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27/03/2009 | FRANCE | N°286886

France | France, Conseil d'État, 10ème et 9ème sous-sections réunies, 27 mars 2009, 286886


Vu la requête, enregistrée le 14 novembre 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Karim A, demeurant ..., Algérie, et pour Mme Zohra B, demeurant ... ; M. A et Mme B demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 13 octobre 2005 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté leur recours dirigé contre la décision du 18 juillet 2004 du consul général de France à Alger refusant un visa d'entrée en France à M. A ;

2°) d'enjoindre à l'autorité consulaire de lui d

livrer le visa sollicité ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 00...

Vu la requête, enregistrée le 14 novembre 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Karim A, demeurant ..., Algérie, et pour Mme Zohra B, demeurant ... ; M. A et Mme B demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 13 octobre 2005 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté leur recours dirigé contre la décision du 18 juillet 2004 du consul général de France à Alger refusant un visa d'entrée en France à M. A ;

2°) d'enjoindre à l'autorité consulaire de lui délivrer le visa sollicité ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le décret n° 99-566 du 6 juillet 1999 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Gilles Pellissier, Maître des Requêtes,

- les conclusions de M. Julien Boucher, Commissaire du gouvernement ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Karim A a été confié à sa tante établie en France, par une mesure de délégation de l'autorité parentale dite de kafala dont ni l'authenticité ni la régularité ne sont contestées, enregistrée le 30 août 2001 par les autorités judiciaires algériennes ; que M. A a demandé un visa pour se rendre en France auprès de sa tante en vertu d'une décision du préfet de Paris autorisant le regroupement familial en application des dispositions de l'article 29 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 alors en vigueur relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;

Considérant que, pour rejeter le recours dont elle était saisie contre le refus de visa opposé à M. A, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est exclusivement fondée sur l'intérêt supérieur de l'enfant qui conduisait, selon elle, à refuser la venue en France de l'intéressé ; que l'appréciation de l'intérêt supérieur de l'enfant, qu'il appartient au préfet de porter lorsqu'il se prononce sur une demande de regroupement familial, n'est pas au nombre des motifs d'ordre public pouvant à eux seuls justifier légalement le refus de la délivrance d'un visa de long séjour lorsque le regroupement familial a été autorisé par le préfet ; que, dès lors, la décision attaquée est entachée d'une erreur de droit ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ;

Considérant qu'il résulte des stipulations combinées de l'article 4 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et du titre II du protocole qui lui est annexé, que le regroupement familial est sollicité pour les enfants mineurs de dix-huit ans et que l'autorisation délivrée à ce titre donne droit à la délivrance d'un titre de séjour ; qu'aux termes du second alinéa de l'article 3 du décret du 6 juillet 1999, repris à l'article R. 411-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : L'âge des enfants pouvant bénéficier du regroupement familial est apprécié à la date du dépôt de la demande ; qu'aux termes du second alinéa de l'article 14 du décret du 6 juillet 1999, repris à l'article R. 421-28 du même code : La demande de visa doit être formulée dans un délai qui ne peut excéder six mois à compter de la notification au demandeur de la décision du préfet (...) autorisant le regroupement familial ;

Considérant que si l'administration, dont la décision de rejet d'une demande a été annulée par le juge, statue à nouveau sur cette demande en fonction de la situation de droit et de fait existant à la date de sa décision, il en va différemment lorsqu'une disposition législative ou réglementaire prévoit qu'un élément de cette situation est apprécié à une date déterminée ;

Considérant que l'annulation d'un refus de visa qui aurait dû normalement être octroyé en raison de l'autorisation de regroupement familial donnée par le préfet et en l'absence de tout motif d'ordre public permettant de s'y opposer, entraîne en principe l'obligation pour l'administration, statuant à nouveau sur la demande, de délivrer le visa sollicité ; que dès lors qu'en application des dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'âge du bénéficiaire du regroupement familial est apprécié à la date du dépôt de la demande de regroupement familial sur laquelle le préfet a statué, la circonstance que le demandeur qui bénéficiait, à la date à laquelle il avait présenté sa demande de visa, d'une autorisation de regroupement familial lui donnant droit à entrer et séjourner sur le territoire français, ait atteint l'âge de dix-huit ans à la date à laquelle les autorités consulaires, qui ont été saisies dans le délai réglementaire de six mois à compter de l'autorisation de regroupement familial, laquelle n'a été ni retirée ni abrogée, statuent à nouveau sur sa demande, ne peut faire obstacle à la délivrance du visa, qui ne peut dès lors être refusé que pour des motifs d'ordre public, à l'exclusion de toute invocation d'un risque de détournement du visa à des fins migratoires ; que, dans ces circonstances, eu égard aux motifs de la présente décision et dès lors qu'il n'est pas allégué et qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'un motif d'ordre public ferait obstacle à la venue en France de M. A, l'exécution de cette décision implique nécessairement que lui soit délivré un visa d'entrée, sans que la circonstance qu'il ait atteint sa majorité depuis l'intervention de la décision attaquée puisse y faire obstacle ; que, par suite, il y a lieu, pour le Conseil d'Etat, de prescrire au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire de délivrer à M. A un visa d'entrée dans le délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à M. A et à Mme B au titre des frais exposés par chacun d'eux et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France en date du 13 octobre 2005 est annulée.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire de délivrer à M. A un visa d'entrée sur le territoire français dans le délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision.

Article 3 : L'Etat versera à M. A et à Mme B une somme de 1 000 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Karim A, à Mme Zohra B et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.


