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06/03/2009 | FRANCE | N°324940

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 06 mars 2009, 324940


Vu la requête, enregistrée le 10 février 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, présentée pour la SOCIETE LABORATOIRES NEGMA, dont le siège est situé 10, rue Paul Dautier à Vélizy Villacoublay (78140), représentée par son président en exercice ; la SOCIETE LABORATOIRES NEGMA demande au juge des référés du Conseil d'État :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision du 15 janvier 2009 par laquelle le président du comité économique des produits de santé (CEPS)

a refusé de rapporter la décision du comité fixant le prix de la spécialité « ...

Vu la requête, enregistrée le 10 février 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, présentée pour la SOCIETE LABORATOIRES NEGMA, dont le siège est situé 10, rue Paul Dautier à Vélizy Villacoublay (78140), représentée par son président en exercice ; la SOCIETE LABORATOIRES NEGMA demande au juge des référés du Conseil d'État :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision du 15 janvier 2009 par laquelle le président du comité économique des produits de santé (CEPS) a refusé de rapporter la décision du comité fixant le prix de la spécialité « Diacéréine Biogaran » ;

2°) de mettre à la charge du comité économique des produits de santé le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient qu'il y a urgence ; que la décision contestée a pour effet d'autoriser la commercialisation par la société Biogaran de la « Diacéréine Biogaran », spécialité générique de la spécialité princeps « ART 50 » qu'elle commercialise, alors que cette commercialisation lui cause un préjudice financier irréparable et qu'elle s'effectue en violation du brevet dont elle dispose ; qu'elle fait peser un risque au regard de l'intérêt général de protection de la santé publique, dès lors qu'elle entraîne une perte de chance pour les patients de suivre un traitement approprié et qu'elle a pour effet d'autoriser la commercialisation d'une spécialité dont l'innocuité n'a pas été prouvée sur le long terme et dont la légalité de l'autorisation de mise sur le marché est contestée ; qu'il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée ; qu'elle est insuffisamment motivée ; qu'elle est entachée d'une erreur de fait, en ne considérant pas que les droits de propriété intellectuelle détenus par elle sur la spécialité « ART 50 » font obstacle à la commercialisation de toute spécialité générique, ainsi que l'avait constaté le juge des référés du Conseil d'État dans son ordonnance du 12 décembre 2008 ; qu'elle est entachée d'une première erreur de droit, en ce qu'elle méconnaît l'autorité juridique s'attachant à l'ordonnance du juge des référés du Conseil d'État en date du 12 décembre 2008 ; qu'en autorisant la commercialisation de la spécialité générique en dépit du brevet qu'elle détient jusqu'en 2012 sur la spécialité princeps, le président du comité économique des produits de santé a méconnu les dispositions de l'article L. 5121-10 alinéa 3 du code de la santé publique et entaché sa décision d'une seconde erreur de droit ; que le président du comité économique des produits de santé a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation, en autorisant la commercialisation de la spécialité générique sans prendre en compte les effets juridiques du brevet d'une part, de l'ordonnance du 12 décembre 2008 d'autre part ;

Vu la décision dont la suspension est demandée ;

