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06/03/2009 | FRANCE | N°311311

France | France, Conseil d'État, 4ème et 5ème sous-sections réunies, 06 mars 2009, 311311


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 6 décembre 2007 et 3 mars 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la FEDERATION DES FINANCES CFDT, dont le siège est 2-8 avenue Gaston Rebuffat à Paris (75940 Cedex 19) ; la FEDERATION DES FINANCES CFDT demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le décret n° 2007-1456 du 10 octobre 2007 relatif aux horaires d'équivalence applicables aux emplois de certains agents en fonction dans les services relevant de la direction générale des douanes et droits indirects ;

2°) d'e

njoindre à l'administration, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retar...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 6 décembre 2007 et 3 mars 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la FEDERATION DES FINANCES CFDT, dont le siège est 2-8 avenue Gaston Rebuffat à Paris (75940 Cedex 19) ; la FEDERATION DES FINANCES CFDT demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le décret n° 2007-1456 du 10 octobre 2007 relatif aux horaires d'équivalence applicables aux emplois de certains agents en fonction dans les services relevant de la direction générale des douanes et droits indirects ;

2°) d'enjoindre à l'administration, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, d'édicter les dispositions appelées à se substituer aux dispositions annulées dans le respect de la définition du temps de travail et des seuils et plafonds prévus par les règles communautaires applicables ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail ;

Vu le décret n° 82-453 du 28 mai 1982 ;

Vu le décret n° 2000-815 du 25 août 2000 ;

Vu le décret n° 2002-155 du 8 février 2002 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Francine Mariani-Ducray, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de la FEDERATION DES FINANCES CFDT,

- les conclusions de M. Rémi Keller, rapporteur public,

- la parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de la FEDERATION DES FINANCES CFDT ;

Sur la légalité externe :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du II de l'article 3 du décret du 25 août 2000, relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique de l'Etat et dans la magistrature, il ne peut être dérogé aux règles minimales d'organisation du travail énoncées au I du même article, que : a) lorsque l'objet même du service public en cause l'exige en permanence, notamment pour la protection des personnes et des biens, par décret en Conseil d'Etat, pris après avis du comité d'hygiène et de sécurité le cas échéant, du comité paritaire ministériel et du conseil supérieur de la fonction publique, qui détermine les contreparties accordées aux catégories d'agents concernés ; qu'aux termes de l'article 30 du décret du 28 mai 1982 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la prévention médicale dans la fonction publique : Sous réserve des compétences des comités techniques paritaires mentionnées à l'article 29, les comités d'hygiène et de sécurité ont pour mission de contribuer à la protection de la santé et à la sécurité des agents dans leur travail. Ils ont notamment à connaître des questions relatives : / - à l'observation des prescriptions législatives et réglementaires en matière d'hygiène et de sécurité ; / - aux méthodes et techniques de travail et au choix des équipements de travail dès lors qu'ils sont susceptibles d'avoir une influence directe sur la santé des agents ; / - aux projets d'aménagements, de construction et d'entretien des bâtiments au regard des règles d'hygiène et de sécurité, et de bien-être au travail ; / - aux mesures prises en vue de faciliter l'adaptation des postes de travail aux handicapés ; / - aux mesures d'aménagement des postes de travail permettant de favoriser l'accès des femmes à tous les emplois et nécessaires aux femmes enceintes. / Les comités procèdent en outre à l'analyse des risques professionnels auxquels sont exposés les agents du ou des services entrant dans leur champ de compétence (...) ; qu'en prévoyant de soumettre le cas échéant à l'avis du comité d'hygiène et de sécurité certains textes sur la durée du travail, le II de l'article 3 du décret du 25 août 2000 n'a pas entendu exiger l'avis de ce comité sur d'autres questions que celles qui relèvent de sa compétence en vertu des dispositions précitées de l'article 30 du décret du 28 mai 1982 ; qu'il en résulte que seuls les textes sur la durée du travail relevant du II de l'article 3 du décret du 25 août 2000 qui soulèvent des questions particulières en matière d'hygiène ou de sécurité au travail doivent être précédés de l'avis du comité d'hygiène et de sécurité ; qu'en l'espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier que le décret attaqué soulevait une question de cette nature ; que, par suite, la fédération requérante n'est pas fondée à soutenir que le décret attaqué serait entaché d'illégalité faute d'avoir été soumis à la consultation du comité d'hygiène et de sécurité ministériel compétent ;

Sur la légalité interne :

En ce qui concerne la méconnaissance des dispositions de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003 :

Considérant qu'aux termes de l'article 2 de cette directive : Aux fins de la présente directive, on entend par : 1. temps de travail : toute période durant laquelle le travailleur est au travail, à la disposition de l'employeur et dans l'exercice de son activité ou de ses fonctions, conformément aux législations et/ou pratiques nationales ; (...) ;

