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13/03/2009 | FRANCE | N°324865

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 13 mars 2009, 324865


Vu la requête, enregistrée le 6 février 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la SOCIETE JR INTERNATIONAL, dont le siège est situé Centre de Gros Larrieu, 10 rue Gaston Evrard à Toulouse Cedex 1 (31094), représentée par son directeur, et pour la SOCIETE ALPOTEC, dont le siège est situé 10 boulevard Banon à Marseille (13005), représentée par son gérant ; la SOCIETE JR INTERNATIONAL et la SOCIETE ALPOTEC demandent au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrati

ve, la suspension de l'exécution de l'arrêté interministériel du 21 août 2...

Vu la requête, enregistrée le 6 février 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la SOCIETE JR INTERNATIONAL, dont le siège est situé Centre de Gros Larrieu, 10 rue Gaston Evrard à Toulouse Cedex 1 (31094), représentée par son directeur, et pour la SOCIETE ALPOTEC, dont le siège est situé 10 boulevard Banon à Marseille (13005), représentée par son gérant ; la SOCIETE JR INTERNATIONAL et la SOCIETE ALPOTEC demandent au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de l'arrêté interministériel du 21 août 2008 portant suspension de la mise sur le marché d'un système d'alarme par détection d'immersion et ordonnant son retrait, la diffusion de mise en garde et le rappel des appareils en vue d'un échange ou d'un remboursement total ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elles soutiennent que la condition d'urgence est remplie dès lors que l'arrêté litigieux est susceptible de porter une atteinte grave et irréversible à leurs intérêts financiers ; qu'en effet, l'exécution de la décision contestée constituerait une charge économique ayant pour effet, compte tenu des résultats de leurs derniers exercices comptables, de les conduire à une cessation de paiement à brève échéance ; qu'il existe un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté attaqué ; qu'il est entaché d'incompétence, dès lors, d'une part, qu'il n'a pas été pris par le ministre chargé de la consommation mais par le secrétaire d'Etat chargé de ce secteur et faute, d'autre part, pour ses signataires de justifier de délégations régulières ; qu'au surplus, le chef de service à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ne pouvait bénéficier d'une délégation de signature compte tenu des dispositions du décret du 27 juillet 2005 ; que la procédure d'adoption de l'arrêté contesté est irrégulière dans la mesure où les sociétés requérantes n'ont ni été entendues dans le délai de quinze jours suivant son adoption, ni invitées à présenter leurs observations sur les mesures ordonnées, ni même informées d'éventuelles auditions des associations nationales de consommateurs agréées, ainsi que l'exigent les dispositions de l'article L. 221-5 du code de la consommation ; qu'en outre, l'arrêté contesté est entaché d'erreur de fait à plusieurs titres ; que, tout d'abord, il n'a pas été tenu compte par l'administration du protocole de test réalisé par un laboratoire indépendant et produit par la SOCIETE JR INTERNATIONAL ; qu'ensuite, aucune des non-conformités constatées ne permet de conclure à l'inaptitude du produit commercialisé par les sociétés requérantes à détecter la chute d'un jeune enfant et à être entendu par les personnes chargées de la surveillance de cet enfant ; que l'arrêté litigieux est entaché d'erreur manifeste d'appréciation dans la mesure où les mesures ordonnées sont disproportionnées au regard du risque supposé, lequel n'est pas avéré ; que d'autres mesures, notamment de mises en garde et d'information, pouvaient être préférées à celles arrêtés ; qu'enfin, en ordonnant la suspension et le retrait du produit commercialisé par les sociétés requérantes, nonobstant des carences bien plus graves relevées sur d'autres modèles d'alarmes auxquels les mêmes mesures n'ont pas été appliquées, l'arrêté litigieux méconnaît le principe d'égalité ;

Vu l'arrêté dont la suspension est demandée ;

Vu la requête à fin d'annulation du même arrêté;

Vu, enregistré le 20 février 2009, le mémoire en défense présenté par le ministre du logement qui s'en remet aux observations du ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi ; il précise en outre que le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté dans la mesure où l'adjointe au directeur de l'habitat disposait, en vertu d'une décision du 17 juillet 2008, d'une délégation de signature régulière ;

