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06/03/2009 | FRANCE | N°299035

France | France, Conseil d'État, Section du contentieux, 06 mars 2009, 299035


Vu la requête, enregistrée le 24 novembre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Rachid A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 21 septembre 2006 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours dirigé contre la décision du consul général de France à Casablanca (Maroc) lui refusant un visa d'établissement en France ;

2°) d'enjoindre au consul général de France de lui délivrer un visa de long séjour ;

3°) de mettre

à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L....

Vu la requête, enregistrée le 24 novembre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Rachid A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 21 septembre 2006 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours dirigé contre la décision du consul général de France à Casablanca (Maroc) lui refusant un visa d'établissement en France ;

2°) d'enjoindre au consul général de France de lui délivrer un visa de long séjour ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention relative aux droits de l'enfant faite à New York le 26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Agnès Fontana, chargée des fonctions de maître des requêtes,

- les conclusions de M. Nicolas Boulouis, rapporteur public ;

Considérant que M. A, ressortissant marocain, entré en France en 1966 à l'âge de trois ans, a fait l'objet de deux condamnations pénales en 1983 et 1985, puis d'un arrêté d'expulsion le 25 janvier 1989 ; que par arrêté du 3 novembre 2003, le préfet du Bas-Rhin a abrogé cet arrêté d'expulsion ; que M. A a demandé le 4 octobre 2004 au consul général de France à Casablanca (Maroc) l'octroi d'un visa de long séjour en vue de rejoindre son épouse, dont il a depuis divorcé, et ses quatre enfants qui résident en France ; que, saisie par l'intéressé d'un recours contre le refus de visa opposé par le consul général de France, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a confirmé ce rejet par une décision du 21 septembre 2006 dont M. A demande l'annulation ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'expulsion qu'en cas de comportements de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l'Etat, ou liés à des activités à caractère terroriste, ou constituant des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes : / 1° L'étranger qui justifie par tous moyens résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans ; / 2° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de vingt ans ; / 3° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans et qui, ne vivant pas en état de polygamie, est marié depuis au moins quatre ans soit avec un ressortissant français ayant conservé la nationalité française, soit avec un ressortissant étranger relevant du 1°, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage ; / 4° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans et qui, ne vivant pas en état de polygamie, est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins un an ... " ; qu'aux termes de l'article L 524-4 du même code : " Sauf en cas de menace pour l'ordre public, dûment motivée, les étrangers qui résident hors de France et qui ont obtenu l'abrogation de la mesure d'expulsion dont ils faisaient l'objet bénéficient d'un visa pour rentrer en France, lorsque, à la date de la mesure, ils relevaient, sous les réserves prévues par ces articles, des catégories mentionnées aux 1° à 4° de l'article L. 521-3 et qu'ils entrent dans le champ d'application des 4° ou 6° de l'article L. 313-11 ou dans celui du livre IV" ; qu'enfin, aux termes de l'article L. 313-11 de ce code : "Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée" ;

Considérant que ces dispositions ont été adoptées par le législateur afin de régler la situation des étrangers qui, ayant bénéficié de l'abrogation de la mesure d'expulsion dont ils avaient fait l'objet, d'une part, ne pourraient plus faire l'objet d'une telle mesure en application de l'article L. 521-3 précité et, d'autre part, rempliraient les conditions posées par l'article L. 313-11 pour obtenir une carte de séjour portant la mention vie privée et familiale ; qu'il en résulte qu'un étranger qui a bénéficié de l'abrogation de la mesure d'expulsion dont il faisait l'objet ne bénéficie d'un visa, sous réserve de la menace à l'ordre public, que, d'une part, si à la date de la mesure d'expulsion, il relevait des catégories mentionnées aux 1° et 4° de l'article L. 521-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sous les réserves prévues par ce même article, et que, d'autre part, s'il remplit les conditions posées aux 4° ou 6° de l'article L. 313-11 du même code ou à son livre IV ; qu'ainsi, en faisant une application cumulative des dispositions de ces deux articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France, la commission n'a pas commis d'erreur de droit ;

