La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/03/2009 | FRANCE | N°296363

France | France, Conseil d'État, 9ème sous-section jugeant seule, 11 mars 2009, 296363


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 9 août et 11 décembre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Bernard A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 21 avril 2006 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 8 janvier 2004 du directeur de la Caisse des dépôts et consignations, agissant en qualité de gérant de la CNRACL, rejetant sa demande de révision de sa pension de retraite afin de bénéf

icier d'une bonification pour ses quatre enfants, en application du b) d...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 9 août et 11 décembre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Bernard A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 21 avril 2006 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 8 janvier 2004 du directeur de la Caisse des dépôts et consignations, agissant en qualité de gérant de la CNRACL, rejetant sa demande de révision de sa pension de retraite afin de bénéficier d'une bonification pour ses quatre enfants, en application du b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite, et, d'autre part, à ce que le tribunal enjoigne à la Caisse des dépôts et consignations de modifier les conditions dans lesquelles sa pension lui a été concédée et de revaloriser celle-ci rétroactivement à compter de sa date de prise d'effet ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le traité de Rome instituant la Communauté économique européenne, devenue la Communauté européenne ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

Vu la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites ;

Vu le décret n° 2003-1305 du 26 décembre 2003 ;

Vu l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes C-366/99 du 29 novembre 2001 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Eric Combes, chargé des fonctions de Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de M. A,

- les conclusions de M. Pierre Collin, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que, dans sa demande introductive d'instance, enregistrée le 12 mars 2004, M. A avait soulevé devant le tribunal administratif de Grenoble le moyen tiré de ce que les dispositions de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites ne lui étaient pas applicables, dès lors que le décret d'application de cette loi n'était pas intervenu lorsqu'il a été admis à la retraite ; que le jugement attaqué ne répond pas à ce moyen qui n'était pas inopérant ; que, par suite, M. A est fondé à soutenir que le tribunal administratif de Grenoble a entaché son jugement d'un défaut de réponse à un moyen ; que ce jugement doit, dès lors, être annulé ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;

Considérant que pour demander l'annulation de la décision du 8 janvier 2004 du directeur de la Caisse des dépôts et consignations rejetant sa demande de révision de sa pension de retraite afin de bénéficier d'une bonification pour ses quatre enfants, en application du b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite, M. A soutient que le II de l'article 48 de la loi du 21 août 2003 et l'article L. 12 de ce code sont incompatibles avec le principe d'égalité des rémunérations tel qu'interprété par la Cour de justice des Communautés européennes ; qu'en outre, le caractère rétroactif du b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite ne peut lui être opposé dès lors que ledit article est fondé sur une rétroactivité contraire à l'article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et, qu'enfin, les conditions d'interruption d'activité, fixées par le décret du 26 décembre 2003, ne peuvent lui être appliquées dès lors que, à la date de son admission à la retraite, le 1er juin 2003, ce décret n'était pas intervenu ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction issue du I de l'article 48 de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites : Aux services effectifs s'ajoutent, dans les conditions déterminées par un décret en Conseil d'Etat, les bonifications ci-après : (...) b) Pour chacun de leurs enfants légitimes et de leurs enfants naturels nés antérieurement au 1er janvier 2004, pour chacun de leurs enfants dont l'adoption est antérieure au 1er janvier 2004 et, sous réserve qu'ils aient été élevés pendant neuf ans au moins avant leur vingt-et-unième anniversaire, pour chacun des autres enfants énumérés au II de l'article L. 18 dont la prise en charge a débuté antérieurement au 1er janvier 2004, les fonctionnaires et militaires bénéficient d'une bonification fixée à un an, qui s'ajoute aux services effectifs, à condition qu'ils aient interrompu leur activité dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat (...) ; que l'article 6 du décret du 26 décembre 2003, pris pour l'application de ces dispositions, a remplacé l'article R. 13 du même code par les dispositions suivantes : Le bénéfice des dispositions du b) de l'article L. 12 est subordonné à une interruption d'activité d'une durée continue au moins égale à deux mois dans le cadre d'un congé pour maternité, d'un congé pour adoption, d'un congé parental ou d'un congé de présence parentale, prévus par les articles 34 (5°), 54 et 54 bis de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat et les articles 53 (2°), 65-1 et 65-3 de la loi n° 72-662 du 13 juillet 1972 portant statut général des militaires, ou d'une disponibilité pour élever un enfant de moins de huit ans prévue par l'article 47 du décret n° 85-986 du 16 septembre 1985 relatif au régime particulier de certaines positions des fonctionnaires de l'Etat et à certaines modalités de cessation définitive de fonctions ; que, par ailleurs, selon le II du même article 48 de la loi du 21 août 2003 : Les dispositions du b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite issues de la rédaction du 2° du I s'appliquent aux pensions liquidées à compter du 28 mai 2003 ;

