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19/02/2009 | FRANCE | N°315015

France | France, Conseil d'État, 2ème et 7ème sous-sections réunies, 19 février 2009, 315015


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 avril 2008 et 11 juillet 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Rachid A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 10 janvier 2008 par laquelle l'Agence française de lutte contre le dopage a prononcé à son encontre la sanction de l'interdiction de participer pendant deux ans aux compétitions et manifestations sportives organisées ou autorisées par les fédérations sportives françaises ;

2°) statuant à nouveau de renvoyer

M. A des fins de la poursuite ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versem...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 avril 2008 et 11 juillet 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Rachid A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 10 janvier 2008 par laquelle l'Agence française de lutte contre le dopage a prononcé à son encontre la sanction de l'interdiction de participer pendant deux ans aux compétitions et manifestations sportives organisées ou autorisées par les fédérations sportives françaises ;

2°) statuant à nouveau de renvoyer M. A des fins de la poursuite ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code du sport ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jérôme Marchand-Arvier, Auditeur,

- les observations de la SCP Tiffreau, avocat de M. A,

- les conclusions de Mme Béatrice Bourgeois-Machureau, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par la décision attaquée, l'Agence française de lutte contre le dopage, s'étant saisie de sa propre initiative, en vertu des dispositions du 3° de l'article L. 232-22 du code du sport, des faits ayant fait l'objet d'une sanction d'un an d'interdiction de participation aux compétitions organisées ou autorisées par les fédérations sportives prononcée par la commission disciplinaire de première instance de lutte contre le dopage de la Fédération française d'athlétisme à l'encontre de M. A, dit Youssef B, appartenant à la légion étrangère, sanction ramenée à six mois dont trois mois avec sursis par l'organe disciplinaire d'appel de cette fédération, a infligé à l'intéressé la sanction d'interdiction de participer pour une durée de deux ans aux compétitions ou manifestations sportives organisées ou agréées par ces fédérations pour s'être délibérément soustrait à un contrôle antidopage ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 232-10 du code du sport : Il est interdit à toute personne de : / 3° Se soustraire ou s'opposer par quelque moyen que ce soit aux mesures de contrôle prévues par le présent titre. ; qu'aux termes de l'article L. 232-13 du même code : Les contrôles sont réalisés dans les conditions suivantes : 1° Dans le cadre du programme national annuel de contrôles mentionné au 1° du I de l'article L. 232-5, ou à la demande d'une fédération sportive : a) Dans tout lieu où se déroule un entraînement, une compétition ou une manifestation mentionnés au 2° du I de l'article L. 232-5, dans tout établissement dans lequel sont pratiquées des activités physiques ou sportives mentionné à l'article L. 322-2, ainsi que dans leurs annexes ; b) Lorsque l'entraînement du sportif ne se déroule pas habituellement dans l'un des lieux mentionnés au a, dans tout autre lieu choisi avec l'accord du sportif permettant d'assurer le respect de son intimité ou, à sa demande, à son domicile ; 2° Dans les cas prévus au 1°, le sportif licencié est convoqué par la personne chargée de procéder au prélèvement. Lorsque le sportif ne s'entraîne pas dans un lieu fixe, la convocation peut être adressée par tout moyen permettant de garantir son origine et sa réception, pendant les périodes d'entraînement ; qu'aux termes de l'article L. 232-17 du même code : Le refus de se soumettre aux contrôles prévus aux articles L. 232-12 à L. 232-15, ou de se conformer à leurs modalités, est passible des sanctions administratives prévues par les articles L. 232-21 à L. 232-23. ; qu'aux termes de l'article L. 232-22 : En cas d'infraction aux dispositions des articles L. 232-9, L. 232-10 et L. 232-17, l'Agence française de lutte contre le dopage exerce un pouvoir de sanction disciplinaire dans les conditions suivantes : / 3° Elle peut réformer les décisions prises en application de l'article L. 232-21. ; qu'en vertu des dispositions de l'article L. 232-23 du code du sport, l'Agence française de lutte contre le dopage peut prononcer à l'encontre d'une personne ayant refusé de se soumettre aux contrôles antidopage une interdiction temporaire ou définitive de participer aux compétitions et manifestations sportives organisées ou autorisées par des fédérations sportives ou par une commission spécialisée ; qu'aux termes de l'article R. 232-47 du même code : Une convocation au contrôle est remise au sportif désigné pour être contrôlé à l'occasion de la compétition ou de la manifestation ou lors de l'entraînement préparant à celles-ci, par la personne chargée du contrôle ou une personne désignée par elle, qui peut être un délégué fédéral, l'organisateur de la compétition ou de la manifestation, ou l'escorte prévue à l'article R. 232-55 (...). Pour les sportifs désignés pour être contrôlés qui ne s'entraînent pas dans un lieu fixe, l'agence fixe les modalités permettant de garantir l'origine et la réception de leur convocation. Les fédérations sportives agréées en assurent la diffusion auprès des intéressés. Le refus de signer ou de retourner l'accusé de réception est constitutif d'un refus de se soumettre aux mesures de contrôle. Il en est de même pour le refus de recevoir la convocation faite selon les modalités fixées par l'agence à un sportif qui ne s'entraîne pas dans un lieu fixe ;

