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04/02/2009 | FRANCE | N°323308

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 04 février 2009, 323308


Vu la requête, enregistrée le 16 décembre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Saber A, demeurant chez Mme B, ... ; M. Saber A demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours dirigé contre la décision du consul général de France à Tunis (Tunisie) lui refusant un visa de long sé

jour en qualité de conjoint de ressortissante française ;

2°) d'enjoindre...

Vu la requête, enregistrée le 16 décembre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Saber A, demeurant chez Mme B, ... ; M. Saber A demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours dirigé contre la décision du consul général de France à Tunis (Tunisie) lui refusant un visa de long séjour en qualité de conjoint de ressortissante française ;

2°) d'enjoindre, à titre principal, au consul général de France à Tunis, de lui délivrer le visa sollicité sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) d'enjoindre, à titre subsidiaire, au consul général de France à Tunis de procéder au réexamen de la demande de visa dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que l'urgence résulte de la séparation imposée aux époux par la décision de refus de visa ainsi que du temps écoulé depuis le dépôt de la demande de visa ; qu'il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée ; qu'en effet, elle méconnaît l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en vertu duquel le visa ne peut être refusé à un conjoint de Français qu'en cas de fraude, d'annulation du mariage ou de menace à l'ordre public ; qu'il n'est pas contestable que l'union entre les époux est réelle et sincère ; que, contrairement aux allégations des autorités consulaires, l'épouse du requérant ne se trouve pas en état de bigamie ; qu'elle lui a rendu régulièrement visite en Tunisie, dans la limite de ses capacités financières ; que les époux maintiennent leur relation par de fréquents coups de téléphone et échanges de courrier ; que la décision méconnaît en outre les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et de sauvegarde des libertés fondamentales ;

Vu la décision dont la suspension est demandée ;

Vu la requête à fin d'annulation de la même décision ;

Vu, enregistré le 27 janvier 2009, le mémoire en défense présenté par le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire qui conclut au rejet de la requête ; le ministre soutient que les conclusions à fin d'injonction de délivrance d'un visa sont irrecevables, une telle demande excédant la compétence du juge des référés ; qu'aucune urgence ne résulte de la séparation des époux dés lors que l'épouse du requérant se rend régulièrement en Tunisie ; que le moyen tiré de l'absence de fraude n'est pas de nature à créer un doute sérieux sur la légalité du refus de visa, dés lors que les affirmations contradictoires et non justifiées des époux sur les circonstances de leur rencontre et leur incapacité à établir l'existence d'une union réelle et sincère entre eux démontrent que leur union a été contractée dans le but de faciliter l'installation du requérant en France ; que par voie de conséquence, la décision litigieuse ne porte pas une atteinte excessive au respect de la vie privée et familiale du requérant ;

Vu, enregistré le 30 janvier 2009, le mémoire en réplique, présenté pour M. Saber A, qui conclut aux mêmes fins, par les mêmes moyens ; il soutient en outre que les relevés téléphoniques produits par Mme B montrent que c'est bien à son mari qu'elle téléphone ; que celle-ci effectue de multiples démarches pour faire venir son mari en France ; qu'elle lui fournit de l'argent ; qu'ainsi, les époux maintiennent une relation malgré la séparation qui leur est imposée ; qu'enfin Mme B a le droit de mener une vie familiale normale en France ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part M. Saber A, et, d'autre part, le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du vendredi 30 janvier 2009 à 11 heures au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Farge, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. Saber A ;

- Mme Dalila B, épouse du requérant ;

- la représentante du ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire ;

Considérant qu'en vertu du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de la justice administrative, la possibilité pour le juge des référés d'ordonner la suspension de l'exécution d'une décision administrative est subordonnée à la double condition que soit invoqué un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de cette décision et qu'il y ait urgence ;

Considérant qu'il appartient en principe aux autorités consulaires de délivrer au conjoint étranger d'un ressortissant français dont le mariage n'a pas été contesté devant l'autorité judiciaire le visa nécessaire pour que les époux puissent mener une vie familiale normale ; que pour y faire obstacle, il appartient à l'administration, si elle allègue une fraude, d'établir que le mariage a été entaché d'une telle fraude de nature à justifier légalement le refus de visa ;

Considérant que le 15 octobre 2005, à la Goulette (Tunisie), M. Saber A, ressortissant tunisien né le 3 février 1977 a contracté mariage avec Mme Dalila Yahiaoui, ressortissante française née le 3 juillet 1960 ; que, pour s'opposer à la délivrance du visa demandé par M. A, le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire met en cause la sincérité de son mariage ; qu'il résulte de l'instruction que les déclarations des époux quant au lieu et à la date de leur rencontre ne sont pas concordantes ; que si M. A soutient que, depuis son mariage, il entretient avec son épouse des contacts réguliers, les éléments qu'il produit à l'appui de ses affirmations restent peu nombreux et essentiellement limités à des factures téléphoniques, dont le caractère probant est discuté par l'administration ; qu'ainsi, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation commise par la commission de recours sur le caractère frauduleux du mariage n'est pas, en l'état de l'instruction et compte tenu du faisceau d'indices dont fait état le ministre, de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité du refus de visa ; qu'il en va de même, par voie de conséquence, du moyen tiré de ce que la décision attaquée aurait porté au droit de l'intéressé au respect de sa privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et aurait, par suite, méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner le moyen tiré de ce que la condition d'urgence exigée par les dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative serait remplie, que les conclusions de M. A aux fins de suspension de l'exécution de la décision lui refusant un visa de long séjour doivent être rejetées ; que, par voie de conséquence, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée par le ministre, ses conclusions à fin d'injonction doivent également être rejetées ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, verse à M. A la somme que ce dernier demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de M. Saber A est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. Saber A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 323308
Date de la décision : 04/02/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 04 fév. 2009, n° 323308
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Aguila
Rapporteur ?: M. Yann JR Aguila
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2009:323308.20090204
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