Vu, 1°) sous le n° 310952, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 27 novembre 2007 et 27 février 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Sébastien C, demeurant ..., M. Michel D, demeurant ..., M. Pierre-François E, demeurant ..., Mme Muriel F, demeurant ..., M. Christophe G, demeurant ..., M. Philippe H, demeurant ..., M. Michel I, demeurant ..., M. Roberto J, demeurant ... et M. Toussaint M, demeurant ... ; M. C et autres demandent au Conseil d'Etat :
1) d'annuler pour excès de pouvoir l'article 1er du décret n° 2007-1397 du 27 septembre 2007 relatif aux inspections des études d'huissier de justice, à la commission de localisation des offices d'huissier de justice et à la commission de localisation des offices de notaire, en ce qu'il prévoit des dispositions spéciales pour la Corse, introduites à l'article 94-27 du décret du 29 février 1956 ;
2) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu, 2°) sous le n° 310988, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 28 novembre 2007 et 27 février 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la CHAMBRE INTERDEPARTEMENTALE ET REGIONALE DES HUISSIERS DE JUSTICE DE CORSE, ayant son siège BP 20, à Corte (20250), pour M. Martin A, demeurant ..., et pour Mme Joelle B, demeurant ... ; la CHAMBRE INTERDEPARTEMENTALE ET REGIONALE DES HUISSIERS DE JUSTICE DE CORSE et autres demandent au Conseil d'Etat :
1) d'annuler pour excès de pouvoir l'article 1er du décret n° 2007-1397 du 27 septembre 2007 relatif aux inspections des études d'huissier de justice, à la commission de localisation des offices d'huissier de justice et à la commission de localisation des offices de notaire, en ce qu'il prévoit des dispositions spéciales pour la Corse, introduites à l'article 94-27 du décret du 29 février 1956 ;
2) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la Constitution, notamment son Préambule ;
Vu l'ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945 ;
Vu le décret n° 56-222 du 29 février 1956 ;
Vu le décret n° 76-935 du 15 octobre 1976 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mlle Aurélie Bretonneau, Auditeur,
- les observations de Me Ricard, avocat de M. C et autres et de Me Spinosi, avocat de la CHAMBRE INTERDEPARTEMENTALE ET REGIONALE DES HUISSIERS DE CORSE et autres,
- les conclusions de M. Mattias Guyomar, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à Me Ricard, avocat de M. C et autres et à Me Spinosi, avocat de la CHAMBRE INTERDEPARTEMENTALE ET REGIONALE DES HUISSIERS DE CORSE et autres ;
Considérant que les requêtes de M. C, M. D, M. E, Mme F, M. G, M. H, M. I, M. J, M. M , huissiers de justice établis en Corse, et de la CHAMBRE INTERDEPARTEMENTALE ET REGIONALE DES HUISSIERS DE JUSTICE DE CORSE, de M. A et de Mme B, sont dirigées contre le même décret du 27 septembre 2007 relatif notamment aux inspections des études d'huissier de justice ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par une seule décision ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le garde des sceaux, ministre de la justice à la requête de la CHAMBRE INTERDEPARTEMENTALE ET REGIONALE DES HUISSIERS DE CORSE, de M. A et de Mme B ;
Sur la légalité externe :
Considérant que les omissions alléguées dans les visas du décret ne sont pas de nature à en affecter la légalité ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le moyen tiré de ce que le décret attaqué serait différent à la fois de la version qui a été soumise à l'examen du Conseil d'Etat et de celle que celui-ci a retenue dans l'avis qu'il a rendu manque en fait ; qu'il ne résulte pas des pièces du présent dossier que toutes les informations utiles sur l'organisation de la profession d'huissier de justice en Corse n'auraient pas été transmises au Conseil d'Etat lors de sa consultation sur le projet du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 22 de la Constitution : les actes du Premier ministre sont contresignés, le cas échéant, par les ministres chargés de leur exécution ; que, s'agissant d'un acte réglementaire, les ministres chargés de son exécution sont ceux qui ont compétence pour signer ou contresigner les mesures réglementaires ou individuelles que comporte nécessairement l'exécution de cet acte ; que le décret attaqué n'appelle aucune mesure réglementaire ou individuelle d'exécution de la part du ministre chargé de l'économie, de l'industrie et de l'emploi ; que, par suite, il a pu légalement être pris sans que ce ministre y appose son contreseing ;
Sur la légalité interne :