Sur la régularité de la procédure disciplinaire :

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article R. 232-96 du code du sport, relatif à la procédure devant l'Agence française de lutte contre le dopage : La formation disciplinaire délibère à huis clos, hors de la présence de l'intéressé, de son défenseur, le cas échéant de la ou des personnes investies de l'autorité parentale ou du représentant légal, ainsi que des personnes entendues à l'audience. / Le secrétaire général de l'agence assiste de droit au délibéré sans y participer. Lorsque les fonctions de secrétaire de séance sont assurées par une personne qui n'est pas membre du collège, celle-ci peut assister au délibéré sans y participer. ; que la présence, lors du délibéré de la formation disciplinaire de l'Agence française de lutte contre le dopage, du secrétaire général de l'agence et d'un secrétaire de séance n'appartenant pas à cette formation, qui ne participent ni l'un ni l'autre à la délibération, n'est pas, en tout état de cause, de nature à établir que l'agence aurait manqué à l'obligation d'impartialité rappelée à l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que n'a pas davantage été méconnu le principe du secret des délibérations de l'agence siégeant en formation disciplinaire ;

Considérant, d'autre part, que, si M. A soutient ne pas avoir eu communication de rapports d'analyse de la Fédération française d'athlétisme et de l'Agence française de lutte contre le dopage produits en défense par cette agence et en déduit qu'ainsi la décision attaquée a été prise en violation des principes du respect des droits de la défense et du droit à un procès équitable, ce moyen est inopérant dès lors que la décision attaquée a été prise sur le seul motif du refus du requérant de se soumettre à un contrôle antidopage ;

Sur le bien-fondé de la sanction prononcée :

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que M. Alain C, médecin préleveur agréé par le ministère chargé des sports et assermenté devant le tribunal de grande instance de Perpignan, accompagné par M. Jean-Christophe D, agent de la direction régionale de la jeunesse et des sports du Languedoc-Roussillon mis à la disposition de l'Agence française de lutte contre le dopage, s'est présenté le 25 octobre 2006 avant 19 heures 15 au chalet Pic Péric à Formiguères afin d'y effectuer un contrôle antidopage inopiné d'athlètes de la légion étrangère alors en stage d'entraînement ; que M. A figurait parmi les athlètes dont les noms avaient été tirés au sort par M. C à son arrivée afin de faire l'objet d'un contrôle ; que M. A a déclaré devant la commission disciplinaire de première instance de lutte contre le dopage réunie le 28 février 2007 qu'il avait quitté le chalet le 25 octobre 2006 vers 20 heures ; qu'il ressort de témoignages produits par M. A que ce dernier était au moins présent au chalet jusqu'à 19 heures 30 ; qu'ainsi M. A, qui était présent au chalet au moment de l'arrivée du médecin préleveur et ne pouvait donc pas ignorer que des prélèvements antidopage allaient avoir lieu, devait se tenir à la disposition du médecin préleveur ; qu'en outre, celui-ci s'est à nouveau présenté au chalet de Formiguères le 26 octobre 2006 à 7 heures 30 en vue du contrôle antidopage du requérant qu'il n'a pu effectuer ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que la matérialité des faits reprochés à M. A ne serait pas établie doit être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, que les faits commis par M. A, qui s'est délibérément soustrait à un contrôle antidopage, étaient de nature, compte tenu de leur particulière gravité, à justifier légalement la sanction d'interdiction de participer pendant une durée de deux ans aux compétitions ou manifestations sportives organisées ou agréées par les fédérations sportives françaises prononcée par l'Agence française de lutte contre le dopage ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision en date du 10 janvier 2008 de l'Agence française de lutte contre le dopage ; que ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ;

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Rachid A et à l'Agence française de lutte contre le dopage.


Synthèse
Formation : 2ème et 7ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 315015
Date de la décision : 19/02/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

63-05 SPECTACLES, SPORTS ET JEUX. SPORTS. - CONTRÔLE ANTIDOPAGE - REFUS D'UN SPORTIF DE S'Y SOUMETTRE DE MANIÈRE DÉLIBÉRÉE.

63-05 Le sportif qui ne pouvait ignorer la présence de contrôleurs en vue de procéder à des prélèvements antidopage mais ne se tient pas à leur disposition est légalement considéré comme s'étant soustrait de manière délibérée au contrôle antidopage.


Publications
Proposition de citation : CE, 19 fév. 2009, n° 315015
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Vigouroux
Rapporteur ?: M. Jérôme Marchand-Arvier
Rapporteur public ?: Mme Bourgeois-Machureau Béatrice
Avocat(s) : SCP TIFFREAU

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2009:315015.20090219
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