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30/04/2009 | FRANCE | N°321840

France | France, Conseil d'État, 2ème sous-section jugeant seule, 30 avril 2009, 321840


Vu la requête, enregistrée le 23 octobre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Alain-Bernard A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Versailles du 23 septembre 2008 en tant qu'il a annulé, sur la protestation présentée par M. Arnaud E, les opérations électorales qui se sont déroulées le 9 mars 2008 en vue de la désignation des conseillers municipaux dans la commune de Villeneuve-la-Garenne (Hauts-de-Seine) ;

2°) de rejeter la protestation présentée par M. E devant

le tribunal administratif de Versailles ;

Vu les autres pièces du dossier ;...

Vu la requête, enregistrée le 23 octobre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Alain-Bernard A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Versailles du 23 septembre 2008 en tant qu'il a annulé, sur la protestation présentée par M. Arnaud E, les opérations électorales qui se sont déroulées le 9 mars 2008 en vue de la désignation des conseillers municipaux dans la commune de Villeneuve-la-Garenne (Hauts-de-Seine) ;

2°) de rejeter la protestation présentée par M. E devant le tribunal administratif de Versailles ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code électoral ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Aude Ab-Der-Halden, chargée des fonctions de Maître des Requêtes,

- les conclusions de Mme Béatrice Bourgeois-Machureau, rapporteur public ;

Sur l'appel de M. A :

Considérant que, pour annuler les opérations électorales auxquelles il a été procédé dans la commune de Villeneuve-la-Garenne (Hauts-de-Seine), le 9 mars 2008, en vue de la désignation des conseillers municipaux, le tribunal administratif de Versailles a considéré que l'organisation sur le territoire de la commune, par l'association culturelle Objectif 2000 , dont le président figure sur la liste de M. A, maire sortant et candidat aux élections, huit jours avant le premier tour du scrutin, d'un concert de rap qui n'était pas prévu au programme de la saison, ainsi que l'achat par cette association de 285 places de concert, distribuées gratuitement auprès de la population locale, doivent être regardés comme constitutifs de manoeuvres destinées à influencer les électeurs et que ces faits, eu égard au pourcentage important de jeunes qui composent l'électorat de la commune ainsi qu'au nombre de voix séparant le résultat obtenu par la liste du maire sortant de la majorité absolue, inférieur de plus de la moitié au nombre des places distribuées gratuitement, ont été de nature à altérer la sincérité du scrutin ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, d'une part, que le président de l'association Objectif 2000 dispose d'une expérience et d'une notoriété reconnues pour l'organisation des spectacles du type de celui qui a été tenu le 1er mars 2008 au cours duquel il n'est pas établi que des propos politiques ou en relation avec les prochaines élections aient été tenus, d'autre part, que si l'association Objectif 2000 a fait l'acquisition de 285 places de concert, le nombre de billets distribués gratuitement et les conditions de leur remise aux bénéficiaires ne sont pas établis ; que, par suite, nonobstant la proximité de la date du concert avec celle du premier tour des élections municipales et eu égard à l'écart séparant le nombre de voix obtenues par les deux listes en cause, la tenue de ce concert ne peut être regardée comme constituant une manoeuvre susceptible d'avoir exercé une influence sur les résultats du scrutin ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Versailles s'est fondé sur ce motif pour annuler les opérations électorales qui se sont déroulées le 9 mars 2008 pour l'élection des conseillers municipaux dans la commune de Villeneuve-la-Garenne ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres griefs soulevés par M. E dans sa protestation devant le tribunal de Versailles pour voir annuler ces élections ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 52-1 du code électoral : (...) A compter du premier jour du sixième mois précédant le mois au cours duquel il doit être procédé à des élections générales, aucune campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion d'une collectivité ne peut être organisé sur le territoire des collectivités intéressées par le scrutin./ Sans préjudice des dispositions du présent chapitre, cette interdiction ne s'applique pas à la présentation, par un candidat ou pour son compte, dans le cadre de l'organisation de sa campagne, du bilan de la gestion des mandats qu'il détient ou qu'il a détenus. Les dépenses afférentes sont soumises aux dispositions relatives au financement et au plafonnement des dépenses électorales contenues au chapitre V bis du présent titre ; que ces dispositions n'interdisent pas la diffusion de documents ou les interventions à caractère informatif par le maire sortant sur les réalisations, la gestion et les perspectives d'avenir de sa commune ;

