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11/03/2009 | FRANCE | N°310777

France | France, Conseil d'État, 1ère et 6ème sous-sections réunies, 11 mars 2009, 310777


Vu le pourvoi, enregistré le 20 novembre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DU DEVELOPPEMENT ET DE L'AMENAGEMENT DURABLES, qui demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 18 septembre 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon, annulant le jugement du 15 octobre 2004 du tribunal administratif de Grenoble, a condamné l'Etat à payer à M. Gérard A la somme de 74 579,48 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 27 décembre 2000 et de la capitalisation des intérêt

s, en réparation du préjudice subi par celui-ci du fait du retard avec ...

Vu le pourvoi, enregistré le 20 novembre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DU DEVELOPPEMENT ET DE L'AMENAGEMENT DURABLES, qui demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 18 septembre 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon, annulant le jugement du 15 octobre 2004 du tribunal administratif de Grenoble, a condamné l'Etat à payer à M. Gérard A la somme de 74 579,48 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 27 décembre 2000 et de la capitalisation des intérêts, en réparation du préjudice subi par celui-ci du fait du retard avec lequel a été adopté le décret prévu par les articles 79 et 80 de la loi du 11 janvier 1984 ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter les conclusions d'appel présentées par M. A devant la cour administrative d'appel de Lyon ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu la loi n° 83-481 du 11 juin 1983 ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

Vu le décret n° 99-121 du 15 février 1999 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Pascal Trouilly, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de M. A,

- les conclusions de M. Luc Derepas, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin ;

Considérant qu'aux termes de l'article 73 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique : « Les agents non titulaires qui occupent un emploi présentant les caractéristiques définies à l'article 3 du titre 1er du statut général ont vocation à être titularisés, sur leur demande, dans des emplois de même nature qui sont vacants ou qui seront créés par les lois de finances... » ; que l'article 79 de la loi prévoit que des décrets en Conseil d'Etat peuvent organiser pour les agents non titulaires mentionnés à l'article 73 l'accès aux différents corps de fonctionnaires suivant certaines modalités ; qu'en vertu de l'article 80 de la même loi, les décrets prévus par son article 79 fixent, pour chaque ministère, les corps auxquels les agents non titulaires mentionnés à l'article 73 peuvent accéder et les modalités d'accès à ces corps ; que ces articles 79 et 80 reprennent d'ailleurs les dispositions de même objet prévues par les articles 14 et 15 de la loi du 11 juin 1983 visée ci-dessus ;

Considérant que le gouvernement avait l'obligation de prendre les textes d'application des articles 79 et 80 mentionnés ci-dessus dans un délai raisonnable ; qu'en ce qui concerne les agents non titulaires du ministère de l'équipement ayant vocation à être nommés dans un corps de catégorie A, ces dispositions ont été fixées par le décret susvisé du 15 février 1999 ; qu'aux termes de l'article 1er et 3 de ce décret, les agents concernés ont vocation à être titularisés, sur leur demande, dans un corps de fonctionnaires de catégorie A sous réserve de leur réussite à un examen professionnel ; qu'en vertu de son article 4, les agents non titulaires disposent d'un délai d'un an à compter de la date de publication du décret pour déposer leur candidature ;

Considérant, en premier lieu, que compte tenu de la nature des mesures devant être adoptées et des circonstances propres à l'espèce, la publication du décret pris pour l'application des articles 79 et 80 de la loi du 11 janvier 1984 aux agents non titulaires du ministère de l'équipement aurait dû, pour respecter un délai raisonnable, intervenir au plus tard le 1er janvier 1986, de sorte que la titularisation des agents ayant réussi l'examen professionnel puisse prendre effet dès le 1er janvier 1987 ; que, dès lors, en relevant que l'absence d'entrée en vigueur des textes réglementaires permettant la titularisation de M. A, agent contractuel du ministère de l'équipement, avait, à partir du 1er janvier 1987, le caractère d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat, la cour administrative d'appel n'a pas inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis ;

