été écartée, le juge des référés du tribunal administratif de Nice, statuant sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, a annulé la procédure par une ordonnance du 22 novembre 2007, contre laquelle la COMMUNE DE TOULON se pourvoit en cassation ;

Sur les conclusions à fin de non lieu présentées par la société CBS Outdoor :

Considérant que si, à la suite de l'annulation de la procédure par l'ordonnance attaquée, la COMMUNE DE TOULON a lancé, le 27 juin 2008, une nouvelle procédure en vue de la passation d'un marché portant sur les mêmes prestations, celle-ci a été déclarée sans suite ; que la troisième procédure, lancée le 25 septembre 2008, n'a pas à ce jour abouti à la signature d'un marché ; que, dans ces conditions, les conclusions de la société CBS Outdoor tendant à ce que soit prononcé un non lieu à statuer doivent être écartées ;

Sur les conclusions de la COMMUNE DE TOULON tendant à l'annulation de l'ordonnance attaquée :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés qu'en complément des recettes publicitaires résultant de l'exploitation commerciale des mobiliers urbains, les candidats étaient autorisés à solliciter le versement d'un prix , c'est-à-dire d'un apport financier de la commune, dont l'article 3.3.1 du cahier des clauses administratives particulières précisait qu'il devait être établi par le prestataire en fonction, d'une part, d'une redevance domaniale d'un montant de 208 000 euros à verser à la collectivité ainsi que du coût des prestations à réaliser, d'autre part, de ses recettes publicitaires ; que la COMMUNE DE TOULON avait retenu le prix ainsi défini parmi les critères de jugement des offres, en l'affectant d'une pondération de 10/20 et en prévoyant que la totalité des points serait affectée à l'offre financière la plus basse, alors que les offres suivantes perdraient 0,1 point par tranche de 1 000 euros d'écart par rapport à la proposition la plus basse ; que pour annuler la procédure, le juge des référés a jugé que la COMMUNE DE TOULON avait ainsi retenu un critère ne permettant pas une comparaison de la valeur réelle des offres et de nature à fausser la concurrence, dès lors que le critère du prix retenu en l'espèce ne porterait que sur une partie de la rémunération du titulaire du marché et que, d'ailleurs, les candidats pouvaient renoncer à demander à ce titre une quelconque somme à la collectivité ; que toutefois, si les prestataires étaient appelés à se rémunérer grâce aux recettes publicitaires tirées de l'exploitation commerciale des mobiliers urbains, et s'il était loisible aux candidats de ne demander aucun prix à la collectivité, il ne ressort pas des pièces du dossier soumis au juge des référés que, compte tenu des prestations demandées aux entreprises ainsi que de la redevance domaniale à verser à la collectivité, le critère du prix éventuellement demandé par les entreprises en complément des recettes publicitaires était dépourvu de pertinence au regard de l'économie du contrat et des conditions de financement des prestations demandées ; qu'ainsi, en estimant que le critère du prix appliqué en l'espèce ne permettait pas une comparaison de la valeur réelle des offres et n'était pas pertinent au regard de l'objet du marché et de ses conditions d'exécution, le juge des référés a dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis ;

Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de statuer au titre de la procédure de référé engagée par la CBS Outdoor ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la demande ;

Considérant qu'en vertu du 6° de l'article 1er de l'arrêté du 15 janvier 2007, pris en application du décret du 21 décembre 2006 relatif aux prescriptions techniques pour l'accessibilité de la voirie et des espaces publics, et visant à faciliter la détection par les malvoyants des mobiliers urbains sur panneaux ou sur pieds, ces mobiliers doivent ménager un passage libre d'au moins 2,20 m de hauteur ou, à défaut être rappelés par un élément bas se situant au maximum à 0,40 m du sol ; que ces prescriptions impératives, sauf impossibilité technique constatée dans les conditions définies à l'article 2 de l'arrêté, ne s'appliquent pas, contrairement à ce que soutient la COMMUNE DE TOULON, aux seuls panneaux pourvus de plusieurs pieds ; que dès lors, et en l'absence d'impossibilité technique dûment constatée, en exigeant, dans le cahier des clauses techniques particulières du marché, que le mobiliers d'informations de 2 m2 comportent une hauteur sous le bas du caisson de 0,50 m minimum, la commune a méconnu de telles prescriptions ; que, compte tenu de cette méconnaissance des spécifications légales applicables au marché, qui eu égard à sa portée et au stade de la procédure à laquelle elle se rapporte est susceptible d'avoir lésé la société CBS Outdoor, qui soutient, sans être contestée, avoir du réviser les cotes de ses panneaux conformes à la réglementation en vigueur, cette société est fondée à demander l'annulation de la procédure de passation litigieuse ;

Considérant qu'il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative de mettre à la charge de la COMMUNE DE TOULON une somme de 4 000 euros à verser à la société CBS Outdoor au titre de l'ensemble de la procédure ; que ces dispositions font en revanche obstacle à ce soit mise à la charge de cette société la somme que demande la COMMUNE DE TOULON au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du 22 novembre 2007 du juge des référés du tribunal administratif de Nice est annulée.

Article 2 : La procédure de passation du marché public portant sur la mise à disposition, l'installation, l'entretien des mobiliers urbains d'information lancée par la COMMUNE DE TOULON est annulée.

Article 3 : La COMMUNE DE TOULON versera à la société CBS Outdoor une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par la COMMUNE DE TOULON sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE TOULON et à la société CBS Outdoor.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-08-015 MARCHÉS ET CONTRATS ADMINISTRATIFS. RÈGLES DE PROCÉDURE CONTENTIEUSE SPÉCIALES. PROCÉDURES D'URGENCE. - RÉFÉRÉ PRÉCONTRACTUEL (ART. L. 551-1 CJA) - MÉCONNAISSANCE PAR LE CAHIER DES PRESCRIPTIONS TECHNIQUES PARTICULIÈRES DES SPÉCIFICATIONS LÉGALES APPLICABLES AU MARCHÉ - MOYEN OPÉRANT [RJ1].

39-08-015 Société soutenant que l'exigence du cahier des prescriptions techniques particulières de prévoir des panneaux de mobilier urbains aux dimensions non conformes aux normes légales d'accessibilité aux malvoyants a entraîné pour elle un surcoût du fait des modifications contraintes des panneaux installés, conformes à la norme. Un tel manquement, eu égard à sa portée et au stade de la procédure auquel il se rapporte, est susceptible de l'avoir lésée. Le moyen est par suite opérant.


Références :

[RJ1]

Cf. Section, 3 octobre 2008, SMIRGEOMES, n° 305420, à publier au Recueil, feuilles roses pp. 51-53.


Publications
Proposition de citation: CE, 04 fév. 2009, n° 311344
Mentionné aux tables du recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Daël
Rapporteur ?: M. Alban de Nervaux
Rapporteur public ?: M. Boulouis Nicolas
Avocat(s) : FOUSSARD ; SCP COUTARD, MAYER, MUNIER-APAIRE

Origine de la décision
Formation : 7ème et 2ème sous-sections réunies
Date de la décision : 04/02/2009
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 311344
Numéro NOR : CETATEXT000020220345 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2009-02-04;311344 ?
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