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18/05/2009 | FRANCE | N°296266

France | France, Conseil d'État, 8ème et 3ème sous-sections réunies, 18 mai 2009, 296266


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 7 août et 8 décembre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE MJM, représentée par Me Alain A, commissaire à l'exécution du plan de cession, demeurant ... ; la SOCIETE MJM demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 17 mai 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 30 octobre 2003 du tribunal administratif de Rennes rejetant sa demande tendant à la décharge du rappel de taxe sur la

valeur ajoutée mis à sa charge au titre du mois de décembre 1994 à raiso...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 7 août et 8 décembre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE MJM, représentée par Me Alain A, commissaire à l'exécution du plan de cession, demeurant ... ; la SOCIETE MJM demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 17 mai 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 30 octobre 2003 du tribunal administratif de Rennes rejetant sa demande tendant à la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre du mois de décembre 1994 à raison de la cession d'un immeuble à la communauté urbaine de Brest, ainsi que des pénalités correspondantes ;

2°) réglant l'affaire au fond, de lui accorder la décharge demandée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 7 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Eliane Chemla, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Gaschignard, avocat de la SOCIETE MJM,

- les conclusions de M. Laurent Olléon, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Gaschignard, avocat de la SOCIETE MJM ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité de la SOCIETE MJM qui exerçait une activité de promotion immobilière, l'administration fiscale lui a notifié un rappel de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 1992 au 31 décembre 1994 résultant de la réintégration de la taxe déduite au titre de travaux effectués sur un ensemble immobilier vendu le 8 décembre 1994 à la communauté urbaine de Brest ; que la société qui a contesté ce rappel demande l'annulation de l'arrêt du 17 mai 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a confirmé le jugement du tribunal administratif de Rennes du 30 octobre 2003 rejetant sa demande en décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des intérêts de retard correspondants ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;

Considérant, d'une part, que l'article 1042 du code général des impôts exonère, sous réserve des dispositions du 7° de l'article 257 du même code, les acquisitions immobilières faites par les collectivités locales ; qu'en vertu des dispositions du 7° de l'article 257 du code général des impôts, sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les opérations qui portent sur des immeubles ; qu'aux termes du 1 du I de l'article 271 du même code: La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération ;

Considérant, d'autre part, que la documentation administrative de base référencée 8 A 1141 dans sa rédaction applicable à la période d'imposition, admet, dans son paragraphe 5, que les acquisitions faites par les collectivités locales et leurs établissements publics exonérées des droits d'enregistrement mentionnés à l'article 1042 du code général des impôts peuvent être effectuées en franchise de taxe sur la valeur ajoutée et précise que néanmoins, lorsqu'elles y ont intérêt, les parties peuvent renoncer à l'exonération. Il en est ainsi lorsque le cédant entend récupérer la taxe sur la valeur ajoutée afférente aux travaux qu'il a réalisés ;

Considérant que la circonstance qu'un contribuable a entendu bénéficier d'une exonération non prévue par la loi mais admise par l'administration dans ses instructions ou documents publiés équivalents sans respecter une condition indissociablement liée à cette exonération et contraire elle-même à la loi ne peut autoriser l'administration qu'à dénier à ce contribuable le droit de se prévaloir de cette exonération et, en conséquence, à le soumettre aux modalités d'imposition fixées par la loi, l'illégalité de la condition à laquelle l'intéressé ne s'est pas conformé faisant, en revanche, obstacle à tout redressement consistant à lui faire application de cette condition ; qu'il s'ensuit que la circonstance que le vendeur a déduit la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les travaux effectués sur son ensemble immobilier, alors qu'une telle déduction est exclue par la documentation administrative de base précitée en cas d'option pour le régime d'exonération de la vente du bien, si elle permettait à l'administration d'imposer cette vente, ne l'autorisait pas à priver le contribuable du droit à déduction qu'il tirait des dispositions du 1 du I de l'article 271 du code général des impôts, en réintégrant la taxe sur la valeur ajoutée qu'il avait déduite ou dont il avait demandé le remboursement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que si la vente consentie le 8 décembre 1994 par la SOCIETE MJM à la communauté urbaine de Brest entrait dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée, les parties à l'acte de vente ont demandé à bénéficier de l'exonération de la taxe prévue par la documentation administrative de base précitée, sans, toutefois, que la SOCIETE MJM ait procédé à la réintégration de la taxe déduite à l'occasion de la réalisation de travaux effectués sur l'ensemble immobilier ; que, dans ces conditions, alors même que les énonciations de la documentation administrative de base formaient un ensemble indivisible qu'il incombait au contribuable qui s'en prévalait de respecter, la cour a commis une erreur de droit en remettant en cause le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée de la SOCIETE MJM ; que, dès lors, la société requérante est fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Considérant qu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l'affaire au fond ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;

Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que l'administration fiscale ne pouvait remettre en cause les droits à déduction de la SOCIETE MJM ; qu'il y a lieu, en conséquence, d'annuler le jugement du tribunal administratif et de décharger la société des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge ainsi que des intérêts de retard correspondants ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre des frais engagés par la société et non compris dans les dépens tant devant le Conseil d'Etat que devant la cour et le tribunal administratif ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 17 mai 2006 de la cour administrative d'appel de Nantes et le jugement du 30 octobre 2003 du tribunal administratif de Rennes sont annulés.

Article 2 : La SOCIETE MJM est déchargée des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 1992 au 31 décembre 1994 ainsi que des intérêts de retard correspondants.

Article 3 : L'Etat versera à la SOCIETE MJM une somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE MJM, représentée par Me Alain A et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

COLLECTIVITÉS TERRITORIALES - DISPOSITIONS GÉNÉRALES - BIENS DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES - REMISE DES BIENS - ACQUISITION DE BIENS IMMOBILIERS - RÉGIME OPTIONNEL D'EXONÉRATION DE TVA PRÉVU PAR LA DOCTRINE ADMINISTRATIVE (INSTRUCTION DU 22 FÉVRIER 1983 - DB 8-A 1151 N° 5) - OPTION SOUMISE À LA CONDITION QUE LE CÉDANT RENONCE À DÉDUIRE LA TAXE SUPPORTÉE - CONDITION CONTRAIRE À LA LOI - CONSÉQUENCE - 1) POSSIBILITÉ POUR UNE COLLECTIVITÉ DONT LE COCONTRACTANT NE RESPECTE PAS CETTE CONDITION DE SE PRÉVALOIR DE LA DOCTRINE - ABSENCE - 2) POSSIBILITÉ POUR L'ADMINISTRATION D'OPÉRER UN REDRESSEMENT CONSISTANT À FAIRE APPLICATION DE CETTE CONDITION AU CÉDANT - ABSENCE [RJ1] [RJ2].

135-01-03-01 Une instruction de l'administration fiscale du 22 février 1983 (reprise dans la documentation administrative de base 8-A 1151 n° 5 à jour au 15 novembre 2001) permet aux collectivités locales de placer leurs acquisitions d'immeubles exonérées de droits d'enregistrement en application de l'article 1042 du code général des impôts (CGI) sous un régime d'exonération de taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Toutefois, l'application de cette instruction est subordonnée à la condition que le cédant renonce à déduire la taxe qu'il a supportée pour la réalisation de cette opération. 1) La méconnaissance de cette condition contraire à la loi ne peut autoriser l'administration qu'à dénier à la collectivité le droit de se prévaloir de l'exonération de TVA et, en conséquence, à soumettre l'opération d'acquisition d'immeuble à cette taxe, conformément à la loi fiscale. 2) Elle ne l'autorise pas à remettre en cause les déductions de TVA légalement opérées par le cédant.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GÉNÉRALITÉS - TEXTES FISCAUX - OPPOSABILITÉ DES INTERPRÉTATIONS ADMINISTRATIVES (ART - L - 80 A DU LIVRE DES PROCÉDURES FISCALES) - CONDITION POSÉE PAR LA DOCTRINE ADMINISTRATIVE POUR BÉNÉFICIER D'UNE EXONÉRATION QU'ELLE PRÉVOIT ET CONTRAIRE À LA LOI - 1) POSSIBILITÉ POUR UN CONTRIBUABLE NE RESPECTANT PAS CETTE CONDITION DE SE PRÉVALOIR DE LA DOCTRINE - ABSENCE - 2) POSSIBILITÉ POUR L'ADMINISTRATION D'OPÉRER UN REDRESSEMENT CONSISTANT À FAIRE APPLICATION AU CONTRIBUABLE DE CETTE CONDITION - ABSENCE - [RJ1] 3) APPLICATION AU CAS DU RÉGIME OPTIONNEL D'EXONÉRATION DE TVA OUVERT EN FAVEUR DES ACQUISITIONS IMMOBILIÈRES DES COLLECTIVITÉS LOCALES (INSTRUCTION DU 22 FÉVRIER 1983 - DB 8-A 1151 N° 5) [RJ2].

