La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/04/2009 | FRANCE | N°326944

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 27 avril 2009, 326944


Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 9 avril 2009, présentée pour M. Karen A demeurant ... ; M. A demande au juge des référés du Conseil d'Etat d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution du décret du 10 octobre 2008 par lequel le Premier ministre a accordé son extradition aux autorités russes ;

il soutient que l'urgence est caractérisée dès lors que l'extradition est susceptible d'être mise à exécution à tout moment ; qu'il existe un doute sérieux quant à

la légalité du décret contesté ; que ce décret est insuffisamment motivé ...

Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 9 avril 2009, présentée pour M. Karen A demeurant ... ; M. A demande au juge des référés du Conseil d'Etat d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution du décret du 10 octobre 2008 par lequel le Premier ministre a accordé son extradition aux autorités russes ;

il soutient que l'urgence est caractérisée dès lors que l'extradition est susceptible d'être mise à exécution à tout moment ; qu'il existe un doute sérieux quant à la légalité du décret contesté ; que ce décret est insuffisamment motivé et n'est pas signé ; qu'il a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors que les pièces demandées par la chambre de l'instruction de la Cour d'appel de Versailles n'ont jamais été produites par les autorités russes ; que le mandat d'arrêt international est entaché d'une erreur de fait en ce que l'assignation à résidence a bien été respectée ; qu'il existe un risque de traitements inhumains et dégradants en Russie en raison de sa nationalité ; que l'arrêt du 28 août 2001 a été rendu sans qu'il soit ni convoqué ni présent à l'audience ; que la Russie n'a pas respecté le principe de non rétroactivité de la loi pénale plus sévère ; que l'action publique est prescrite ; qu'il se trouve dans l'impossibilité de bénéficier d'un nouveau procès respectant les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'enfin, l'extradition porterait une atteinte grave à son droit au respect de sa vie privée et familiale tel que reconnu par les stipulations de l'article 8 de la même convention ;

Vu le décret dont la suspension est demandée ;

Vu la copie du recours en annulation présenté à l'encontre de ce décret ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 16 avril 2009, présenté pour M. Karen A qui persiste dans ses conclusions par les mêmes moyens ; il soutient, en outre, que, contrairement aux exigences conventionnelles, la demande d'extradition n'a été formulée, ni par écrit ni par la voie diplomatique ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 17 avril 2009, présenté par le garde des sceaux, ministre de la justice, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que l'urgence n'est pas caractérisée dès lors qu'il est d'usage que la mise en oeuvre du décret d'extradition soit suspendue en cas de recours contentieux ; qu'il n'existe pas de doute sérieux quant à la légalité du décret contesté ; que ce décret est suffisamment motivé et que seule son ampliation, qui n'a pas à l'être, n'est pas signée ; que la décision du 28 mars 2001 a été rendue après une procédure contradictoire et équitable ; qu'à la suite de son extradition, M. A pourra bénéficier d'un nouveau procès respectant les exigences de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le principe de non rétroactivité de la loi pénale plus sévère a bien été respecté ; que l'action publique n'est pas prescrite en raison de l'intervention d'actes interruptifs ; que les craintes de subir des traitements inhumains et dégradants ne sont étayées par aucun élément probant ; que le moyen tiré de l'atteinte grave au droit au respect de la vie privée et familiale du requérant, tel que reconnu par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, est inopérant s'agissant d'une procédure d'extradition ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957 ;

Vu le code pénal ;

Vu le code de procédure pénale ;

Vu la loi n°79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. A et, d'autre part, le ministre de la justice ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 21 avril 2009 à 12 heures au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Munier-Apaire, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat du requérant ;

- M. A ;

- le représentant du ministre de la justice ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ;

Considérant que ces dispositions subordonnent la possibilité, pour le juge des référés, de suspendre l'exécution d'une décision administrative à la condition, notamment, que l'urgence le justifie ; que l'urgence suppose que l'exécution de la décision dont la suspension est demandée porte atteinte de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre ; qu'il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement si les effets de l'acte contesté sont de nature à caractériser une telle urgence, justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de cet acte soit suspendue ;

Considérant que, selon l'usage, un décret d'extradition n'est pas exécuté avant que le Conseil d'Etat, saisi d'un pourvoi tendant à son annulation, ait statué sur sa légalité ; que, dans le cas particulier de l'espèce, le garde des sceaux, ministre de la justice a indiqué dans son mémoire écrit que le gouvernement ne procéderait pas à l'exécution du décret contesté avant que le Conseil d'Etat ait statué sur sa légalité ; que cet engagement a été confirmé au cours de l'audience publique par le représentant du garde des sceaux, ministre de la justice ; qu'enfin l'autorité judiciaire a décidé que, dans l'attente de l'éventuelle mise à exécution du décret litigieux, M. A demeurerait en liberté, sous contrôle judiciaire ; qu'au surplus, compte tenu de l'avancement de l'instruction de la requête en annulation, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux se prononcera sur la requête à fin d'annulation dans un délai qui n'excède pas quelques mois ; que, dans ces circonstances, il n'existe pas une situation d'urgence justifiant que, sans attendre que le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, se soit prononcé sur la légalité du décret litigieux, l'exécution de ce décret soit suspendue ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner le sérieux des moyens invoqués, que la requête de M. A ne peut être accueillie ;

O R D O N N E :

------------------

Article 1er : La requête de M. Karen A est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. Karen A et au garde des sceaux, ministre de la justice.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 326944
Date de la décision : 27/04/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 27 avr. 2009, n° 326944
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: M. Bernard Stirn
Avocat(s) : SCP COUTARD, MAYER, MUNIER-APAIRE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2009:326944.20090427
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award