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15/05/2009 | FRANCE | N°322120

France | France, Conseil d'État, 3ème et 8ème sous-sections réunies, 15 mai 2009, 322120


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 3 novembre et 3 décembre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Gérard C, demeurant ... ; M. C demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 24 septembre 2008 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé, à la demande de M. B et de M. A, les opérations électorales qui se sont déroulées les 9 et 16 mars 2008 dans la commune d'Aulnay-sous-Bois en vue de la désignation des conseillers municipaux ;

2) de rejeter les protestations de M. B

et de M. A ;

3) de mettre à la charge de M. B et de M. A la somme de 4 000...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 3 novembre et 3 décembre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Gérard C, demeurant ... ; M. C demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 24 septembre 2008 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé, à la demande de M. B et de M. A, les opérations électorales qui se sont déroulées les 9 et 16 mars 2008 dans la commune d'Aulnay-sous-Bois en vue de la désignation des conseillers municipaux ;

2) de rejeter les protestations de M. B et de M. A ;

3) de mettre à la charge de M. B et de M. A la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 27 avril 2009, présentée par M. B ;

Vu le code électoral ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Frédéric Gueudar Delahaye, chargé des fonctions de Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de M. C,

- les conclusions de M. Emmanuel Glaser, Rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de M. C,

Considérant qu'à l'issue du deuxième tour des élections qui se sont déroulées les 9 et 16 mars 2008 dans la commune d'Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) en vue du renouvellement du conseil municipal, la liste conduite par M. C a obtenu 11 935 voix, soit 204 de plus que celle conduite par M. B, le nombre de suffrages exprimés s'élevant à 23 666 ; que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé ces élections aux motifs, d'une part, qu'une affiche intitulée Nouveau scandale de détournement de fonds sociaux à Aulnay-sous-Bois , apposée dans la matinée du dimanche 16 mars 2008, avait été de nature à altérer la sincérité du scrutin et, d'autre part, que les opérations de vote avaient donné lieu à des tensions du fait de militants du parti de M. C ;

Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que l'affiche litigieuse, placardée aux abords de neuf des cinquante-et-un bureaux de vote de la commune où elle est demeurée en place pendant les premières heures de la journée de vote, dénonçait un nouveau scandale de détournement de fonds sociaux à Aulnay-sous-Bois ; que si cette affiche, en évoquant un nouveau scandale , prétendait nécessairement révéler un fait, distinct notamment des faits relatifs à la perception par M. B, maire sortant, d'indemnités de chômage après son élection comme député, qui avaient fait l'objet d'articles dans la presse nationale dans les semaines précédant l'élection auxquels ce candidat avait été en mesure de répondre, elle ne faisait cependant état d'aucune circonstance précise et ne se référait à aucun candidat ni à aucune formation politique ; qu'elle ne peut dès lors, compte tenu de l'imprécision des termes dans lesquels elle était rédigée, être regardée comme ayant introduit un élément nouveau dans la polémique électorale ; qu'ainsi la diffusion de cette affiche, quoique tardive et relativement massive, n'a pas constitué une manoeuvre susceptible d'altérer les résultats du scrutin ;

Considérant, d'autre part, que s'il résulte de l'instruction que des personnes soutenant la liste de M. C se sont tenues à proximité de certains bureaux de vote le jour du scrutin et ont invité des électeurs à voter pour la liste qu'il conduisait, il n'est pas établi que ces comportements auraient été accompagnés de pressions sur les électeurs et auraient été de nature à altérer les résultats du scrutin ; que l'agression d'un colistier de M. A, le 9 mars 2008, pour regrettable qu'elle soit, ne peut davantage, en l'espèce, être regardée comme une pression exercée sur les électeurs ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Cergy-Pontoise s'est fondé sur les motifs rappelés ci-dessus pour annuler les opérations électorales qui se sont déroulées les 9 et 16 mars 2008 dans la commune d'Aulnay-sous-Bois ;

Considérant qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres griefs invoqués dans les protestations de M. B et de M. Bessaouya ;

Sur les griefs relatifs à la campagne électorale :

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que l'ouverture de fenêtres publicitaires lors de la connexion sur le site internet ouvert par M. C était le fait d'une société qui proposait de manière indifférenciée à tous les sites la fourniture gratuite de services sur l'internet et qui se rémunérait par ces publicités ; qu'elle n'a pas constitué un avantage spécifique au bénéfice de M. C et ne saurait par suite être regardée comme un don d'une personne morale au sens de l'article L. 52-8 du code électoral ;

Considérant, en deuxième lieu, que, si M. B soutient qu'un don de 750 euros a été effectué par une entreprise au bénéfice de la coopérative d'une école de la commune, il n'apporte aucun commencement de preuve, tiré notamment de ce qu'un lien entre la liste conduite par M. C et l'entreprise donatrice aurait été porté à la connaissance des électeurs, de ce que ce don aurait été fait dans le but d'inciter les parents d'élèves à voter pour cette liste ; que ce don ne peut, par suite, être regardé, ni comme un don d'une personne morale en vue de contribuer à la propagande électorale de la liste, ni comme constitutif d'une pression exercée sur les électeurs ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de l'instruction que, contrairement à ce que soutient M. GAUDRON, les frais d'organisation de la réunion publique du 18 janvier 2008 ont été pris en charge par l'association pour le financement de la campagne de la liste de M. C ; qu'il n'est en outre pas établi que la diffusion des invitations aurait été prise en charge par le conseil général de Seine-Saint-Denis ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'en procédant ou faisant procéder à la diffusion de tracts les 8 et 15 mars 2008, les membres la liste de M. C n'ont pas méconnu les dispositions de l'article L. 49 du code électoral ; qu'il résulte de l'instruction que ces tracts ne comportaient pas d'élément nouveau dans la campagne électorale auquel M. B, du fait de la date de leur diffusion, n'aurait pas été en mesure de répondre ;

