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20/03/2009 | FRANCE | N°322186

France | France, Conseil d'État, 1ère et 6ème sous-sections réunies, 20 mars 2009, 322186


Vu la requête, enregistrée le 5 novembre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Jean-Claude B, demeurant ... ; M. B demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 6 octobre 2008 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa protestation tendant à l'annulation des opérations électorales qui se sont déroulées le 16 mars 2008 pour l'élection des conseillers municipaux dans la commune de Longjumeau (Essonne) et à la proclamation d'un autre résultat ;

2°) d'annuler ces opérations électorales et de proclamer u

n autre résultat ;

3°) de mettre à la charge de Mme Nathalie A et M. Philipp...

Vu la requête, enregistrée le 5 novembre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Jean-Claude B, demeurant ... ; M. B demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 6 octobre 2008 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa protestation tendant à l'annulation des opérations électorales qui se sont déroulées le 16 mars 2008 pour l'élection des conseillers municipaux dans la commune de Longjumeau (Essonne) et à la proclamation d'un autre résultat ;

2°) d'annuler ces opérations électorales et de proclamer un autre résultat ;

3°) de mettre à la charge de Mme Nathalie A et M. Philippe C la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code électoral ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Alexandre Lallet, Auditeur,

- les conclusions de Mlle Anne Courrèges, rapporteur public ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des dispositions combinées des articles R. 773-1 du code de justice administrative, d'une part, et R. 119 et R. 120 du code électoral, d'autre part, que le tribunal administratif n'est pas tenu de procéder à la communication des mémoires en défense et des mémoires ultérieurement présentés par les parties, qu'il doit seulement tenir à la disposition de ces dernières ; que, par suite, le requérant, qui n'établit pas ni même n'allègue que le tribunal administratif n'aurait pas tenu ces mémoires à sa disposition, ne peut utilement soutenir que le jugement attaqué serait irrégulier faute pour le tribunal administratif de lui avoir communiqué les mémoires produits avant la clôture de l'instruction ;

Considérant, en second lieu, qu'en vertu de l'article R. 613-3 du code de justice administrative : « Les mémoires produits après la clôture de l'instruction ne donnent pas lieu à communication et ne sont pas examinés par la juridiction. (...) » ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les mémoires produits devant le tribunal administratif après la clôture de l'instruction auraient comporté des éléments nouveaux sur lesquels ce dernier se serait fondé ; qu'ainsi, M. B, qui ne soutient pas que le tribunal administratif aurait dû prononcer la réouverture de l'instruction à la suite de la production de ces mémoires, n'est pas fondé à soutenir que le jugement serait irrégulier faute de communication de ces mémoires aux parties ;

Sur la régularité des opérations électorales :

Considérant qu'à l'issue du second tour des élections municipales qui se sont déroulées le 16 mars 2008 à Longjumeau (Essonne), la liste menée par Mme A a recueilli 3 816 voix, celle conduite par M. B, 3 777 et celle de M. C, 480 ; qu'au vu de ces résultats ont été respectivement attribués à ces listes 25, 7 et 1 sièges ;

Considérant, en premier lieu, que si le requérant soutient que la candidature de M. C, qui a été nommé, quelques jours avant l'annonce officielle de sa candidature aux élections municipales, dans un corps supérieur de contrôle relevant du ministre d'Etat, ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables, auprès duquel Mme A exerçait alors les fonctions de secrétaire d'Etat, était constitutive d'une manoeuvre, il résulte de l'instruction que la présence au premier et au second tour de scrutin d'une liste conduite par M. C, élu au conseil municipal de Longjumeau depuis 1983 et qui avait annoncé dès le mois de février 2007 son intention de se présenter aux élections municipales l'année suivante, n'a pas, eu égard notamment au déroulement de la campagne électorale qu'il a menée avec les personnes figurant sur sa liste, présenté un caractère fictif ni eu pour objet ou pour effet d'induire en erreur les électeurs quant aux positions respectives des listes en présence ; qu'au demeurant, les électeurs avaient été informés depuis le mois de janvier 2008, par le biais d'articles de presse et de tracts distribués par M. B, de la nomination de M. C en tant qu'inspecteur général de l'équipement ; qu'ainsi, le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a écarté ses griefs tirés de la candidature de M. C et des conditions dans lesquelles il a été nommé dans un corps de contrôle ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'un tract, se présentant comme émanant d'un collectif de parents d'élèves, a été distribué au plus tard dans la nuit du jeudi 13 au vendredi 14 mars 2008, mettant en doute l'attitude qu'adopterait M. B s'il était confronté, en qualité de maire, à des faits d'atteinte sexuelle sur mineurs, de la nature de ceux pour lesquels un membre de sa famille a fait l'objet de poursuites pénales ; que, contrairement à ce qui est soutenu, ce tract, quoique malveillant par ses insinuations, n'impute nullement de tels agissements à M. B lui-même ; qu'il n'est pas établi que ce tract aurait connu une diffusion significative ; qu'il résulte en outre de l'instruction, notamment du procès-verbal dressé à la suite de la plainte déposée par ce dernier le 14 mars 2008, que les faits auxquels il est fait référence, largement connus des électeurs de Longjumeau depuis leur survenance et leurs suites pénales, se trouvaient déjà dans le débat électoral, que M. B n'a pas été privé de la possibilité d'y répondre utilement et que le tract qu'il a distribué le 15 mars suivant, par lequel il indiquait ne pas souhaiter répondre aux « attaques infondées » dont lui et sa famille faisaient l'objet, peut à cet égard être regardé comme y apportant une réponse ; que, dans ces conditions, la diffusion du tract litigieux n'a pas constitué une manoeuvre susceptible d'avoir altéré la sincérité du scrutin ;