Vu la requête à fin d'annulation présentée à l'encontre de cette décision ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 25 février 2009, présenté par le président du comité économique des produits de santé, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que, à supposer que la commercialisation d'un générique de la spécialité « ART 50 » soit susceptible d'entraîner des conséquences irréparables sur les conditions d'exploitation de l'entreprise requérante, le risque lié à la commercialisation du générique pour la santé publique et pour les patients est très faible, la bioéquivalence du générique ayant été reconnue par l'agence française de sécurité sanitaire des produits de santé ; que le comité économique des produits de santé ne saurait légalement s'ériger en juge de la validité des brevets ; qu'ainsi le moyen tiré de l'erreur de droit dont serait entachée la décision de fixation du prix de la spécialité « Diacéréine Biogaran », en ce qu'elle ne prend pas en compte les droits de propriété intellectuelle allégués par la requérante, n'est pas de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de la décision attaquée ; que l'ordonnance en date du 12 décembre 2008 n'a pas pu se prononcer sur la validité du brevet détenu par la requérante, le juge des référés du Conseil d'État n'étant saisi que de la décision de l'agence française de sécurité sanitaire des produits de santé d'attribuer la qualité de générique à diverses spécialités ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 26 février 2009, présenté pour la société Biogaran, qui conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la SOCIETE LABORATOIRES NEGMA le versement de la somme de 6 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que la condition d'urgence n'est pas remplie ; que les préjudices allégués, liés à l'équilibre financier de l'entreprise et au risque pour la santé publique, sont sans relation avec la décision dont la suspension est demandée ; qu'à supposer un lien entre la décision et le préjudice financier, les éléments fournis à l'appui de la requête ne permettent pas d'établir ce dernier ; que l'entreprise requérante a elle-même sollicité une autorisation de mise sur le marché d'un générique de la spécialité de référence ; que le risque pour la santé publique que présenterait la commercialisation du générique « Diacéréine Biogaran » n'est pas davantage établi ; que les moyens de légalité invoqués ne sont pas de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de la décision attaquée ; que la décision du président du comité économique des produits de santé est suffisamment motivée ; que l'existence de droits de propriété intellectuelle sur la spécialité de référence ne fait pas partie des critères de fixation du prix des médicaments ; que le moyen tiré de la méconnaissance par la décision de l'étendue des droits conférés par le brevet n'est pas fondé ; que la société Biogaran n'a jamais formellement soutenu que la commercialisation de sa spécialité ne saurait intervenir avant juin 2012 ni admis que la requérante détenait des droits de propriété intellectuelle faisant obstacle à cette commercialisation ; que le juge des référés du Conseil d'État n'a jamais constaté l'existence de tels droits de propriété intellectuelle qui s'imposeraient à lui et ne s'est jamais prononcé sur leur bien-fondé ; que l'ordonnance en date du 12 décembre 2008, rendue sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative et dans le cadre d'une instance à laquelle le comité économique des produits de santé n'était pas partie, n'est pas revêtue de l'autorité de la chose jugée ; que, à supposer l'existence éventuelle de droits de propriété intellectuelle sur la spécialité de référence, ces droits ne sont pas opposables à l'autorité administrative lorsqu'elle prend une décision de fixation du prix d'un médicament ; que l'existence éventuelle de droits de propriété intellectuelle sur la spécialité de référence relève de la seule compétence du juge judiciaire ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 2 mars 2009, présenté pour la SOCIETE LABORATOIRES NEGMA qui reprend les conclusions de sa requête et les mêmes moyens ; elle soutient en outre que, en ce qui concerne la condition d'urgence, le caractère irréparable du préjudice financier causé par la commercialisation prématurée du générique de sa spécialité princeps « ART 50 » est manifeste, eu égard à la part que représentent les ventes d' « ART 50 » dans le chiffres d'affaires de l'entreprise, au taux de substitution du princeps par le générique et à la baisse, à la fois observée et attendue, de ventes de l' « ART 50 » ; que le dépôt d'une demande d'autorisation de mise sur le marché pour un générique de sa propre spécialité princeps ne constitue qu'une mesure conservatoire ; qu'il n'appartient pas au comité économique des produits de santé de préjuger de la nullité d'un brevet ; qu'un brevet est valide, produit ses effets et est opposable à tous, tant qu'il n'est pas annulé par la juridiction compétente ; que le titre de propriété intellectuelle qu'elle détient sur l' « ART 50 » jusqu'en 2012 est valide ; qu'aucune incertitude ne pèse sur le champ d'application de ce brevet et n'est de nature à justifier la décision du président du comité économique des produits de santé d'en écarter les effets ; que les stipulations de l'article 3 de l'accord-cadre conclu entre les entreprises du médicament et le comité économique des produits de santé invoquées par celui-ci ne sauraient être interprétées comme dérogeant aux dispositions du code de la santé publique et du code de la sécurité sociale ; que l'existence de droits de propriété intellectuelle doit nécessairement être prise en compte par le président du comité économique des produits de santé lorsqu'il prend une décision de fixation du prix d'un médicament, dès lors que l'un des critères mentionnés à l'article L. 162-16-4 du code de la sécurité sociale est celui des volumes de vente prévus ou constatés ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la propriété intellectuelle ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, la SOCIETE LABORATOIRES NEGMA, et d'autre part, le président du comité économique des produits de santé et la société Biogaran ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 3 mars 2009 à 10 h 00 au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Roger, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, avocat de la SOCIETE LABORATOIRES NEGMA ;