Considérant que les dispositions de la directive, telles qu'interprétées par la Cour de justice des Communautés européennes, ne font pas obstacle, par elles-mêmes, à la fixation de rapports d'équivalence entre le temps de présence d'un travailleur sur son lieu de travail et le temps de travail regardé comme effectif ; qu'aux termes de l'article 1er du décret attaqué : Chaque heure de présence des agents des douanes embarqués à bord d'un patrouilleur garde-côtes et affectés à des missions de contrôle, de surveillance, de maintenance, de police et d'assistance en mer est équivalente à un temps de travail de quarante minutes ; et qu'aux termes de l'article 2 du même décret : La durée hebdomadaire du travail effectif des agents mentionnés à l'article 1er ne peut excéder quarante huit heures en moyenne sur une période de six mois consécutifs. Cette durée est calculée sur la base de l'intégralité des heures de présence au travail des personnels concernés ; qu'en prévoyant ainsi, par son article 1er, un rapport d'équivalence entre le temps de présence des agents des douanes embarqués et leur temps de travail, et, par son article 2, que, pour le calcul de la durée hebdomadaire maximale de ce temps de travail, était prise en compte l'intégralité de leurs heures de présence à bord, le décret attaqué n'a eu ni pour objet ni pour effet de méconnaître les dispositions de la directive citées ci-dessus ;

Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la même directive : Les Etats membres prennent les dispositions nécessaires pour que (...) la durée hebdomadaire de travail pour chaque période de sept jours n'excède pas quarante-huit heures, y compris les heures supplémentaires. ; qu'aux termes de son article 16 : Les Etats membres peuvent prévoir : (...) b) pour l'application de l'article 6 (durée hebdomadaire du travail), une période de référence ne dépassant pas quatre mois. ; et qu'aux termes de son article 17 : (...) Il peut être dérogé (à l'article 16) : a) pour les activités caractérisées par un éloignement entre le lieu de travail et le lieu de résidence du travailleur (...) ; b) pour les activités de garde, de surveillance et de permanence caractérisées par la nécessité d'assurer la protection des biens et des personnes (...) ; que si, par son article 2, le décret attaqué prévoit des durées de travail hebdomadaires maximales de 48 heures sur une période de six mois consécutifs, dérogatoires par rapport à celles fixées par le b) de l'article 16 de la directive, une telle dérogation est au nombre de celles autorisées par l'article 17 de la directive dès lors qu'il existe, en l'espèce, à la fois un éloignement entre le lieu de travail et le lieu de résidence des agents embarqués et des activités de garde, de surveillance et de permanence pour la protection des biens et des personnes ; qu'ainsi le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 16 de la directive doit être écarté ;

Considérant que le moyen tiré de ce que le décret attaqué méconnaîtrait les plafonds fixés par la directive en matière de durée quotidienne de travail, de repos ou d'activités de nuit manque en fait, ces durées et plafonds demeurant fixés, sans qu'il y soit fait exception pour les agents visés par le décret attaqué, par le décret du 8 février 2002 portant dérogation aux garanties minimales de durée du travail et de repos pour certains agents du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, qui respecte les plafonds de la directive ;

En ce qui concerne la méconnaissance du décret du 25 août 2000 :

Considérant qu'en vertu du II de l'article 3 du décret du 25 août 2000, des dérogations peuvent être édictées, par décret en Conseil d'Etat, aux durées hebdomadaires maximales de travail fixées par le I de l'article 3 du même décret, aux termes duquel la durée hebdomadaire du travail effectif, heures supplémentaires comprises, ne peut excéder ni quarante-huit heures au cours d'une même semaine, ni quarante-quatre heures en moyenne sur une période quelconque de douze semaines consécutives, quand l'objet même du service public en cause l'exige en permanence ; qu'une telle nécessité n'est pas contestée en l'espèce ; qu'ainsi le décret en Conseil d'Etat attaqué n'a pas méconnu le décret du 25 août 2000 en prévoyant des durées dérogatoires ;

Considérant qu'aux termes de l'article 3 du décret attaqué : Les agents mentionnés à l'article 1er bénéficient, en contrepartie de la sujétion qui leur est imposée par les dispositions de l'article 2, d'une dérogation à la durée annuelle du travail de 1 607 heures, en application du troisième alinéa de l'article 1er du décret du 25 août 2000 susvisé ; qu'aux termes du troisième alinéa de l'article 1er du décret du 25 août 2000, la durée annuelle de 1 607 heures, sous les conditions qu'il fixe, peut être réduite, par arrêté du ministre intéressé, du ministre chargé de la fonction publique et du ministre du budget (...) ; qu'il résulte de ces dispositions que, si doit être écarté le moyen tiré de ce qu'en s'abstenant de fixer, dans le décret attaqué, le niveau de la contrepartie prévue par ces dispositions précitées, les auteurs de ce décret n'auraient pas épuisé leur compétence, en revanche, les sujétions imposées par l'article 2 du décret attaqué ne peuvent légalement être appliquées tant que l'arrêté fixant le niveau de la contrepartie n'est pas entré en vigueur ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la FEDERATION DES FINANCES CFDT n'est pas fondée à demander l'annulation du décret du 10 octobre 2007 ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de la FEDERATION DES FINANCES CFDT est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la FEDERATION DES FINANCES CFDT, au Premier ministre et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 06 mar. 2009, n° 311311
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Vigouroux
Rapporteur ?: Mme Francine Mariani-Ducray
Rapporteur public ?: M. Keller Rémi
Avocat(s) : SCP MASSE-DESSEN, THOUVENIN

Origine de la décision
Formation : 4ème et 5ème sous-sections réunies
Date de la décision : 06/03/2009
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 311311
Numéro NOR : CETATEXT000020377608 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2009-03-06;311311 ?
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