Considérant que l'article 1er du décret attaqué a inséré dans le décret du 29 février 1956 visé ci-dessus un chapitre III relatif aux inspections des études d'huissier de justice ; qu'en vertu de ces dispositions, chaque étude fait l'objet d'une inspection annuelle, organisée à l'initiative de la chambre régionale des huissiers de justice ; que l'inspection porte sur l'ensemble de l'activité professionnelle de l'huissier de justice inspecté, et notamment sur la comptabilité, l'organisation et le fonctionnement de l'étude ; que la chambre régionale, après avoir recueilli l'avis des chambres départementales établit chaque année, à cet effet, la liste des huissiers de justice inspecteurs choisis parmi les huissiers de justice et huissiers de justice honoraires les plus qualifiés domiciliés dans le ressort de la cour d'appel ; que l'inspection est faite par deux huissiers de justice dont au moins un choisi en dehors du département où exerce l'huissier de justice inspecté, et que les huissiers de justice inspecteurs doivent être étrangers au ressort du tribunal de grande instance où est située l'étude inspectée ; que l'article 94-27, introduit dans le décret du 29 février 1956 par le décret attaqué, prévoit, pour l'application des dispositions qui précèdent dans le ressort de certaines cours d'appel, des dispositions spécifiques et, en particulier, s'agissant de la Corse, qu'un des huissiers de justice désignés pour inspecter les études situées dans le ressort de la cour d'appel de Bastia peut être lui-même établi dans ce ressort. Les autres inspecteurs sont choisis sur la liste dressée par la chambre régionale de la cour d'appel d'Aix en Provence ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les huissiers de justice de la cour d'appel de Bastia sont réunis dans une seule chambre interdépartementale, qui remplit le rôle, à la fois, de chambre départementale dans chacun des deux départements et de chambre régionale ; qu'en outre, les études d'huissier du ressort de la cour d'appel de Bastia sont en petit nombre et se trouvent inégalement réparties entre le département de Corse du sud, qui compte neuf études, et celui de Haute-Corse, qui en comprend seize ; que, par suite, eu égard, d'une part, aux caractéristiques spécifiques des études d'huissier de justice et de leur organisation professionnelle dans le ressort de la cour d'appel de Bastia, d'autre part, à la nécessité d'y organiser les inspections dans des conditions satisfaisantes en ce qui concerne la diversité d'origine géographique des huissiers inspecteurs et l'effectif de référence dans lequel est opéré le choix de ceux-ci, le décret attaqué a pu légalement prévoir, par les dispositions citées ci-dessus, que l'un des huissiers inspecteurs serait choisi en dehors de la cour d'appel de Bastia ; que dès lors, le moyen tiré de ce que le décret attaqué serait intervenu en méconnaissance du principe d'égalité doit être écarté ;
Considérant que les requérants soutiennent que le décret attaqué, en prévoyant que le contrôle annuel et obligatoire des huissiers établis en Corse sera effectué par un huissier relevant de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, porterait atteinte au principe d'égalité devant les charges publiques au motif que le coût plus élevé de l'inspection, tenant aux frais de déplacement, serait à la charge de l'huissier inspecté ; que cependant, les dispositions de l'article 94-9 du décret du 29 février 1956, insérées par l'article 1er du décret attaqué, qui disposent que les frais afférents aux inspections sont considérés comme dépenses entraînées par le fonctionnement des chambres, quelle que soit l'autorité qui a pris l'initiative de l'inspection (...) , n'ont pas pour objet et ne sauraient avoir légalement pour effet de mettre les frais afférents aux inspections à la charge des huissiers contrôlés ; que dès lors, le moyen tiré de la rupture d'égalité devant les charges publiques doit être écarté ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation du décret qu'ils attaquent ; que leurs conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ;
D E C I D E :
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Article 1er : Les requêtes de M. C, M. D, M. E, Mme F, M. G, M. H, M. I, M. J, M. M, et de la CHAMBRE INTERDEPARTEMENTALE ET REGIONALE DES HUISSIERS DE JUSTICE DE CORSE, de M. A et de Mme B sont rejetées.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Sébastien C, M. Michel D, M. Pierre-François E, Mme Muriel F, M. Christophe G, M. Philippe H, M. Michel I, M. Roberto J, M. Toussaint M, à la CHAMBRE INTERDEPARTEMENTALE ET REGIONALE DES HUISSIERS DE JUSTICE DE CORSE, à M. Martin A, à Mme Joelle B, et à la garde des sceaux, ministre de la justice.
Copie pour information en sera adressée au Premier ministre.