Considérant, en troisième lieu, que la diffusion par l'équipe de M. C sur un site Internet, au mois de janvier 2008, d'un jeu intitulé « Les Dindons », également distribué sous forme de tract, visant à tourner en dérision la candidature de M. B, pour regrettable qu'elle soit, n'a pas excédé les limites de la polémique électorale, eu égard aux conditions dans lesquelles s'est déroulée la campagne électorale et, en particulier, aux tracts diffusés par le requérant lui-même, notamment en réponse aux initiatives de M. C ; qu'elle n'a donc pas constitué une manoeuvre de nature à altérer la sincérité du scrutin ; que ni ce jeu, ni les tracts émanant de M. C relatifs au vote du budget de l'année 2000 et au soutien apporté par une personnalité politique nationale à M. B n'ont, contrairement à ce qui est soutenu, induit les électeurs en erreur quant à la réalité de ce soutien et aux idées et projets défendus par chaque liste ;

Considérant, en quatrième lieu, que l'article L. 52-1 du code électoral proscrit, dans les trois mois précédant le scrutin, l'utilisation à des fins de propagande électorale de tout procédé de publicité commerciale par la voie de la presse ou par tout moyen de communication audiovisuelle ; que, toutefois, les organes de presse sont libres de rendre compte de la campagne de la manière qu'ils souhaitent, notamment en offrant à certains candidats la possibilité de s'y exprimer, sous réserve, dans ce dernier cas, que leurs propos ne constituent pas, par leur présentation et leur contenu, un procédé de publicité commerciale ;

Considérant que la mise en ligne de « carnets de campagne » sur le site Internet d'un quotidien national, à son initiative et gratuitement, au profit de candidats de diverses tendances politiques et de notoriété nationale, dont Mme A, sous forme de pages accessibles, au sein de ce site, aux seules personnes qui s'y connectent volontairement, n'a pas constitué, en l'espèce, et eu égard à la présentation et au contenu de ces « carnets », un procédé de publicité commerciale ; que cette mise en ligne ne peut davantage être regardée comme un don ou un avantage consenti par une personne morale, prohibé par les dispositions de l'article L. 52-8 du même code ;

Considérant, en cinquième et dernier lieu, que, si M. C a utilisé l'adresse de messagerie professionnelle de certains agents municipaux de Longjumeau pour leur faire parvenir, au début du mois de janvier 2008, une lettre les invitant à se joindre à lui en vue du scrutin municipal, la diffusion de ce document, n'a pas, eu égard à son contenu, dont il n'est d'ailleurs pas sérieusement contesté qu'il a ensuite été repris dans des tracts diffusés publiquement, à la date de sa diffusion et à la possibilité pour M. B d'y répondre utilement, le cas échéant par la même voie, constitué une manoeuvre de nature à altérer la sincérité du scrutin ; que l'utilisation des adresses de messagerie ne révèle pas l'existence d'un avantage consenti illégalement par la commune de Longjumeau, dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que celle-ci aurait financé cette initiative ni même, d'ailleurs, divulgué ces adresses ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa protestation ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge des défendeurs, qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées à ce titre par M. C ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. B est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par M. C au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Jean-Claude B, à Mme Nathalie A, à M. Philippe C et à la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 20 mar. 2009, n° 322186
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Vigouroux
Rapporteur ?: M. Alexandre Lallet
Rapporteur public ?: Mlle Courrèges Anne

Origine de la décision
Formation : 1ère et 6ème sous-sections réunies
Date de la décision : 20/03/2009
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 322186
Numéro NOR : CETATEXT000020418932 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2009-03-20;322186 ?
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