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27/03/2009 | FRANCE | N°293872

France | France, Conseil d'État, 9ème et 10ème sous-sections réunies, 27 mars 2009, 293872


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 29 mai et 29 septembre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme A, demeurant ... ; Mme A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 6 mars 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 27 avril 2004 du tribunal administratif de Paris rejetant sa demande tendant à la décharge de l'obligation de payer résultant d'un commandement notifié à son encontre le 6 mars 1997 par le trésorier du 5ème arro

ndissement de Paris pour avoir paiement de la somme de 11 446 325,44 F,...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 29 mai et 29 septembre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme A, demeurant ... ; Mme A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 6 mars 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 27 avril 2004 du tribunal administratif de Paris rejetant sa demande tendant à la décharge de l'obligation de payer résultant d'un commandement notifié à son encontre le 6 mars 1997 par le trésorier du 5ème arrondissement de Paris pour avoir paiement de la somme de 11 446 325,44 F, soit 1 744 981,06 euros, correspondant à la cotisation d'impôt sur le revenu à laquelle M. et Mme A ont été assujettis au titre de l'année 1990 ;

2°) réglant l'affaire au fond, de prononcer la décharge de l'obligation de payer ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention franco-suisse du 9 septembre 1966 en matière d'impôts sur le revenu et la fortune ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Frédéric Boudier, chargé des fonctions de Maître des Requêtes,

- les observations de Me Spinosi, avocat de Mme A,

- les conclusions de M. Pierre Collin, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un jugement du 14 juin 1993, le tribunal de commerce de Paris a placé en redressement judiciaire la société en commandite simple (SCS) Immobilière Bournet, et a étendu cette procédure à M. Cyril A, qui avait exercé en 1989 et 1990 les fonctions de gérant associé de cette société ; que le 4 mai 1995, le mandataire judiciaire désigné par ce jugement a rejeté pour défaut de déclaration préalable dans les délais impartis le commandement émis à l'encontre de M. A pour avoir paiement de l'impôt sur le revenu mis à la charge des époux A au titre de l'année 1990 résultant de la seule activité de la SCS Immobilière Bournet que lui a adressé le trésorier-payeur du 5ème arrondissement de Paris ; qu'il est né un rejet implicite par l'administration de l'opposition faite par Mme DALAMEL DE BOURDEL le 25 mars 1997 au commandement de payer du 14 février 1997, notifié le 6 mars 1997, portant sur une somme totale de 11 446 325,44 F (1 744 981,06 euros) comprenant les droits en principal, les majorations et les frais de poursuite ; que Mme A se pourvoit en cassation contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 6 mars 2006 par lequel la cour a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 27 avril 2004 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande de décharge de l'obligation de payer ;

Sur le pourvoi :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;

Considérant que Mme A a soulevé devant la cour le moyen tiré de ce qu'elle ne saurait être recherchée en paiement d'un impôt au titre de la solidarité fiscale dans la mesure où son époux n'est pas un contribuable mais une personne imposée à raison des seuls revenus perçus en sa qualité d'associé commandité de la SCS Immobilière Bournet, pour la part des bénéfices sociaux correspondant à sa participation dans cette société ; que la cour a omis de répondre à ce moyen, qui n'était pas inopérant et, a, ainsi entaché son arrêt d'irrégularité ; que, par suite, son arrêt doit être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Sur la requête de Mme A :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du premier alinéa de l'article 8 du code général des impôts : Sous réserve des dispositions de l'article 6, les associés des sociétés en nom collectif et les commandités des sociétés en commandite simple sont, lorsque ces sociétés n'ont pas opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux, personnellement soumis à l'impôt sur le revenu pour la part de bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société. ; qu'il résulte de ces dispositions que les bénéfices découlant de l'activité de ces sociétés sont imposables entre les mains de leurs associés, à proportion, pour chacun, des droits qu'il détient dans la société, et non entre les mains de la société elle-même ; que, contrairement à ce que soutient Mme A, la cotisation d'impôt calculée à proportion des droits que détenait son époux dans la société en commandite simple (SCS) Immobilière Bournet est une imposition due par son foyer fiscal et non une dette de la société que son époux serait tenu de payer en raison de sa qualité au sein de cette société ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du 2 de l'article 1685 du code général des impôts, alors en vigueur : Chacun des époux est tenu solidairement au paiement de l'impôt sur le revenu (...) ; que lorsque plusieurs codébiteurs sont engagés solidairement, l'un deux ne peut invoquer, au titre d'exceptions communes au paiement de la dette, que celles affectant l'ensemble des liens obligatoires unissant les débiteurs au créancier ; que l'extinction de la créance à l'égard du débiteur faisant l'objet d'une procédure collective pour défaut de production dans les délais prévus par l'article 53 de la loi du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaire des entreprises, alors en vigueur, laisse subsister l'obligation distincte pesant sur le codébiteur solidaire ; que, par suite, la circonstance que le trésorier-payeur du 5ème arrondissement de Paris n'aurait pas déclaré auprès du mandataire judiciaire de M. A la créance fiscale dans les délais impartis, ne faisait pas légalement obstacle à ce que le comptable mette en jeu la responsabilité solidaire de l'épouse séparée de biens du contribuable dans le paiement de l'impôt sur le revenu au titre du bénéfice social perçu en 1990 par son époux comme associé commandité de la SCS Immobilière Bournet, conformément aux dispositions du 2 de l'article 1685 du code général des impôts, tant que l'action en recouvrement n'était pas prescrite à son égard ;