Synthèse
Formation : 10ème et 9ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 286886
Date de la décision : 27/03/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

ÉTRANGERS - ENTRÉE EN FRANCE - VISAS - VISA - REFUS - ETRANGER BÉNÉFICIANT D'UNE AUTORISATION DE REGROUPEMENT FAMILIAL - AYANT DROIT À LA DÉLIVRANCE DU VISA À LA DATE DU REFUS ILLÉGAL - ANNULATION - CONSÉQUENCE - INJONCTION À L'ADMINISTRATION DE DÉLIVRER LE VISA SOLLICITÉ - APPRÉCIATION DE L'ÂGE DE L'INTÉRESSÉ À LA DATE DU DÉPÔT DE LA DEMANDE DE REGROUPEMENT (ART - 4 DE L'ACCORD FRANCO-ALGÉRIEN DU 27 DÉCEMBRE 1968 ET ART - R - 411-3 DU CESEDA) - CONSÉQUENCE - INTÉRESSÉ AYANT - ENTRETEMPS - ATTEINT L'ÂGE DE 18 ANS - CIRCONSTANCE NON OPPOSABLE [RJ1].

335-005-01 L'annulation d'un refus de visa qui aurait dû normalement être octroyé en raison de l'autorisation de regroupement familial donnée par le préfet et en l'absence de tout motif d'ordre public permettant de s'y opposer, entraîne en principe l'obligation pour l'administration, statuant à nouveau sur la demande, de délivrer le visa sollicité. Dès lors qu'en application des dispositions combinées de l'article 4 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et de l'article R. 411-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), l'âge du bénéficiaire du regroupement familial est apprécié à la date du dépôt de la demande de regroupement familial sur laquelle le préfet a statué, la circonstance que le demandeur qui bénéficiait, à la date à laquelle il avait présenté sa demande de visa, d'une autorisation de regroupement familial lui donnant droit à entrer et séjourner sur le territoire français, ait atteint l'âge de dix-huit ans à la date à laquelle les autorités consulaires, qui ont été saisies dans le délai réglementaire de six mois à compter de l'autorisation de regroupement familial, laquelle n'a été ni retirée ni abrogée, statuent à nouveau sur sa demande, ne peut faire obstacle à la délivrance du visa, qui ne peut dès lors être refusé que pour des motifs d'ordre public, à l'exclusion de toute invocation d'un risque de détournement du visa à des fins migratoires. Dans ces circonstances, dès lors qu'il n'est pas allégué et qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'un motif d'ordre public ferait obstacle à la venue en France de l'intéressé, l'exécution de cette décision d'annulation implique nécessairement que lui soit délivré un visa d'entrée, sans que la circonstance qu'il ait atteint sa majorité depuis l'intervention de la décision attaquée puisse y faire obstacle. Injonction au ministre compétent de délivrer à l'intéressé un visa d'entrée.

PROCÉDURE - JUGEMENTS - EXÉCUTION DES JUGEMENTS - PRESCRIPTION D'UNE MESURE D'EXÉCUTION - VISA - REFUS - ETRANGER BÉNÉFICIANT D'UNE AUTORISATION DE REGROUPEMENT FAMILIAL - AYANT DROIT À LA DÉLIVRANCE DU VISA À LA DATE DU REFUS ILLÉGAL - ANNULATION - CONSÉQUENCE - INJONCTION À L'ADMINISTRATION DE DÉLIVRER LE VISA SOLLICITÉ - APPRÉCIATION DE L'ÂGE DE L'INTÉRESSÉ À LA DATE DU DÉPÔT DE LA DEMANDE DE REGROUPEMENT (ART - 4 DE L'ACCORD FRANCO-ALGÉRIEN DU 27 DÉCEMBRE 1968 ET ART - R - 411-3 DU CESEDA) - CONSÉQUENCE - INTÉRESSÉ AYANT - ENTRETEMPS - ATTEINT L'ÂGE DE 18 ANS - CIRCONSTANCE NON OPPOSABLE [RJ1].

54-06-07-008 L'annulation d'un refus de visa qui aurait dû normalement être octroyé en raison de l'autorisation de regroupement familial donnée par le préfet et en l'absence de tout motif d'ordre public permettant de s'y opposer, entraîne en principe l'obligation pour l'administration, statuant à nouveau sur la demande, de délivrer le visa sollicité. Dès lors qu'en application des dispositions combinées de l'article 4 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et de l'article R. 411-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), l'âge du bénéficiaire du regroupement familial est apprécié à la date du dépôt de la demande de regroupement familial sur laquelle le préfet a statué, la circonstance que le demandeur qui bénéficiait, à la date à laquelle il avait présenté sa demande de visa, d'une autorisation de regroupement familial lui donnant droit à entrer et séjourner sur le territoire français, ait atteint l'âge de dix-huit ans à la date à laquelle les autorités consulaires, qui ont été saisies dans le délai réglementaire de six mois à compter de l'autorisation de regroupement familial, laquelle n'a été ni retirée ni abrogée, statuent à nouveau sur sa demande, ne peut faire obstacle à la délivrance du visa, qui ne peut dès lors être refusé que pour des motifs d'ordre public, à l'exclusion de toute invocation d'un risque de détournement du visa à des fins migratoires. Dans ces circonstances, dès lors qu'il n'est pas allégué et qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'un motif d'ordre public ferait obstacle à la venue en France de l'intéressé, l'exécution de cette décision d'annulation implique nécessairement que lui soit délivré un visa d'entrée, sans que la circonstance qu'il ait atteint sa majorité depuis l'intervention de la décision attaquée puisse y faire obstacle. Injonction au ministre compétent de délivrer à l'intéressé un visa d'entrée.


Références :

[RJ1]

Comp. 4 juillet 1997, Epoux Bourezak, n° 156298, p. 278.


Publications
Proposition de citation : CE, 27 mar. 2009, n° 286886
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: M. Gilles Pellissier
Rapporteur public ?: M. Boucher Julien

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2009:286886.20090327
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