Considérant que, si M. E soutient que la tenue de forums de quartier a été l'occasion pour la municipalité sortante d'organiser, dans les mois précédant le premier tour de scrutin, une opération de promotion publicitaire des réalisations communales en méconnaissance des dispositions précitées, il résulte de l'instruction que ces forums, organisés régulièrement depuis une dizaine d'années par le maire, ont pour objet l'information des habitants sur la vie locale et son évolution ; que, par suite, leur tenue n'a pas été opérée en méconnaissance desdites dispositions ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 58-1 du code électoral : (...) Les personnes morales, à l'exception des partis ou groupements politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d'un candidat, ni en lui consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en lui fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués ; que ne constituent pas des dons ou avantages accordés par une personne morale des manifestations culturelles auxquelles la municipalité dont le candidat élu est maire, a pris l'initiative ou a accordé une participation, dès lors qu'elles n'ont pas été accompagnées d'actions destinées à influencer les électeurs ;

Considérant que si M. E soutient que la tenue d'un dîner-débat organisé par des associations subventionnées par la commune, auquel a participé le maire sortant trois semaines avant le premier tour de scrutin, méconnaît les dispositions précitées, il résulte de l'instruction que cette manifestation rassemblait toutes les tendances politiques et que le maire, qui n'y était pas convié en qualité d'orateur intervenant, n'a pas outrepassé le rôle normal d'un élu dans le cadre de manifestations publiques ;

Considérant, enfin, qu'il n'est pas établi que M. A ait cherché par de quelconques avantages à influencer le vote d'un ou plusieurs électeurs pour obtenir leur suffrage ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 1er du jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a annulé les opérations électorales qui se sont déroulées le 9 mars 2008 en vue de la désignation des conseillers municipaux dans la commune de Villeneuve-la-Garenne ;

Sur l'appel incident de M. E :

Considérant que M. E demande au Conseil d'Etat d'annuler le jugement du tribunal administratif de Versailles en date du 23 septembre 2008 en tant qu'il n'a pas fait droit à sa demande de voir déclarer M. A inéligible ;

Considérant que ces conclusions, qui n'ont pas été présentées dans le délai d'appel et alors que le recours incident n'est pas ouvert en matière électorale, sont tardives et, dès lors, irrecevables ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. E la somme que M. A demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'article 1er du jugement du 23 septembre 2008 du tribunal administratif de Versailles, annulant les opérations électorales qui se sont déroulées le 9 mars 2008 en vue de la désignation des conseillers municipaux dans la commune de Villeneuve-la-Garenne, est annulé.

Article 2 : Les opérations électorales qui se sont déroulées le 9 mars 2008 en vue de la désignation des conseillers municipaux de la commune de Villeneuve-la-Garenne (Hauts-de-Seine) sont validées.

Article 3 : La protestation de M. E devant le tribunal administratif de Versailles est rejetée.

Article 4 : Les conclusions d'appel incident de M. E sont rejetées.

Article 5 : Les conclusions de M. A au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. Alain-Bernard A, à M. Arnaud E et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 30 avr. 2009, n° 321840
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Honorat
Rapporteur ?: Mme Aude Ab-Der-Halden
Rapporteur public ?: Mme Bourgeois-Machureau Béatrice

Origine de la décision
Formation : 2ème sous-section jugeant seule
Date de la décision : 30/04/2009
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 321840
Numéro NOR : CETATEXT000020868692 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2009-04-30;321840 ?
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