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10/04/2009 | FRANCE | N°303844

France | France, Conseil d'État, 5ème et 4ème sous-sections réunies, 10 avril 2009, 303844


Vu l'ordonnance du 15 mars 2007, enregistrée le 19 mars 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Bordeaux a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête présentée à cette cour par la société anonyme USINE DU MARIN ;

Vu la requête enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux le 22 février 2007, présentée par la S.A. USINE DU MARIN, dont le siège social est à Le Marin (97290) et tendant à :

1°) l'annul

ation du jugement du 21 décembre 2006 par lequel le tribunal administratif de...

Vu l'ordonnance du 15 mars 2007, enregistrée le 19 mars 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Bordeaux a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête présentée à cette cour par la société anonyme USINE DU MARIN ;

Vu la requête enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux le 22 février 2007, présentée par la S.A. USINE DU MARIN, dont le siège social est à Le Marin (97290) et tendant à :

1°) l'annulation du jugement du 21 décembre 2006 par lequel le tribunal administratif de Fort-de-France a condamné l'Etat à lui payer la somme de 374 524 euros en réparation du préjudice subi du fait du refus de concours de la force publique pour procéder à l'expulsion des occupants sans droit ni titre du terrain dit « habitation Anse Noire » et rejeté le surplus de ses conclusions ;

2°) la condamnation de l'Etat à lui payer la somme de 2 157 673,60 euros à titre d'indemnisation de son préjudice subi du fait du refus de concours de la force publique pour la période du 6 octobre 1999 au 5 septembre 2006 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Yves Rossi, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Didier, Pinet, avocat de la S.A. USINE DU MARIN,

- les conclusions de M. Jean-Philippe Thiellay, Rapporteur public,

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Didier, Pinet, avocat de la S.A. USINE DU MARIN ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;

Considérant que la S.A. USINE DU MARIN possède sur le territoire de la commune de Sainte-Anne en Martinique des terrains faisant l'objet d'une occupation sans droit ni titre ; qu'ayant obtenu le 13 février 1990 une ordonnance d'expulsion du juge civil des référés, confirmée en appel le 19 juin 1992, elle a demandé le concours de la force publique qui ne lui a pas été effectivement accordé ; que la société a recherché la responsabilité de l'Etat sur le fondement de l'article 16 de la loi du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution, en invoquant notamment le préjudice économique résultant de l'impossibilité de mener à bien une importante opération immobilière ; que par un jugement du 5 octobre 1999, devenu définitif, le tribunal administratif de Fort-de-France, statuant au vu d'une expertise, a estimé que la privation de la jouissance des terrains causait à la société un préjudice dont il serait fait une juste appréciation en lui allouant une indemnité de 1.875.122,91 euros (12 300 000 F) ; que la société a par la suite saisi à nouveau le tribunal administratif afin d'obtenir la réparation des préjudices ayant résulté de la poursuite de l'occupation irrégulière pendant la période ultérieure ; qu'elle se pourvoit en cassation contre le jugement du 21 décembre 2006 par lequel le tribunal lui a accordé une indemnité de 374 524 euros calculée à partir de la valeur locative du terrain ;

Considérant que, pour refuser à la S.A. USINE DU MARIN une indemnité au titre du préjudice résultant de l'impossibilité de mener à bien une opération immobilière, le jugement attaqué énonce qu'il résulte de l'expertise au vu de laquelle a été rendu le jugement du 5 octobre 1999 que la somme de 1.875.122,91 euros mise à la charge de l'Etat répare ce préjudice qui, par suite, ne saurait donner lieu à une nouvelle indemnisation ; que toutefois le jugement du 5 octobre 1999 ne donne aucune indication sur la consistance des préjudices qu'il indemnise ; que si le tribunal a repris, en les actualisant, les chiffres figurant dans le rapport d'expertise, il résulte de ce rapport que l'expert s'était attaché à déterminer le préjudice résultant du retard apporté à la réalisation de l'opération, en calculant les revenus financiers que la société aurait pu tirer, entre le mois d'août 1994 et le mois de décembre 1997, du placement des bénéfices que l'opération aurait rapportés pendant la même période ; que l'indemnisation calculée selon une telle méthode n'assure pas une réparation définitive du préjudice résultant du refus de concours de la force publique et, notamment, du retard de réalisation de l'opération immobilière ; que, dans ces conditions, le tribunal a inexactement interprété son jugement du 5 octobre 1999 en estimant qu'il avait définitivement indemnisé ce chef de préjudice ; que, dès lors que ce jugement de 1999, dans les termes où il est rédigé, n'avait pris expressément parti ni sur le principe, ni sur les modalités de cette indemnisation, et n'était donc pas revêtu sur ce point d'une autorité de chose jugée, il appartenait au tribunal, pour statuer sur la nouvelle demande de la société, de déterminer si le refus de concours de la force publique avait eu pour conséquence directe de retarder la réalisation d'une opération immobilière et, dans l'affirmative, s'il en était résulté pour la société un préjudice certain pendant la période postérieure au 5 octobre 1999 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la S.A. USINE DU MARIN est fondée à demander l'annulation du jugement du 21 décembre 2006 du tribunal administratif de Fort-de-France ; qu'il y a lieu, par application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros que la société demande au titre des frais exposés par la société et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Fort-de-France du 21 décembre 2006 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée devant le tribunal administratif de Fort-de-France.

Article 3 : L'Etat versera à la S.A. USINE DU MARIN la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la S.A. USINE DU MARIN et à la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

Copie pour information en sera adressée au président du tribunal administratif de Fort-de-France.


Synthèse
Formation : 5ème et 4ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 303844
Date de la décision : 10/04/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 10 avr. 2009, n° 303844
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Daël
Rapporteur ?: M. Jean-Yves Rossi
Rapporteur public ?: M. Thiellay Jean-Philippe
Avocat(s) : SCP DIDIER, PINET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2009:303844.20090410
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