Considérant que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée, pour confirmer le refus du consul général de France à Casablanca, sur la menace à l'ordre public que constituerait la présence en France du requérant; qu'il incombe à l'administration, si elle entend fonder un refus de visa sur un motif tiré de l'ordre public, alors que l'étranger a bénéficié de l'abrogation de l'arrêté d'expulsion dont il avait fait l'objet, de faire état de circonstances ou d'éléments postérieurs à cette abrogation et de nature à justifier un tel refus ; que si M. A a fait l'objet de condamnations à 18 mois d'emprisonnement en 1983 puis à 5 ans dont un an avec sursis pour des actes de violence sur des personnes, puis d'un arrêté d'expulsion à raison de la menace à l'ordre public que faisaient peser ses agissements, il a bénéficié, ainsi qu'il a été dit, d'une abrogation de cette mesure d'expulsion le 3 novembre 2003 ; que le ministre n'apporte aucun élément et n'invoque aucune circonstance postérieurs à cette abrogation de nature à établir la menace à l'ordre public que pourrait constituer la présence en France de M A ; que ce motif est par conséquent entaché d'une erreur d'appréciation ; que cependant, la décision de la commission est également fondée sur le motif tiré de ce que M A ne remplit pas les conditions posées par le 6° de l'article L. 311-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que si M. A, qui était, au moment de la décision attaquée, en instance de divorce, soutient qu'il remplit les conditions posées par ces dispositions du fait qu'il est le père de quatre enfants français résidant en France, il n'apporte aucun élément permettant d'établir qu'il contribue effectivement à l'entretien et l'éducation de ces derniers ; qu'il résulte de l'instruction que la commission de recours contre les décisions de refus de visas d'entrée en France aurait pris la même décision si elle s'était fondée exclusivement sur ce second motif, qui est de nature à justifier légalement sa décision ;

Considérant enfin qu'il n'est pas établi que les membres de la famille de M. A qui résident en France ne pourraient venir lui rendre visite dans son pays s'ils le souhaitaient ; que le requérant n'apporte aucun élément venant au soutien de son allégation tenant en ce qu'il apporterait un soutien affectif à ses enfants et qu'il communiquerait régulièrement avec eux par téléphone ; que de même, il n'apporte pas d'élément permettant de montrer qu'il aurait cherché à maintenir un lien avec ses enfants depuis son retour au Maroc en 1995 ; qu'ainsi, dans les circonstances de l'espèce, il n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée d'une part, porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect d'une vie familiale normale et méconnaîtrait ainsi les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni d'autre part porterait atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant au sens des stipulations de l'article 3-1 de la convention du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du 21 septembre 2006 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours dirigé contre la décision du consul général de France à Casablanca lui refusant un visa d'établissement en France ; qu'il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Rachid A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.


Synthèse
Formation : Section du contentieux
Numéro d'arrêt : 299035
Date de la décision : 06/03/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

ÉTRANGERS - ENTRÉE EN FRANCE - VISAS - POSSIBILITÉ - POUR LES ÉTRANGERS AYANT FAIT L'OBJET - AVANT L'ENTRÉE EN VIGUEUR DE LA LOI DU 26 NOVEMBRE 2003 - D'UNE MESURE D'EXPULSION PAR LA SUITE ABROGÉE - D'OBTENIR DE PLEIN DROIT LA DÉLIVRANCE D'UN VISA DE LONG SÉJOUR (ART - L - 524-4 DU CESEDA) - CONDITIONS [RJ1].

