La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/04/2009 | FRANCE | N°317748

France | France, Conseil d'État, 10ème et 9ème sous-sections réunies, 10 avril 2009, 317748


Vu, 1° sous le n° 317748, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 27 juin et 28 juillet 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Vincent , demeurant ...; M. demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 29 mai 2008 du tribunal administratif de Bastia en tant que, après avoir annulé l'élection de M. D en qualité de conseiller municipal lors des opérations électorales qui se sont déroulées le 9 mars 2008 dans la commune de Grosseto-Prugna (Corse-du-Sud), il a, par son article 2, rejeté le surplus de sa

protestation tendant à l'annulation de ces opérations électorales ;

2°)...

Vu, 1° sous le n° 317748, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 27 juin et 28 juillet 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Vincent , demeurant ...; M. demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 29 mai 2008 du tribunal administratif de Bastia en tant que, après avoir annulé l'élection de M. D en qualité de conseiller municipal lors des opérations électorales qui se sont déroulées le 9 mars 2008 dans la commune de Grosseto-Prugna (Corse-du-Sud), il a, par son article 2, rejeté le surplus de sa protestation tendant à l'annulation de ces opérations électorales ;

2°) d'annuler ces opérations électorales ;

3°) de mettre à la charge solidairement de Mme Valérie Q, MM. E, B, A, Mme H, MM. P, N, I, F, U, Mme G, MM. R, S, Mmes C, M V, M. K et Mme J la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu, 2° sous le n° 317823, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 30 juin et 23 juillet 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Simon D, ... ; M. D demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 29 mai 2008 par lequel le tribunal administratif de Bastia a annulé son élection en qualité de conseiller municipal lors des opérations électorales qui se sont déroulées le 9 mars 2008 dans la commune de Grosseto-Prugna (Corse-du-Sud) ;

2°) de rejeter la protestation de M. contre ces opérations électorales ;

3°) de mettre à la charge de M. la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code électoral ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Luc Matt, chargé des fonctions de Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini, avocat de M. Vincent et de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de M. Simon ,

- les conclusions de M. Julien Boucher, Rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Gatineau, Fattaccini, avocat de M. Vincent et de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de M. Simon ;

Considérant que, par un jugement du 29 mai 2008, le tribunal administratif de Bastia a annulé l'élection de M. D en qualité de conseiller municipal lors des opérations électorales qui se sont déroulées le 9 mars 2008 dans la commune de Grosseto-Prugna (Corse-du-Sud) et rejeté le surplus de la protestation de M. contre ces opérations électorales ;

Considérant que les requêtes de MM. et D sont dirigées contre le même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

En ce qui concerne la requête de M. :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;

Considérant qu'aux termes de l'article R. 431-1 du code de justice administrative : « Lorsqu'une partie est représentée devant le tribunal administratif par un des mandataires mentionnés à l'article R. 431-2, les actes de procédure, à l'exception de la notification de la décision prévue aux articles R. 751-3 et suivants, ne sont accomplis qu'à l'égard de ce mandataire » ; que ces dispositions ont pour effet non seulement de dispenser le tribunal administratif de notifier aux parties les actes de procédure dès lors qu'ils ont été notifiés à leurs mandataires, mais aussi d'interdire de couvrir l'irrégularité résultant du défaut de notification au mandataire d'un acte de procédure substantiel comme la communication d'un moyen d'ordre public par la notification à la partie concernée ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, le 2 mai 2008, M. a, par l'intermédiaire d'un mandataire qu'il avait désigné, produit un nouveau mémoire qui contenait des griefs nouveaux ; que le tribunal, entendant soulever d'office l'irrecevabilité de ces griefs, a communiqué ce moyen d'ordre public non au mandataire désigné par le requérant, mais au requérant lui-même ; que le jugement attaqué a ainsi été rendu en violation de l'article R. 431-1 du code de justice administrative et, par suite, au terme d'une procédure irrégulière ; qu'il y a lieu, en conséquence, d'annuler pour ce motif l'article 2 du jugement attaqué ;

Considérant que le délai imparti au tribunal administratif par l'article R. 120 du code électoral pour statuer sur la protestation dont il était saisi est expiré ; que, dès lors, il y a lieu pour le Conseil d'Etat de statuer immédiatement sur le surplus de la protestation de M. ;

Sur l'irrecevabilité des griefs nouveaux :

Considérant que les griefs tirés des irrégularités de la propagande électorale, des anomalies concernant la tenue des listes d'émargement, des discordances de signature sur les listes d'émargement entre les premier et second tours de scrutin ainsi qu'entre le premier tour de ce scrutin et le dernier scrutin pour l'élection présidentielle, de nombreuses irrégularités s'agissant des procurations émises pour le premier tour de ce scrutin ainsi que de la méconnaissance à ce titre des articles R. 76 et R. 25 du code électoral n'ont été invoqués par M. que dans un mémoire enregistré le 2 mai 2008, soit après l'expiration du délai fixé par l'article R. 119 du code électoral ; que, contrairement à ce que soutient M. , ils constituent des griefs distincts de ceux qu'il a invoqués dans le délai de recours contentieux ; qu'ainsi, ces griefs sont irrecevables ;

Sur les griefs relatifs au déroulement des opérations de vote et de dépouillement :

Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que des pressions auraient été exercées sur les électeurs pendant les opérations de vote de nature à altérer la sincérité du scrutin ; que la circonstance que, durant le dépouillement, certains scrutateurs se soient fait remplacer, que le président du deuxième bureau de vote se soit temporairement absenté ou que les prescriptions de l'article L. 65 du code électoral n'aient pas été respectées ne sont pas non plus de nature, en l'absence de manoeuvre ou de fraude, à porter atteinte à la sincérité du scrutin ;

Sur les griefs relatifs au nombre de votants :

Considérant que, dans le premier bureau de vote, le nombre d'enveloppes correspond au nombre d'émargements compte tenu du vote des citoyens de l'Union européenne résidant en France, autres que les citoyens français, et de l'erreur matérielle ayant conduit deux électrices à émarger dans la même case ; que, dans le deuxième bureau, le nombre des émargements est supérieur de quatre voix au nombre de bulletins trouvés dans l'urne ; qu'il n'est pas allégué que cette différence résulterait d'une manoeuvre ; qu'ainsi il y a lieu, ainsi qu'il a été fait lors du dépouillement, de se fonder sur le nombre de bulletins trouvés dans l'urne pour le calcul de la majorité ;

Sur les griefs relatifs aux procurations :

Considérant que si M. soutient que deux procurations avaient été établies pour MM. Rémy et Louis W, il n'apporte aucun élément de nature à attester de leur existence ;

Considérant qu'aux termes du troisième alinéa de l'article L. 62-1 du code électoral : « Le vote de chaque électeur est constaté par sa signature apposée à l'encre en face de son nom sur la liste d'émargement » ; qu'il résulte de ces dispositions, destinées à assurer la sincérité des opérations électorales, que seule la signature personnelle, à l'encre, d'un électeur est de nature à apporter la preuve de sa participation au scrutin ; qu'ainsi, la constatation d'un vote par l'apposition, sur la liste d'émargement, d'une signature qui s'avère identique à l'émargement figurant en regard du nom d'un autre électeur pour le même tour de scrutin, sans qu'il soit fait mention d'un vote par procuration, ne peut être regardée comme garantissant l'authenticité de ce vote ; qu'il résulte de l'instruction que, pour deux électeurs, des signatures identiques peuvent être relevées en face des noms d'électeurs différents, sans mention d'une procuration valable pour le premier tour du scrutin sur la liste d'émargement ni production, devant le juge de l'élection, du volet de procuration correspondant ; que ces deux signatures figurant sur la liste d'émargement ne peuvent donc être regardées comme attestant le vote des électeurs dont il s'agit dans les conditions fixées par l'article L. 62-1 du code électoral ; qu'en conséquence, ces deux suffrages doivent être regardés comme irrégulièrement émis et déduits tant du nombre de suffrages exprimés que de ceux obtenus par tous les candidats proclamés élus à l'issue du premier tour ;

Sur les griefs relatifs au décompte des voix :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que les feuilles de pointage du troisième bureau de vote font apparaître des discordances, pour plusieurs candidats des différentes listes, entre le nombre de voix décomptées et le total des voix attribuées qui a été reporté au procès-verbal ; que ces erreurs matérielles, dont il n'est pas allégué qu'elles seraient constitutives d'une fraude ayant entaché la sincérité de l'ensemble des opérations électorales, doivent être rectifiées en diminuant le nombre de suffrages obtenus par les candidats déclarés élus au premier tour d'une voix pour Mme Valérie Q et MM. E, I, F et S, de deux voix pour M. , Mme H et MM. P et U, de trois voix pour Mmes C et J, de quatre voix pour M. K et de cinq voix pour Mme G ;

Considérant que, compte tenu de l'ensemble des rectifications devant être faites, le total des suffrages exprimés doit être porté à 1 750 et ceux obtenus par MM. D et K à 875, soit moins que la majorité absolue désormais fixée à 876 pour être élu à l'issue du premier tour de scrutin ; qu'aucun autre candidat proclamé élu n'obtient un nombre de suffrages inférieur à 876, ni aucun autre candidat non proclamé élu un nombre de suffrages au moins égal à 876 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'outre l'élection de M. D, déjà annulée par le tribunal administratif, celle de M. K en qualité de conseiller municipal de Grosseto-Prugna doit aussi être annulée ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. D et autres le versement à M. de la somme qu'il demande en application de ces dispositions ;

En ce qui concerne la requête de M. D :

Considérant que, par les motifs qui précèdent, M. D n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le tribunal administratif de Bastia a annulé son élection en qualité de conseiller municipal de Grosseto-Prugna ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. , qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à M. D de la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'article 2 du jugement du 29 mai 2008 du tribunal administratif de Bastia est annulé.

Article 2 : L'élection de M. K en qualité de conseiller municipal de Grosseto-Prugna est annulée.

Article 3 : Le surplus des conclusions présentées devant le Conseil d'Etat et le tribunal administratif de Bastia par M. d'une part et la requête de M. D d'autre part sont rejetés.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à MM. Vincent , Simon D et Jean-Pierre K et à la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 10 avr. 2009, n° 317748
Inédit au recueil Lebon
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: M. Jean-Luc Matt
Rapporteur public ?: M. Boucher Julien
Avocat(s) : SCP GATINEAU, FATTACCINI

Origine de la décision
Formation : 10ème et 9ème sous-sections réunies
Date de la décision : 10/04/2009
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 317748
Numéro NOR : CETATEXT000020541201 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2009-04-10;317748 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award