Considérant, en cinquième lieu, que si des affichettes à caractère polémique visant M. B ont été apposées avant le premier tour sur le mobilier urbain ou des panneaux électoraux en méconnaissance des dispositions de l'article L.51 du code électoral, cet affichage, dont il n'est pas établi qu'il ait revêtu un caractère massif et qui ne faisait que reprendre un élément de polémique antérieurement avancé dans la campagne, pour regrettable qu'il soit, ne peut être regardé comme ayant pu avoir un effet sur la sincérité du scrutin ;

Considérant, en sixième lieu, que, si M B soutient qu'un tract diffusé entre les deux tours par M. C présentait un caractère diffamatoire à son encontre, il résulte de l'instruction que ce document ne faisait que reprendre une information diffusée par la presse et confirmée par un communiqué de l'ASSEDIC de l'Est francilien ;

Considérant, en septième lieu, que des appels téléphoniques intervenus après la clôture de la campagne électorale du second tour auprès d'électeurs s'étant abstenus lors du premier tour afin de les inciter à voter, ne constituent pas, par eux-mêmes, des moyens de pression de nature à fausser les résultats du scrutin ;

Sur les griefs relatifs aux opérations électorales :

Considérant, en premier lieu, que les griefs tirés de l'irrégularité de certains émargements et de certaines procurations n'ont été soulevés par M.B dans le délai de saisine du juge que dans des termes généraux, sans mention des bureaux de vote concernés ni des électeurs dont les suffrages étaient contestés ; que ces éléments n'ont été apportés qu'après l'expiration du délai de protestation ; que, par suite, ces griefs sont irrecevables ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction que, dans plusieurs bureaux, le nombre de suffrages comptabilisés par les machines à voter est différent de celui des émargements ; que, dans les bureaux 9 et 12, les mentions portées au procès-verbal du bureau peuvent être regardées comme justifiant ces différences ; qu'en revanche, d'une part, dans les bureaux n°2, 6, 14, 20, 23, 24, 32, 37, 43 et 48, un nombre de votants supérieur au nombre d'émargements a été comptabilisé pour un total de quinze voix et, d'autre part, dans les bureaux n° 8, 16, 33, 34, 35, 36, 38, le nombre de votants comptabilisé est inférieur de sept au nombre d'émargements ; qu'enfin dans le bureau n° 9 le vote d'un électeur doit être regardé comme irrégulier pour avoir été effectué avec l'intervention d'un membre du bureau de vote ; qu'il appartient au juge de l'élection de tirer les conséquences des irrégularités commises au cours du scrutin, en rectifiant, le cas échéant, les résultats de l'élection ; que, toutefois, eu égard à l'écart de 204 voix entre les deux listes, une telle rectification est, en l'espèce, sans incidence sur le résultat du scrutin ;

Considérant, en troisième lieu, que, s'il résulte de l'instruction que des incidents relatifs à la mise en oeuvre des machines à voter ont été mentionnés aux procès-verbaux de différents bureaux de vote, M. A, qui se borne à les mentionner, n'indique pas en quoi ils auraient été de nature à affecter la sincérité du scrutin ;

Sur le grief relatif au financement de la campagne électorale de M. C :

Considérant que, dans sa protestation devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, présentée le 21 mars 2008, M. B s'est borné à évoquer des dépenses engagées pour l'élection ne figurant pas dans le compte de campagne , sans citer aucune catégorie de dépense ; qu'ainsi, il n'a pas assorti ce grief de précisions suffisantes ; que si, dans son mémoire complémentaire enregistré le 21 avril 2008, soit après l'expiration du délai de protestation, il a présenté une argumentation complémentaire, ce grief, qui n'est pas d'ordre public, était tardif et n'était pas recevable ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé les opérations électorales qui se sont déroulées les 9 et 16 mars 2008 dans la commune d'Aulnay-sous-Bois ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. C qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme demandée par M. B au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. C au titre des mêmes dispositions ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise en date du 24 septembre 2008 est annulé.

Article 2 : Les protestations présentées par M. B et M. A devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise sont rejetées.

Article 3 : Les opérations électorales qui se sont déroulées les 9 et 16 mars 2008 dans la commune d'Aulnay-sous-Bois sont validées.

Article 4 : Les conclusions présentées par M. C et par M. B et M. A au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Gérard C, à M. Gérard B, à M. Rezzak A et à la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 15 mai. 2009, n° 322120
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: M. Frédéric Gueudar Delahaye
Rapporteur public ?: M. Glaser Emmanuel
Avocat(s) : SCP PIWNICA, MOLINIE

Origine de la décision
Formation : 3ème et 8ème sous-sections réunies
Date de la décision : 15/05/2009
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 322120
Numéro NOR : CETATEXT000020869090 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2009-05-15;322120 ?
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