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25/03/2009 | FRANCE | N°316822

France | France, Conseil d'État, 7ème sous-section jugeant seule, 25 mars 2009, 316822


Vu la requête, enregistrée le 4 juin 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. David A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision implicite de la commission des recours des militaires rejetant son recours tendant à l'annulation de la décision du directeur au commissariat de l'armée de terre de la région terre Nord-Ouest en date du 22 avril 2005 refusant de faire droit à sa demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice qu'il a subi en raison des fautes commises par le service des armées à la sui

te des accidents de tir dont il a été victime ;

2°) de condamner l'Et...

Vu la requête, enregistrée le 4 juin 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. David A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision implicite de la commission des recours des militaires rejetant son recours tendant à l'annulation de la décision du directeur au commissariat de l'armée de terre de la région terre Nord-Ouest en date du 22 avril 2005 refusant de faire droit à sa demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice qu'il a subi en raison des fautes commises par le service des armées à la suite des accidents de tir dont il a été victime ;

2°) de condamner l'Etat à lui payer une somme de 224,96 euros au titre des frais médicaux qu'il a engagés et non pris en charge par l'assurance maladie, une somme de 20 000 euros par an au titre de son préjudice de carrière et une somme de 15 000 euros au titre de son préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence, augmentées des intérêts au taux légal et de leur capitalisation à compter du 6 juillet 2004 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code des pensions civiles et militaires ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

Vu le décret n° 82-453 du 28 mai 1982 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Francis Girault, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Le Bret-Desaché, avocat de M. A,

- les conclusions de M. Bertrand Dacosta, Rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Le Bret-Desaché, avocat de M. A ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, officier de l'armée de terre, a été victime de douleurs et de sifflements auditifs persistants suite à des exercices de tirs intervenus les 9 mai et 15 juin 2000 ; qu'il a bénéficié à titre définitif d'une pension militaire d'invalidité au taux de 10% au titre de l'atteinte à son intégrité physique ; qu'il a présenté une demande de dommages et intérêts destinée, au titre des fautes qu'auraient été commises par le service, à l'indemniser de l'ensemble des préjudices subis par lui du fait de ces accidents ; que le ministre de la défense, après saisine par M. A de la commission de recours des militaires, a implicitement rejeté cette demande ; que M. A demande qu'il soit fait droit à ses conclusions à fin d'indemnisation ;

Considérant que les dispositions qui instituent, en faveur des militaires victimes d'accidents de service ou de maladies professionnelles, une rente d'invalidité en cas de mise à la retraite et une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les intéressés peuvent prétendre, au titre des conséquences patrimoniales de l'atteinte à l'intégrité physique, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions ; qu'elles ne font, en revanche, obstacle ni à ce que le militaire, qui a enduré, du fait de l'accident ou de la maladie, des dommages ne revêtant pas un caractère patrimonial, tels que des souffrances physiques ou morales, un préjudice esthétique ou d'agrément ou des troubles dans les conditions d'existence, obtienne de l'Etat qui l'emploie, même en l'absence de faute de celui-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, distincts de l'atteinte à l'intégrité physique, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre l'Etat, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette collectivité ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien lui incomberait ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction et n'est d'ailleurs pas sérieusement contesté par le ministre de la défense que les troubles auditifs dont souffre M. A ont été causés par des accidents de services survenus dans l'exercice de ses fonctions ;

Considérant, en premier lieu, que M. A ne produit aucun justificatif établissant le montant des frais médicaux qu'il a engagés et non pris en charge par l'assurance maladie ; que, par suite, ses conclusions tendant au versement de la somme de 224,96 euros au titre des frais médicaux doivent être rejetées ;

Considérant, en deuxième lieu, que, selon l'expertise médicale amiable organisée le 30 juin 2008 à l'hôpital des armées de Metz, M. A souffre d'acouphènes bilatéraux et d'hyperacousie ; qu'il est contraint de porter des protections auditives en permanence ; que ces troubles sont permanents et occasionnent maux de têtes et trouble du sommeil ; qu'ils ont un retentissement psychique ; que le bruit ambiant le contraint à l'isolement ; que le médecin expert a évalué à 5% le taux d'incapacité partielle dont reste atteint le requérant et a estimé le pretium doloris à 3 sur une échelle de 1 sur 7 ; qu'il sera fait une juste appréciation des troubles qu'il subit dans ses conditions d'existence et de la réparation qui lui est due à titre personnel en condamnant l'Etat à lui verser une somme de 8 000 euros ;

Considérant, en troisième lieu, que M. A demande en outre une indemnité au titre du préjudice professionnel et financier qu'il subit du fait de son état ; qu'il ne pourrait toutefois prétendre à la réparation des conséquences pécuniaires de son accident, en sus de la pension qui lui a été accordée, que si celui-ci devait être regardé comme la conséquence d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ; que si un tir de munition éclairante a été mise en oeuvre de façon « intempestive » lors de l'exercice de tir du 9 mai 2000 auquel il participait et lui a causé des troubles auditifs temporaires, il ne résulte pas de l'instruction que les conditions dans lesquelles cet incident est intervenu constitueraient une faute engageant la responsabilité de l'Etat ; que de même, si M. A a participé à un second exercice de tir le 15 juin 2000, il ne résulte pas de l'instruction qu'il souffrait alors de troubles lui ayant interdit d'y participer ; qu'enfin, M. A d'une part, ne peut utilement invoquer la méconnaissance des dispositions de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires qui est inapplicable aux militaires, et d'autre part n'apporte en tout état de cause aucune précision au soutien de son moyen tiré de ce que le décret du 28 mai 1982 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la prévention médicale dans la fonction publique aurait été méconnu ; qu'ainsi la faute alléguée par M. A n'est pas établie et ses conclusions tendant au versement d'une somme de 20 000 euros par an au titre de son préjudice de carrière pour la durée du temps de service doivent être rejetées ;

Sur les intérêts :

Considérant que M. A a droit aux intérêts sur la somme de 8 000 euros qui lui est allouée par la présente décision à compter du 6 juillet 2004, date de sa réclamation préalable ; qu'il a demandé la capitalisation des intérêts le 4 juin 2008 ; qu'à cette date il était dû plus d'un an d'intérêts ; que la capitalisation doit être ordonnée à cette date et à chaque échéance annuelle ultérieure ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros que demande M. A au titre des frais exposés par lui devant le Conseil d'Etat et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'Etat est condamné à verser à M. A une somme de 8 000 euros portant intérêts aux taux légal à compter du 6 juillet 2004. Les intérêts seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts le 4 juin 2008 et à chaque échéance annuelle ultérieure.

Article 2 : L'Etat versera à M. A une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. David A et au ministre de la défense.


Synthèse
Formation : 7ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 316822
Date de la décision : 25/03/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 25 mar. 2009, n° 316822
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Schwartz
Rapporteur ?: M. Francis Girault
Rapporteur public ?: M. Dacosta Bertrand
Avocat(s) : SCP LE BRET-DESACHE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2009:316822.20090325
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