Considérant, en troisième lieu, que Mme A, ressortissante française, ne saurait, en tout état de cause, invoquer pour contester son obligation solidaire au paiement de l'impôt sur le revenu dû en France par son foyer fiscal, ni l'article 26 de la convention franco-suisse du 9 septembre 1966 en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, ni la législation de l'Etat helvétique ;

Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article L. 274 du livre des procédures fiscales : Les comptables du Trésor qui n'ont fait aucune poursuite contre un contribuable retardataire pendant quatre années consécutives, à partir du jour de la mise en recouvrement du rôle, perdent leur recours et sont déchus de tous droits et de toute action contre ce redevable. / Le délai de quatre ans mentionné au premier alinéa, par lequel se prescrit l'action en vue du recouvrement, est interrompu par tous actes comportant reconnaissance de la part des contribuables et par tous autres actes interruptifs de la prescription ; qu'il résulte de l'instruction que, pour avoir paiement de la cotisation d'impôt sur le revenu établie au titre de l'année 1990 et mise en recouvrement le 31 décembre 1991, le comptable du Trésor a décerné à la Lyonnaise de Banque, au nom de M. et Mme A, un avis à tiers détenteur le 2 décembre 1993 et a notifié cet avis aux intéressés, à leur adresse à Genève, le 8 décembre 1993 ; que le service postal a retourné au comptable l'avis de réception signé à cette date ; que si Mme A soutient que cet avis a été reçu par une personne qui n'était pas habilitée pour ce faire, elle n'apporte aucune précision sur l'identité de la personne signataire de l'avis et s'abstient de dresser la liste des personnes qui, en l'absence de toute habilitation, auraient néanmoins eu qualité pour signer de tels avis ; qu'elle ne peut, dès lors, être regardée comme ayant démontré que le signataire de l'avis de réception n'était pas habilité à réceptionner ce pli ; que, par suite, cet avis à tiers détenteur notifié à Mme A le 8 décembre 1993, soit à l'intérieur du délai de prescription courant à compter du 31 décembre 1991, a interrompu ce délai et ouvert un nouveau délai de même durée ; que, dans ces conditions, la prescription n'était pas acquise lorsque le comptable du Trésor a décerné à Mme A le commandement en litige en date du 14 février 1997 ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de l'obligation de payer résultant du commandement émis à son encontre le 14 février 1997 par le trésorier du 5ème arrondissement de Paris pour avoir paiement de la cotisation d'impôt sur le revenu à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 1990 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que Mme A demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 6 mars 2006 est annulé.

Article 2 : La requête présentée par Mme A devant la cour administrative d'appel de Paris et le surplus de ses conclusions devant le Conseil d'Etat sont rejetés.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme Alexandra A et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.


Synthèse
Formation : 9ème et 10ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 293872
Date de la décision : 27/03/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 27 mar. 2009, n° 293872
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: M. Frédéric Boudier
Rapporteur public ?: M. Collin Pierre
Avocat(s) : SPINOSI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2009:293872.20090327
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