Vu, enregistré le 24 février 2009, le mémoire en défense présenté par le ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que la condition d'urgence n'est pas satisfaite dès lors que, d'une part, que les sociétés requérantes n'ont saisi le juge des référés que plusieurs mois après la publication de l'arrêté contesté, que, d'autre part, les sociétés ne justifient pas des éléments comptables qu'elles avancent par la production de pièces comptables certifiées, et, d'autre part enfin, que l'intérêt général attaché à la prévention des noyades doit prévaloir sur les difficultés financières des entreprises ; que le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être rejeté dans la mesure où les secrétaire d'Etat chargé de l'industrie et de la consommation était compétent pour prendre des mesures du type de celles de l'arrêté contesté et où les signataires de la décision litigieuse disposaient d'une délégation valide et dûment publiée ; que le moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire doit être écarté dès lors que, d'une part, les sociétés requérantes ont été invitées à produire leurs observations avant l'adoption de la décision contestée mais également convoquées dans les quinze jours suivant la publication de l'arrêté litigieux, et que, d'autre part, les associations nationales de consommateurs agréées ont aussi été entendues ; que l'erreur de fait n'est pas démontrée dans la mesure où la dangerosité du produit commercialisé est avérée, eu égard aux non-conformités aux normes applicables à cette catégorie de produits ; que la décision contestée est proportionnée aux risques de non-détection de la chute d'un enfant dans l'eau et de noyade que comporte l'utilisation de l'appareil commercialisé par les sociétés requérantes ; que le moyen tiré de la violation du principe d'égalité n'est pas fondé dans la mesure où l'arrêté litigieux fait suite au refus manifesté par certaines entreprises de prendre des mesures volontaires suffisantes ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la consommation ;

Vu le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement ;

Vu le décret n° 2008-301 du 2 avril 2008 relatif aux attributions déléguées au secrétaire d'Etat chargé de l'industrie et de la consommation, porte parole du Gouvernement ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, la SOCIETE JR INTERNATIONAL et la SOCIETE ALPOTEC, d'autre part, le ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi et le ministre du logement ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du jeudi 5 mars 2009 à 11 heures au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Garreau, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la SOCIETE JR INTERNATIONAL et la SOCIETE ALPOTEC ;

- les représentants de la SOCIETE JR INTERNATIONAL et la SOCIETE ALPOTEC ;

- les représentants du ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. » ;

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 221-5 du code de la consommation : « En cas de danger grave et immédiat, le ministre chargé de la consommation et le ou les ministres intéressés peuvent suspendre par arrêté conjoint, pour une durée n'excédant pas un an, l'importation, l'exportation, la mise sur le marché à titre gratuit ou onéreux d'un produit et faire procéder à son retrait en tous lieux où il se trouve ou à sa destruction lorsque celle-ci constitue le seul moyen de faire cesser le danger. Ils ont également la possibilité d'ordonner la diffusion de mises en garde ou de précautions d'emploi ainsi que le rappel en vue d'un échange ou d'une modification ou d'un remboursement total ou partiel. ( ...) Le ministre chargé de la consommation et, selon le cas, le ou les ministres intéressés entendent sans délai les professionnels concernés et au plus tard quinze jours après qu'une décision de suspension a été prise. Ils entendent également les associations nationales de consommateurs agréées. Ces arrêtés préciseront les conditions selon lesquelles seront mis à la charge des fabricants, importateurs, distributeurs ou prestataires de services les frais afférents aux dispositions de sécurité à prendre en application des dispositions du présent article. (...) » ; que par un arrêté conjoint du 21 août 2008 pris sur le fondement de ces dispositions, le ministre du logement et de la ville et le secrétaire d'Etat chargé de l'industrie et de la consommation, porte-parole du Gouvernement, ont suspendu pour une durée d'un an l'importation et la mise sur le marché d'un système d'alarme par détection d'immersion destiné aux piscines dénommé « Alpool JB 2005 » et commercialisé par les sociétés ALPOTEC et JR INTERNATIONAL ; que cet arrêté a également prescrit le retrait de cette alarme de tous lieux où elle se trouve, la diffusion par les sociétés ALPOTEC et JR INTERNATIONAL, ainsi que par leurs revendeurs ou tout professionnel commercialisant ou ayant commercialisé ce système de mises en garde destinées aux consommateurs, sur l'absence de fiabilité de ladite alarme et sur la nécessité de la remplacer, et enfin l'obligation pour les sociétés ALPOTEC et JR INTERNATIONAL de procéder à leurs frais à l'échange ou au remboursement des appareils vendus ; que les sociétés ALPOTEC et JR INTERNATIONAL demandent, sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de cet arrêté seulement, ainsi qu'il a été précisé au cours de l'audience de référé, en ce qu'il leur a prescrit de procéder à leurs frais à l'échange ou au remboursement des appareils « Alpool JB 2005 » qu'elles ont commercialisés ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1° du décret du 2 avril 2008 susvisé : « M. Luc Chatel, secrétaire d'Etat chargé de l'industrie et de la consommation, porte parole du Gouvernement, connaît de toutes les affaires, en matière de consommation (...), que lui confie le ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, auprès duquel il est délégué. » ; que dans ces conditions le moyen tiré de ce que ce secrétaire d'Etat ne pouvait être regardé comme le « ministre chargé de la consommation » au sens de l'article L. 221-5 précité du code de la consommation et ne pouvait donc prendre les mesures contenues dans l'arrêté contesté n'est pas de nature à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux sur la légalité de cet arrêté ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'en vertu des dispositions de l'article 1° du décret du 27 juillet 2005 susvisé : « A compter du jour suivant la publication au journal officiel de la République française de l'acte les nommant dans leurs fonctions ou à compter du jour où cet acte prend effet, si ce jour est postérieur, peuvent signer, au nom du ministre ou du secrétaire d'Etat et par délégation, l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité : (...) 2° Les chefs de service (...). » ; que par un arrêté du 8 février 2006, M. Pierre Fond a été placé à compter du 6 octobre 2005 en service détaché sur un emploi de chef de service à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie pour une durée de trois ans ; que le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté serait entaché d'incompétence, faute pour M. Fond de pouvoir le signer au nom du secrétaire d'Etat chargé de l'industrie et de la consommation, porte parole du Gouvernement, n'est donc pas de nature, en l'état de l'instruction, à créer un doute sérieux sur la légalité de cet arrêté ; qu'il en va de même de la branche du moyen concernant Mme Marie-Dominique Hébrard de Veyrinas, qui a signé l'arrêté contesté au nom du ministre du logement et de la ville, dès lors que celle-ci avait reçu, par une décision du directeur de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages en date du 17 juillet 2008, régulièrement publiée au journal officiel de la République française du 19 juillet 2008, délégation à l'effet de signer tous arrêtés entrant dans les attributions de la direction ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier de référé que les sociétés requérantes ont été averties au mois de juillet 2008 par un courrier de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes qu'elles étaient susceptibles de faire l'objet de mesures prévues par l'article L. 221-5 du code de la consommation ; que la SOCIETE JR INTERNATIONAL admet avoir été entendue par ces services le 15 juillet 2008 ; que le courrier destiné à la SOCIETE ALPOTEC ayant été retourné à la direction, il été notifié par voie d'huissier au gérant de la société le 25 juillet 2008 ; qu'un nouveau courrier a été adressé aux deux entreprises le 12 août 2008 pour les informer de l'engagement d'une procédure de suspension ; que par un courrier qui leur a été adressé le 29 août 2008, les deux entreprises ont été invitées à être entendues par la direction ; qu'après concertation entre la direction et les entreprises sur la date de ces auditions, la SOCIETE ALPOTEC a été entendue le 10 septembre 2008 et la SOCIETE JR INTERNATIONAL le 15 septembre 2008 ; qu'enfin les organisations nationales de consommateurs agréées ont été réunies par la direction le 5 septembre 2008 ; que dans ces conditions le moyen tiré de ce que les formalités prévues par les dispositions précitées de l'article L. 221-5 du code de la consommation n'auraient pas été respectées n'est pas non plus de nature, en l'état de l'instruction à créer un doute sérieux sur la légalité de l'arrêté contesté ;

