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04/03/2009 | FRANCE | N°293160

France | France, Conseil d'État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 04 mars 2009, 293160


Vu le pourvoi, enregistré le 5 mai 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE ; le GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 6 mars 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a annulé, à la demande de Mme Zaquia A, de M. Tahar B et de Mme Zaquia B, le jugement du 6 avril 2004 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'Etat à réparer les conséquences dommageables du suicide de M. Saber B alors q

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Vu le pourvoi, enregistré le 5 mai 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE ; le GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 6 mars 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a annulé, à la demande de Mme Zaquia A, de M. Tahar B et de Mme Zaquia B, le jugement du 6 avril 2004 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'Etat à réparer les conséquences dommageables du suicide de M. Saber B alors qu'il était incarcéré au centre de détention de Salon-Provence et a condamné l'Etat à verser une indemnité de 20 000 euros à Mme Zaquia A, de 10 000 euros à M. Tahar B et de 2 000 euros à Mme Zaquia B, ainsi qu'une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de procédure pénale ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mlle Aurélie Bretonneau, Auditeur,

les conclusions de M. Mattias Guyomar, Rapporteur public ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. Samer B, incarcéré au centre de détention de Salon-de-Provence, présentait des troubles du comportement qui ont donné lieu à un signalement puis à un entretien, le 21 janvier 1998, avec un médecin psychiatre ; qu'après avoir agressé un codétenu le 25 janvier, M. B a été placé au quartier disciplinaire du centre de détention ; que le 26 janvier au matin, M. B s'est donné la mort par pendaison dans sa cellule ; que par un jugement du 6 avril 2004, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande présentée par Mme Zaquia A, M. Tahar B et Mme Zaquia B, mère, frère et belle-soeur de l'intéressé, tendant à la condamnation de l'Etat à réparer le préjudice né du décès de ce détenu, au motif que la faute de surveillance pénitentiaire n'était pas constitutive d'une faute lourde de nature à engager la responsabilité de l'administration ; que, par un arrêt du 6 mars 2006 contre lequel le garde des sceaux, ministre de la justice, se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé ce jugement et, après avoir relevé qu'une faute de surveillance était à l'origine du décès, a fait droit à la demande de réparation des ayants-droit de la victime ;

Considérant, en premier lieu, que la responsabilité de l'Etat du fait des services pénitentiaires en cas de dommage résultant du suicide d'un détenu peut être recherchée en cas de faute ; que, dès lors, la cour n'a pas commis d'erreur de droit en ne recherchant pas si l'administration avait commis une faute lourde ; qu'elle n'a pas non plus, eu égard à l'office du juge de plein contentieux, commis d'irrégularité en engageant la responsabilité de l'administration pour faute alors même que les requérants concluaient à l'existence d'une faute lourde ;

Considérant, en second lieu, qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué, dont le garde des sceaux, ministre de la justice ne saurait sérieusement soutenir qu'il est insuffisamment motivé et qui n'est pas entaché de dénaturation, qu'il « résulte de l'instruction qu'au cours de la semaine qui a précédé le suicide de M. B, plusieurs surveillants du centre de détention de Salon-de-Provence, dans lequel il était incarcéré depuis le début de l'année 1997, ont noté des anomalies dans son comportement ; que si le psychiatre qui l'a examiné le 22 janvier 1998 n'a pas relevé chez lui de tendance suicidaire, se bornant à l'estimer perturbé, il avait été prescrit aux surveillants de lui porter une attention particulière ; que, le 25 janvier 1998, il a été placé dans le quartier disciplinaire après avoir agressé un autre détenu ; que, le 26 janvier 1998 vers sept heures trente, le gardien du quartier disciplinaire, dans lequel étaient alors placés sept détenus, l'a entendu crier pendant plusieurs minutes, puis a vu s'allumer dans son bureau le voyant correspondant à une commande placée dans la cellule de M. B ; que ce n'est qu'environ neuf à treize minutes après avoir entendu le début des cris, selon la relation des faits donnée par l'administration, que le gardien du quartier disciplinaire, qui avait entre-temps commencé à distribuer de l'eau chaude aux détenus avec deux autres surveillants, a découvert que M. B s'était pendu avec des lanières de drap à la grille d'aération de la cellule ; que M. B, qui était encore en vie lorsqu'il a été découvert, est ultérieurement décédé malgré les soins qui lui ont été administrés » ; qu'en déduisant de ces circonstances que « le surveillant du quartier disciplinaire, qui avait identifié les cris comme étant ceux de M. B, dont il avait lui-même noté la veille qu'il avait un comportement anormal, et qui n'a justifié d'aucun empêchement ni d'aucune difficulté particulière dans l'exercice de son activité au moment des faits, a commis, en se rendant à la cellule de M. B au terme d'un délai qui a été en l'espèce excessif, une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ; que cette faute, qui a retardé le moment où il a été tenté de porter secours à M. B, doit être regardée comme étant à l'origine de son décès », la cour n'a pas commis d'erreur dans la qualification juridique des faits, ni s'agissant de leur caractère fautif, ni en ce qui concerne l'existence d'un lien direct entre la faute commise et le décès du détenu ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi du GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE, à Mmes Zaquia A et Zaquia B et à M. Tahar B.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 04 mar. 2009, n° 293160
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Daël
Rapporteur ?: Mlle Aurélie Bretonneau
Rapporteur public ?: M. Guyomar Mattias

Origine de la décision
Formation : 6ème et 1ère sous-sections réunies
Date de la décision : 04/03/2009
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 293160
Numéro NOR : CETATEXT000020377566 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2009-03-04;293160 ?
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