- les représentants de la SOCIETE LABORATOIRES NEGMA ;

- le président du comité économique des produits de santé ;

- Me Briard, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, avocat de la société Biogaran ;

- les représentants de la société Biogaran ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision » ;

Considérant que, par décision du 4 septembre 2008, l'agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) a délivré à la société Biogaran une autorisation de mise sur le marché pour la spécialité « Diacéréine Biogaran », générique de la spécialité « ART 50 », exploitée par la SOCIETE LABORATOIRES NEGMA ; que par ordonnance du 12 décembre 2008, le juge des référés du Conseil d'Etat a rejeté, pour défaut d'urgence, la requête de cette dernière société tendant, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, à la suspension de cette autorisation ; que, par arrêté du 5 janvier 2009, le ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative a inscrit la spécialité « Diacéréine Biogaran » sur la liste des spécialités pharmaceutiques remboursables aux assurés sociaux ; que par décision du 15 janvier 2009, le président du comité économique des produits de santé (CEPS) a rejeté la demande de la SOCIETE LABORATOIRES NEGMA tendant au retrait de la décision du comité fixant le prix de la spécialité « Diacéréine Biogaran » ; que la SOCIETE LABORATOIRES NEGMA demande la suspension de cette dernière décision ;

Considérant, d'une part, que l'ordonnance du juge des référés du Conseil d'Etat du 12 décembre 2008 n'est pas revêtue de l'autorité de la chose jugée ; qu'ainsi le moyen tiré de la violation de cette ordonnance ne paraît pas, en l'état de l'instruction, de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision contestée ;

Considérant, d'autre part, que la fixation du prix de vente au public des spécialités pharmaceutiques, effectuée par le comité économique des produits de santé en application de l'article L. 162-16-4 du code de la sécurité sociale, a pour seul objet de déterminer l'un des éléments permettant le remboursement des médicaments par l'assurance maladie ; qu'elle n'a pas pour effet d'autoriser la commercialisation du produit, laquelle interviendra sous la responsabilité du laboratoire au regard du respect des dispositions du code de la propriété intellectuelle ; qu'ainsi le moyen tiré de la méconnaissance des droits tiré par la SOCIETE LABORATOIRES NEGMA d'un brevet concernant la spécialité « ART 50 » est inopérant et ne paraît donc pas de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision contestée ;

Considérant, enfin, qu'aucun des autres moyens de la requête ne paraît, en l'état de l'instruction, de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision contestée ;

Considérant que, dans ces conditions, il y a lieu de rejeter la requête de la SOCIETE LABORATOIRES NEGMA, y compris ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de cette société la somme de 2 000 euros à verser à la société Biogaran ;

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de la SOCIETE LABORATOIRES NEGMA est rejetée.

Article 2 : La SOCIETE LABORATOIRES NEGMA versera la somme de 2 000 euros à la société Biogaran au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la SOCIETE LABORATOIRES NEGMA, au président du comité économique des produits de santé et à la société Biogaran.

Copie en sera adressée pour information à la ministre de la santé et des sports.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 324940
Date de la décision : 06/03/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 06 mar. 2009, n° 324940
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: M. Philippe Martin
Avocat(s) : SCP ROGER, SEVAUX ; SCP DELAPORTE, BRIARD, TRICHET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2009:324940.20090306
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