Considérant, en quatrième lieu, que les sociétés requérantes ne fournissent en l'état de l'instruction aucun élément permettant d'établir que l'arrêté contesté, pris au vu des résultats d'essais approfondis réalisés par la commission de la sécurité des consommateurs, serait entaché d'inexactitude matérielle quant aux dangers que l'appareil « Alpool JB 2005 » est susceptible de présenter ; que ce moyen n'est pas davantage de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de l'arrêté ;

Considérant, en cinquième et dernier lieu, qu'eu égard aux dangers que l'appareil « Alpool JB 2005 » est susceptible de présenter et à la nécessité de prévenir les accidents dans les piscines qui en ont été munies, les ministres signataires de l'arrêté attaqué, en imposant aux sociétés requérantes de procéder à leurs frais à l'échange ou au remboursement des appareils qu'elles ont commercialisés, n'ont pas fait un usage disproportionné des pouvoirs qu'ils tenaient des dispositions de l'article L. 221-5 du code de la consommation, lesquelles prévoient expressément ce type de mesures, et ce alors même que les professionnels ayant commercialisé des systèmes présentant des risques au moins équivalents ne se seraient pas vu imposer les mêmes obligations ; que par suite le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté serait entaché à la fois d'une erreur de droit et d'une méconnaissance du principe d'égalité n'est pas en l'état de l'instruction de nature à créer un doute sérieux sur sa légalité ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la demande de suspension de l'exécution de l'arrêté du 21 août 2008 présentée par les sociétés JR INTERNATIONAL et ALPOTEC ne peut qu'être rejetée ; qu'il en va de même, par voie de conséquence des conclusions qu'elles ont présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de la SOCIETE JR INTERNATIONAL et de la SOCIETE ALPOTEC est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la SOCIETE JR INTERNATIONAL, à la SOCIETE ALPOTEC, au ministre du logement et au ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 13 mar. 2009, n° 324865
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Bélaval
Rapporteur ?: M. Philippe Bélaval
Avocat(s) : SCP PEIGNOT, GARREAU

Origine de la décision
Formation : Juge des référés
Date de la décision : 13/03/2009
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 324865
Numéro NOR : CETATEXT000020481621 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2009-03-13;324865 ?
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