335-005-01 L'article L. 524-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), issu de la loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité, dispose que sauf en cas de menace pour l'ordre public, dûment motivée, les étrangers qui résident hors de France et qui ont obtenu l'abrogation de la mesure d'expulsion dont ils faisaient l'objet bénéficient d'un visa pour rentrer en France, lorsque, à la date de la mesure, ils relevaient, sous les réserves prévues par ces articles, des catégories mentionnées aux 1° à 4° de l'article L. 521-3 et qu'ils entrent dans le champ d'application des 4° ou 6° de l'article L. 313-11 ou dans celui du livre IV. Ces dispositions ont été adoptées par le législateur afin de régler la situation des étrangers qui, ayant bénéficié de l'abrogation de la mesure d'expulsion dont ils avaient fait l'objet, d'une part, ne pourraient plus faire l'objet d'une telle mesure en application de l'article L. 521-3 précité et, d'autre part, rempliraient les conditions posées par l'article L. 313-11 pour obtenir une carte de séjour portant la mention vie privée et familiale. Il en résulte qu'un étranger qui a bénéficié de l'abrogation de la mesure d'expulsion dont il faisait l'objet ne bénéficie d'un visa, sous réserve de la menace à l'ordre public, que, d'une part, si à la date de la mesure d'expulsion, il relevait des catégories mentionnées aux 1° à 4° de l'article L. 521-3 du CESEDA, sous les réserves prévues par ce même article, et, d'autre part, s'il remplit les conditions posées aux 4° ou 6° de l'article L. 313-11 du même code ou à son livre IV. Par suite, en faisant une application cumulative des dispositions de ces deux articles du CESEDA, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France n'a pas commis d'erreur de droit.

ÉTRANGERS - EXPULSION - ABROGATION - POSSIBILITÉ - POUR LES ÉTRANGERS AYANT FAIT L'OBJET - AVANT L'ENTRÉE EN VIGUEUR DE LA LOI DU 26 NOVEMBRE 2003 - D'UNE MESURE D'EXPULSION PAR LA SUITE ABROGÉE - D'OBTENIR DE PLEIN DROIT LA DÉLIVRANCE D'UN VISA DE LONG SÉJOUR (ART - L - 524-4 DU CESEDA) - CONDITIONS [RJ1].

335-02-06 L'article L. 524-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), issu de la loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité, dispose que sauf en cas de menace pour l'ordre public, dûment motivée, les étrangers qui résident hors de France et qui ont obtenu l'abrogation de la mesure d'expulsion dont ils faisaient l'objet bénéficient d'un visa pour rentrer en France, lorsque, à la date de la mesure, ils relevaient, sous les réserves prévues par ces articles, des catégories mentionnées aux 1° à 4° de l'article L. 521-3 et qu'ils entrent dans le champ d'application des 4° ou 6° de l'article L. 313-11 ou dans celui du livre IV. Ces dispositions ont été adoptées par le législateur afin de régler la situation des étrangers qui, ayant bénéficié de l'abrogation de la mesure d'expulsion dont ils avaient fait l'objet, d'une part, ne pourraient plus faire l'objet d'une telle mesure en application de l'article L. 521-3 précité et, d'autre part, rempliraient les conditions posées par l'article L. 313-11 pour obtenir une carte de séjour portant la mention vie privée et familiale. Il en résulte qu'un étranger qui a bénéficié de l'abrogation de la mesure d'expulsion dont il faisait l'objet ne bénéficie d'un visa, sous réserve de la menace à l'ordre public, que, d'une part, si à la date de la mesure d'expulsion, il relevait des catégories mentionnées aux 1° à 4° de l'article L. 521-3 du CESEDA, sous les réserves prévues par ce même article, et, d'autre part, s'il remplit les conditions posées aux 4° ou 6° de l'article L. 313-11 du même code ou à son livre IV. Par suite, en faisant une application cumulative des dispositions de ces deux articles du CESEDA, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France n'a pas commis d'erreur de droit.


Références :

[RJ1]

Cf. 7 mars 2007, Bentanoute, n° 290994, inédite au Recueil.


Publications
Proposition de citation : CE, 06 mar. 2009, n° 299035
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: Mme Agnès Fontana
Rapporteur public ?: M. Boulouis Nicolas

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2009:299035.20090306
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