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07/05/2009 | FRANCE | N°326291

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 07 mai 2009, 326291


Vu la requête, enregistrée le 20 mars 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Kaïs A, domicilié chez Mme Aurélie B, ... ; M. Kaïs A demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision lui refusant la délivrance d'un visa de long séjour en qualité de conjoint de ressortissante française ;

2°) d'enjoindre, à titre principal, au consul général de France à Tunis de lui délivrer le visa sollicité sous

astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) d'enjoindre, à titre subsidiaire, a...

Vu la requête, enregistrée le 20 mars 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Kaïs A, domicilié chez Mme Aurélie B, ... ; M. Kaïs A demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision lui refusant la délivrance d'un visa de long séjour en qualité de conjoint de ressortissante française ;

2°) d'enjoindre, à titre principal, au consul général de France à Tunis de lui délivrer le visa sollicité sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) d'enjoindre, à titre subsidiaire, au consul général de France à Tunis de procéder au réexamen de la demande de visa dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

il soutient que sa requête est recevable ; que la condition d'urgence est remplie au regard de la séparation imposée aux époux ; que l'urgence résulte également du statut d'étudiante de son épouse qui ne dispose d'aucun revenu pour payer le loyer de son logement ; qu'il risque de perdre le bénéfice de la promesse d'embauche qui lui a été faite par une société de transport ; que l'isolement de sa femme qui se trouve éloignée de toute sa famille risque de la plonger dans un état de grave dépression ; qu'il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée ; que les condamnations dont il a fait l'objet en Tunisie portent sur des faits mineurs qui ne justifient pas le risque d'atteinte à l'ordre public invoqué par l'administration ; qu'il a bénéficié d'une réhabilitation au sens du code de procédure pénale tunisien ; que la décision méconnaît les dispositions de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la décision dont la suspension est demandée ;

Vu la requête à fin d'annulation de la même décision ;

Vu, enregistré le 28 avril 2009, le mémoire en défense présenté par le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à l'administration de délivrer un visa à l'intéressé sont irrecevables ; que l'urgence ne saurait résulter de la simple séparation familiale en l'absence de circonstances particulières ; que cette séparation découle du comportement personnel du requérant ; que la situation économique de Mme B résulte du choix du couple de louer un logement alors que cette dernière ne dispose pas de ressources lui permettant d'assumer une telle charge ; que la reconnaissance de dettes signée par Mme B au bénéfice de ses parents permet de penser que les sommes ne sont pas exigibles à courte échéance ; que la société de transport qui promet d'embaucher le requérant appartient à un membre de la famille de Mme B et est située dans le département du Nord ; que dès lors, le requérant ne pourrait pas se rapprocher de son épouse s'il venait à accepter ce poste ; que l'isolement dont se plaint Mme B découle de son choix de venir étudier à Nice ; que Mme B n'établit pas que son état de santé nécessiterait la présence immédiate de son époux à ses côtés ; que la décision n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; que la réhabilitation au sens du code de procédure pénale tunisien n'emporte pas effacement rétroactif de la condamnation ; qu'au regard du droit français, le requérant ne pourrait solliciter sa réhabilitation qu'en 2011 ; que les autorités consulaires peuvent sans erreur de droit fonder le refus de visa sur des motifs tirés de l'ordre public à raison des faits ayant justifié la condamnation d'un individu ; qu'en outre, les faits pour lesquels le requérant a été condamné laissent supposer un comportement beaucoup plus violent que le requérant ne veut bien le reconnaître ; que le requérant apporte peu d'éléments attestant de l'ancienneté et de la pérennité de la relation avec sa femme ; que le couple ne fait état d'aucune circonstance particulière qui démontrerait une atteinte disproportionnée à leur droit de mener une vie privée et familiale normale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part M. Kaïs A et, d'autre part, le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du jeudi 30 avril 2009 à 12 heures au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Hazan, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. A ;

- l'épouse de M. A ;

- la belle-mère de M. A ;

- la représentante de M. A ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative: Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, de nationalité tunisienne, qui séjournait irrégulièrement en France, a épousé le 9 décembre 2006 Mlle Aurélie Jasicki, de nationalité française ; qu'étant retourné en août 2007 en Tunisie pour y solliciter la délivrance d'un visa de long séjour en qualité de conjoint de ressortissante française, il y a été victime d'un accident de la route ; que, s'étant heurté à un refus de soins de la part d'un médecin de l'hôpital où il avait été transporté, il a frappé ce médecin ; qu'il a été reconnu coupable le 11 octobre 2007 par le tribunal de première instance de Siliana (Tunisie) de violence sur agent public, outrage à agent public et dommages aux biens d'autrui, une vitre ayant été brisée lors de l'altercation ; qu'il a été condamné de ces chefs à trois, deux et un mois de prison ; qu'il a été libéré au bout de quatre mois de détention ; qu'il demande la suspension de l'exécution de la décision par laquelle lui a été refusée la délivrance du visa qu'il sollicitait, au motif du risque qu'il présenterait pour l'ordre public ;

Considérant qu'eu égard à la nature des faits sus-rappelés, aux circonstances dans lesquelles ils ont été commis et à leur caractère isolé, le moyen tiré de ce que le refus de visa contesté serait entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation des risques pour l'ordre public que pourrait représenter la présence de l'intéressé en France est de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de ce refus ; qu'eu égard à la durée de la séparation entre les époux, la condition d'urgence exigée par l'article L. 521-1 du code de justice administrative doit être regardée comme satisfaite ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est fondé à demander la suspension de l'exécution de la décision lui refusant le visa sollicité ; que si ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à l'administration de lui délivrer ce visa ne peuvent qu'être rejetées, il y a lieu d'enjoindre à l'administration de procéder à un nouvel examen de la demande de visa dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la présente ordonnance ; qu'en revanche il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

O R D O N N E :

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Article 1er : L'exécution de la décision refusant un visa de long séjour à M. Kaïs A est suspendue.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire de réexaminer dans le délai de quinze jours à compter de la notification de la présente ordonnance, au regard de ses motifs, la demande de visa de M. Kaïs A.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à M. Kaïs A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 326291
Date de la décision : 07/05/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 07 mai. 2009, n° 326291
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Chantepy
Rapporteur ?: M. Christophe Chantepy
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2009:326291.20090507
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