Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 18 août et 17 novembre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Mekioussa A épouse B, demeurant ... ; Mme B demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 5 juin 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 31 mai 2007 du tribunal administratif de Melun rejetant sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 7 juillet 2005 du préfet du Val-de-Marne refusant de lui délivrer un titre de séjour, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au préfet de lui délivrer ce titre de séjour ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 300 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'accord du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Alain Boulanger, chargé des fonctions de Maître des requêtes,
- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de Mme B,
- les conclusions de M. Luc Derepas, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de Mme B ;
Considérant qu'aux termes du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : Le certificat de résidence d'un an portant la mention vie privée et familiale est délivré de plein droit au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les autres catégories ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs de refus ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme B, née en 1931, de nationalité algérienne, est entrée régulièrement en France en 2003 ; que son époux, né en 1932, également de nationalité algérienne, qui vit régulièrement en France depuis 1955 sous couvert de certificats de résidence, souffre d'un diabète sévère et que, eu égard à son âge et à l'intensité des soins nécessités par son état de santé, son épouse est la mieux à même de lui apporter l'assistance nécessaire ; que, dès lors, et en admettant même qu'une mesure de regroupement familial aurait été possible en l'espèce, la cour administrative d'appel a inexactement qualifié les faits de l'espèce en jugeant que l'arrêté préfectoral du 7 juillet 2005 ne portait pas une atteinte disproportionnée à la vie privée et familiale de la requérante ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;
Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que l'arrêté du 7 juillet 2005 du préfet du Val-de-Marne méconnaît les stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ainsi que celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, Mme B est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 31 mai 2007, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Considérant que cette annulation implique nécessairement, compte tenu de son motif et en l'absence au dossier de tout élément indiquant que la situation de la requérante se serait modifiée, en droit ou en fait, depuis l'intervention de l'arrêté du 7 juillet 2005, la délivrance d'un certificat de résidence portant la mention vie privée et familiale à Mme B ; qu'il y a lieu ainsi, en application des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, d'enjoindre au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire de faire délivrer ce titre de séjour à l'intéressée dans un délai d'un mois suivant la notification de la présente décision ;
Considérant qu'enfin, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme B de la somme de 2 300 euros qu'elle demande au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 5 juin 2008 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé.
Article 2 : Le jugement du 31 mai 2007 du tribunal administratif de Melun et l'arrêté du 7 juillet 2005 du préfet du Val-de-Marne sont annulés.
Article 3 : Il est enjoint au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire de faire délivrer à Mme B un certificat de résidence portant la mention vie privée et familiale dans le délai d'un mois suivant la notification de la présente décision.
Article 4 : L'Etat versera à Mme B la somme de 2 300 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme Mekioussa A épouse B et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.