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10/04/2009 | FRANCE | N°325766

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 10 avril 2009, 325766


Vu la requête, enregistrée le 4 mars 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, présentée par M. Karim A, élisant domicile chez Me Jean-Baptiste de Boyer Montegut, 24 grande rue Nazareth à Toulouse (31000) ; M. A demande au juge des référés du Conseil d'État :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours dirigé contre la décision du 23 octobre 2

008 du consul général de France à Casablanca (Maroc) lui refusant un visa...

Vu la requête, enregistrée le 4 mars 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, présentée par M. Karim A, élisant domicile chez Me Jean-Baptiste de Boyer Montegut, 24 grande rue Nazareth à Toulouse (31000) ; M. A demande au juge des référés du Conseil d'État :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours dirigé contre la décision du 23 octobre 2008 du consul général de France à Casablanca (Maroc) lui refusant un visa de long séjour en qualité de travailleur salarié ;

2°) d'enjoindre au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, de procéder au réexamen de sa demande de visa au vu des motifs contenus dans l'ordonnance à intervenir, dans le délai de quatre-vingt-seize heures à compter de son prononcé ;

3°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient qu'il y a urgence, dès lors qu'il est sans emploi dans son pays d'origine ; que la décision contestée a également pour effet de le séparer de sa famille qui réside en France ; qu'il existe un doute sérieux sur la légalité de la décision attaquée ; que cette décision implicite de rejet se trouve entachée d'illégalité externe, faute pour la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France de lui avoir communiqué les motifs de cette décision dans le délai d'un mois après qu'il en a fait la demande ; qu'elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, dès lors que l'emploi pour lequel il a été recruté est en adéquation avec son expérience professionnelle ; qu'en portant une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale, elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que ses attaches familiales principales sont en France, où il a vécu pendant cinq ans et exercé une activité professionnelle déclarée ;

Vu la copie du recours présenté le 24 novembre 2009 à la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

Vu la copie de la requête en annulation présentée par M. A ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 2 avril 2009, présenté par le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, qui conclut au rejet de la requête ; il ne conteste pas que la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France est entachée d'un défaut de motivation et s'en remet à la sagesse du Conseil d'Etat afin qu'il soit statué sur l'ensemble des éléments de fait du dossier ; il soutient que la décision de refus de visa opposée au requérant n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation, dès lors qu'elle est fondée sur les doutes sérieux qui existent sur la réalité de la qualité de menuisier du requérant, que les éléments produits à l'appui de sa demande de visa ne permettent pas de lever ; que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté, dès lors que le requérant a vécu 22 ans au Maroc, pays où il pouvait créer sa propre cellule familiale, dont il parle la langue et où résident ses soeurs, et qu'il ne démontre pas que les membres de sa famille résidant en France soient dans l'incapacité de lui rendre visite au Maroc ; que la condition d'urgence n'est pas établie dès lors que le requérant n'apporte aucune justification probante de sa qualification professionnelle et qu'il n'est pas isolé au Maroc, où il a passé les vingt-deux premières années de sa vie ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 3 avril 2009, présenté par M. A, qui reprend les conclusions de sa requête et les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part M. A et d'autre part, le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 6 avril 2009 à 10h30 au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Boré, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. A ;

- la représentante du ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ;

Considérant qu'aux termes de l'article 5 de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public : Une décision implicite intervenue dans le cas où une décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. Toutefois, à la demande de l'intéressé formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. A, de nationalité marocaine, a sollicité un visa de long séjour en se prévalant d'un contrat de travail avec la société Bois et Charpentes Industrialisées, visé par le directeur départemental de l'emploi et de la formation professionnelle du Lot-et-Garonne le 17 juillet 2008 ; que le consul général de France à Casablanca a rejeté cette demande le 23 octobre 2008 ; que cette décision consulaire a été confirmée par une décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ; que M. A a demandé par un courrier du 20 janvier 2009 à la commission de lui faire connaître les motifs de son refus ; que ces motifs ne lui ont pas été communiqués ; que par suite le moyen tiré de ce que les exigences de motivation prévues par la loi du 11 juillet 1979 ont été méconnues est de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de cette décision ;

Considérant qu'eu égard à la circonstance que M. A se trouve actuellement sans emploi dans son pays d'origine, la condition d'urgence doit être regardée comme remplie ;

Considérant qu'il y a lieu, dans ces conditions, de suspendre l'exécution du refus de visa et d'ordonner au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire de procéder à un nouvel examen de la demande de visa de M. A dans le délai de trente jours à compter de la notification de la présente ordonnance ; qu'il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

O R D O N N E :

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Article 1er : L'exécution de la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, rejetant le recours de M. A, est suspendue.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire de réexaminer la demande de visa de long séjour présentée par M. A dans les trente jours suivant la notification de la présente ordonnance.

Article 3 : L'Etat versera à M. A la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 10 avr. 2009, n° 325766
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: M. Philippe Martin

Origine de la décision
Formation : Juge des référés
Date de la décision : 10/04/2009
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 325766
Numéro NOR : CETATEXT000020868712 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2009-04-10;325766 ?
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