Considérant, en deuxième lieu, que la circonstance qu'un agent contractuel renonce à solliciter son intégration après la publication du décret, pris pour l'application des dispositions précitées de la loi du 11 janvier 1984, qui le concerne, ne fait pas obstacle à ce que cet agent recherche la responsabilité de l'Etat à raison de la faute résultant du caractère tardif de l'adoption de ce texte, lorsque ce retard l'a dissuadé de demander cette intégration ; qu'en jugeant que la renonciation de M. A à demander sa titularisation après la publication du décret du 15 février 1999 était sans influence sur la réparation des préjudices invoqués par lui, la cour administrative d'appel n'a ainsi pas commis d'erreur de droit ;

Considérant, en troisième lieu, qu'en estimant que M. A aurait eu une chance sérieuse d'être titularisé à la date d'expiration du délai raisonnable imparti au pouvoir réglementaire pour prendre les dispositions d'application de la loi, que le préjudice invoqué par lui au titre du futur manque à gagner sur sa pension de retraite présentait un caractère suffisamment certain et que M. A avait subi un préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence, la cour administrative d'appel s'est livrée, sans commettre d'erreur de droit, à une appréciation souveraine des faits dépourvue de dénaturation ; qu'elle n'a pas davantage dénaturé les pièces du dossier en procédant, pour fixer le montant du préjudice subi, à l'appréciation des avancements dont il aurait pu bénéficier après sa titularisation ;

Considérant toutefois, en quatrième lieu, que si pour l'application des dispositions de l'article 1154 du code civil la demande de capitalisation des intérêts peut être présentée à tout moment devant le juge du fond, cette demande ne prend effet qu'à la date à laquelle elle est enregistrée et pourvu qu'à cette date il s'agisse d'intérêts dus pour au moins une année entière ; qu'ainsi, en jugeant, après avoir condamné l'Etat à payer à M. A la somme de 74 579,48 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 27 décembre 2000, que les intérêts échus le 27 décembre 2001 seraient capitalisés à cette date, ainsi qu'à chaque échéance annuelle ultérieure, pour produire eux-mêmes intérêts, alors qu'il ressort des termes mêmes de l'arrêt attaqué que la demande de capitalisation des intérêts n'a été présentée que le 2 février 2004, la cour administrative d'appel a entaché son arrêt d'une erreur de droit ; que cet arrêt doit ainsi, et dans cette seule mesure, être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler sur ce dernier point l'affaire au fond, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Considérant que M. A a demandé la capitalisation des intérêts dans un mémoire enregistré au greffe du tribunal administratif de Grenoble le 2 février 2004 ; qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêts ; que les intérêts échus le 2 février 2004 doivent, dès lors, être capitalisés à cette date, ainsi qu'à chaque échéance annuelle ultérieure, pour produire eux-mêmes intérêts ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, l'Etat étant la partie perdante pour l'essentiel dans la présente instance, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à sa charge le versement à M. A de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'article 2 de l'arrêt du 18 septembre 2007 de la cour administrative d'appel de Lyon est annulé en tant qu'il fixe à la date du 27 décembre 2001 la première échéance annuelle de capitalisation des intérêts.

Article 2 : Les intérêts au taux légal courant sur la somme de 74 579,48 euros à compter du 27 décembre 2000 et échus le 2 février 2004 seront capitalisés à cette dernière date, ainsi qu'à chaque échéance annuelle, pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : Le surplus des conclusions du recours du MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DU DEVELOPPEMENT ET DE L'AMENAGEMENT DURABLES est rejeté.

Article 4 : L'Etat versera à M. A la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DE L'ENERGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE ET DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE et à M. Gérard A.


Synthèse
Formation : 1ère et 6ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 310777
Date de la décision : 11/03/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 11 mar. 2009, n° 310777
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Daël
Rapporteur ?: M. Pascal Trouilly
Rapporteur public ?: M. Derepas Luc
Avocat(s) : SCP MASSE-DESSEN, THOUVENIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2009:310777.20090311
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