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16/04/2009 | FRANCE | N°325473

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 16 avril 2009, 325473


Vu la requête, enregistrée le 23 février 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Belkacem A, élisant domicile chez Mme Véronique B au ... ; M. A demande au juge des référés du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre la décision par laquelle le consul général de France à Fès a refusé de lui délivrer un visa de séjour de longue durée en qualité de conjoint de ressortissante française ;

2°) d'enjoindre au consul général de France à Fès, à titre principal, d

e délivrer le visa sollicité, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de la demande...

Vu la requête, enregistrée le 23 février 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Belkacem A, élisant domicile chez Mme Véronique B au ... ; M. A demande au juge des référés du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre la décision par laquelle le consul général de France à Fès a refusé de lui délivrer un visa de séjour de longue durée en qualité de conjoint de ressortissante française ;

2°) d'enjoindre au consul général de France à Fès, à titre principal, de délivrer le visa sollicité, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de la demande de visa dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

il soutient que la condition d'urgence est satisfaite dès lors que le refus de visa qui lui est opposé le maintient éloigné de son épouse depuis leur mariage en avril 2007 et que Mme B, handicapée, a particulièrement besoin du soutien de son mari ; qu'il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée, qui méconnaît tant les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que les dispositions du 1° de l'article L. 211-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, Mme B disposant d'un appartement lui permettant d'accueillir son mari et le mariage n'ayant pas eu de caractère complaisant ;

Vu la décision dont la suspension est demandée ;

Vu la requête à fin d'annulation de la même décision et le recours présenté à la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 26 mars 2009, présenté par le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire qui conclut au rejet de la requête ; le ministre soutient que les conclusions aux fins d'injonction de délivrer le visa sollicité sont irrecevables, le juge des référés ne pouvant ordonner la délivrance d'un visa, mesure qui aurait un effet équivalent à l'annulation de la mesure de refus de visa ; que la condition d'urgence n'est pas satisfaite en l'absence de tout élément de preuve des circonstances particulières invoquées, tenant à l'état psychologique de Mme B ou aux ressources limitées de celle-ci, qui ne lui permettraient pas de se rendre fréquemment au Maroc ; que la décision de refus de visa est fondée à bon droit sur le caractère complaisant de ce mariage précipité qui établit que l'union n'a été contractée que pour permettre au requérant de s'établir en France, où résident déjà plusieurs membres de sa famille ; que les moyens tirés de l'erreur de droit et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés, dès lors que la décision des autorités consulaires est fondée sur un faisceau d'indices démontrant le caractère complaisant du mariage, ce qui constitue un motif d'ordre public permettant de refuser légalement le visa au conjoint d'un ressortissant français, M. A n'ayant pas apporté la preuve des relations qui auraient été établies avec Mme B avant ou après leur mariage non plus que de ce qu'il contribuerait à l'entretien de son épouse depuis le Maroc ; que la décision attaquée ne porte pas au droit de M. A au respect de sa vie privée et familiale, garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, une atteinte disproportionnée ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part M. Belkacem C, et d'autre part, le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du lundi 30 mars 2009 à 12h00 au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Molinié, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. A ;

- Mme B, épouse du requérant ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ;

Considérant qu'il appartient en principe aux autorités consulaires de délivrer au conjoint étranger d'un ressortissant français dont le mariage n'a pas été contesté par l'autorité judiciaire le visa nécessaire pour que les époux puissent mener une vie familiale normale ; que pour y faire obstacle, il appartient à l'administration, si elle allègue une fraude, d'établir que le mariage a été entaché d'une telle fraude de nature à justifier légalement le refus de visa ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que M. A, de nationalité marocaine, a, à la suite du mariage qu'il a contracté, le 3 avril 2007, avec Mme D et dont l'acte a été transcrit par les autorités consulaires de France à Fès le 15 février 2008, déposé une demande de visa en qualité de conjoint de Français auprès de ces autorités, lesquelles l'ont rejetée, le 22 juillet 2008 ; que M. A a formé, le 25 août 2008, auprès de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, un recours contre cette décision de rejet ; que sa requête doit être regardée comme dirigée contre la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France rejetant son recours ;

Considérant que, pour rejeter la demande de visa de M. A, les autorités consulaires de France à Fès ont mis en doute la sincérité de son mariage avec Mme D ; qu'il résulte cependant de l'instruction et des précisions apportées au cours de l'audience par Mme D que cette dernière, qui avait effectué deux séjours au Maroc pour rencontrer M. A avant leur mariage, est ensuite restée régulièrement en contact avec celui-ci et a effectué trois nouveaux voyages en 2007 et 2008 pour le retrouver ; que, dès lors, l'administration n'apporte pas, en alléguant que Mme B aurait pu se rendre au Maroc dans un but touristique, que les communications téléphoniques entre les époux ont eu une durée moyenne brève et que, si les intentions de Mme B semblent sincères, M. A est insuffisamment impliqué dans la relation de couple et n'établit pas qu'il contribuerait à l'entretien de son épouse depuis le Maroc, des éléments suffisants permettant, en l'état de l'instruction, de regarder comme établie l'insincérité du mariage ; que, par suite, le moyen tiré de ce qu'est entaché d'erreur d'appréciation le refus de visa, fondé sur le motif que le mariage a été conclu frauduleusement, est, en l'état de l'instruction, propre à faire naître un doute sérieux sur la légalité de ce refus ;

Considérant, par ailleurs, qu'eu égard notamment au délai écoulé depuis le mariage, la condition d'urgence doit être regardée comme remplie ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est fondé à demander la suspension de la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France rejetant son recours ; qu'il y a lieu, dans ces conditions, d'enjoindre au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire de réexaminer, dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente ordonnance, la demande de visa de long séjour de M. A ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

O R D O N N E :

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Article 1er : L'exécution de la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, rejetant le recours de M. A, est suspendue.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire de réexaminer la demande de visa de M. A dans le délai d'un mois suivant la notification de la présente ordonnance.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 325473
Date de la décision : 16/04/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 16 avr. 2009, n° 325473
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Christnacht
Rapporteur ?: M. Alain Christnacht
Avocat(s) : SCP PIWNICA, MOLINIE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2009:325473.20090416
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