Considérant que les dispositions introduites au b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite par le I de l'article 48 de la loi du 21 août 2003 ouvrent aux fonctionnaires une bonification d'un an par enfant afin de compenser les inconvénients causés à leur carrière par l'interruption de leur service, à l'occasion d'une naissance, d'une adoption ou de périodes consacrées à l'éducation des enfants ; que, dès lors que cet avantage est ouvert tant aux hommes qu'aux femmes, ces dispositions ne sont pas incompatibles avec le principe d'égalité des rémunérations entre hommes et femmes tel qu'il a été interprété par la Cour de justice des Communautés européennes dans son arrêt C-366/99 du 29 novembre 2001 ;

Considérant que, eu égard à l'objet de cette bonification, ce principe n'interdisait pas que la loi subordonne le bénéfice de cette bonification à une interruption d'activité, alors même qu'en raison des dispositions statutaires auxquelles ont été soumis les pensionnés qui tombent sous le coup des dispositions de l'article 48 de la loi du 21 août 2003, le dispositif nouveau bénéficiera principalement aux fonctionnaires de sexe féminin ;

Considérant que les stipulations du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales peuvent être invoquées à bon droit, en l'absence d'un impérieux motif d'intérêt général, pour contester l'application rétroactive de la loi du 21 août 2003, par un requérant qui, d'une part, avait présenté avant l'adoption du projet de loi en conseil des ministres une demande tendant à ce que l'arrêté de concession de sa pension intègre la bonification d'ancienneté pour enfant et qui, d'autre part, à la date de publication de la loi, avait, à la suite d'une décision lui refusant le bénéfice du régime antérieurement applicable, engagé une action contentieuse en vue de contester la légalité de cette décision ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A a saisi le tribunal administratif de Grenoble de la décision de refus opposée le 8 janvier 2004 à sa demande tendant à la révision de sa pension par le directeur de la Caisse des dépôts et consignations par une demande enregistrée au greffe de ce tribunal le 12 mars 2004 ; qu'à cette date il ne pouvait donc plus contester l'application rétroactive de la loi du 21 août 2003 au regard de l'article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, dès lors, ce moyen doit être écarté ;

Considérant que si le décret du 26 décembre 2003, pris pour l'application des dispositions précitées de la loi du 21 août 2003, est entré en vigueur, conformément à son article 48, le 1er janvier 2004, le II de l'article 48 de la loi du 21 août 2003 a entendu faire produire à ce décret d'application des effets dès le 28 mai 2003, soit antérieurement à son intervention ; que par suite, M. A n'est pas fondé à soutenir qu'en l'absence de décret d'application à la date du 1er juin 2003, les dispositions de ce décret ne pouvaient lui être appliquées ; qu'ainsi, ce moyen ne peut qu'être écarté ;

Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction, et qu'il n'est d'ailleurs pas allégué, que M. A aurait interrompu son activité dans les conditions précisées par l'article 6 du décret du 26 décembre 2003, pour se consacrer à l'éducation de ses quatre enfants ; qu'il suit de là que M. A n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du directeur de la Caisse des dépôts et consignations lui refusant le bénéfice de la bonification d'ancienneté pour enfants prévue au b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction issue de la loi du 21 août 2003 ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la demande de M. A ne peut qu'être rejetée ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du 21 avril 2006 du tribunal administratif de Grenoble est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A devant le tribunal administratif de Grenoble est rejetée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Bernard A et à la Caisse des dépôts et consignations.


Synthèse
Formation : 9ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 296363
Date de la décision : 11/03/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux des pensions

Publications
Proposition de citation : CE, 11 mar. 2009, n° 296363
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Jouguelet
Rapporteur ?: M. Eric Combes
Rapporteur public ?: M. Collin Pierre
Avocat(s) : SCP PIWNICA, MOLINIE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2009:296363.20090311
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award