19-01-01-03 1) La circonstance qu'un contribuable a entendu bénéficier d'une exonération non prévue par la loi mais admise par l'administration dans ses instructions ou documents publiés équivalents sans respecter une condition indissociablement liée à cette exonération et contraire elle-même à la loi ne peut autoriser l'administration qu'à dénier à ce contribuable le droit de se prévaloir de cette exonération et, en conséquence, à le soumettre aux modalités d'imposition fixées par la loi. 2) L'illégalité de la condition à laquelle l'intéressé ne s'est pas conformé fait, en revanche, obstacle à tout redressement consistant à lui faire application de cette condition. 3) Une instruction de l'administration fiscale du 22 février 1983 (reprise dans la documentation administrative de base 8-A 1151 n° 5 à jour au 15 novembre 2001) permet aux collectivités locales de placer leurs acquisitions d'immeubles exonérées de droits d'enregistrement en application de l'article 1042 du code général des impôts (CGI) sous un régime d'exonération de taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Toutefois, l'application de cette instruction est subordonnée à la condition que le cédant renonce à déduire la taxe qu'il a supportée pour la réalisation de cette opération. La méconnaissance de cette condition contraire à la loi ne peut autoriser l'administration qu'à dénier à la collectivité le droit de se prévaloir de l'exonération de TVA et, en conséquence, à soumettre l'opération d'acquisition d'immeuble à cette taxe, conformément à la loi fiscale ; elle ne l'autorise pas à remettre en cause les déductions de TVA légalement opérées par le cédant.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - TAXES SUR LE CHIFFRE D'AFFAIRES ET ASSIMILÉES - TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE - EXEMPTIONS ET EXONÉRATIONS - EXONÉRATION PRÉVUE PAR LA DOCTRINE ADMINISTRATIVE - RÉGIME OPTIONNEL D'EXONÉRATION DE LEURS ACQUISITIONS IMMOBILIÈRES OUVERT AU BÉNÉFICE DES COLLECTIVITÉS LOCALES (INSTRUCTION DU 22 FÉVRIER 1983 - DB 8-A 1151 N° 5) - OPTION SOUMISE À LA CONDITION QUE LE CÉDANT RENONCE À DÉDUIRE LA TAXE SUPPORTÉE - CONDITION CONTRAIRE À LA LOI - CONSÉQUENCE - 1) POSSIBILITÉ POUR UNE COLLECTIVITÉ DONT LE COCONTRACTANT NE RESPECTE PAS CETTE CONDITION DE SE PRÉVALOIR DE LA DOCTRINE - ABSENCE - 2) POSSIBILITÉ POUR L'ADMINISTRATION D'OPÉRER UN REDRESSEMENT CONSISTANT À FAIRE APPLICATION DE CETTE CONDITION AU CÉDANT - ABSENCE [RJ1] [RJ2].

19-06-02-02 Une instruction de l'administration fiscale du 22 février 1983 (reprise dans la documentation administrative de base 8-A 1151 n° 5 à jour au 15 novembre 2001) permet aux collectivités locales de placer leurs acquisitions d'immeubles exonérées de droits d'enregistrement en application de l'article 1042 du code général des impôts (CGI) sous un régime d'exonération de taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Toutefois, l'application de cette instruction est subordonnée à la condition que le cédant renonce à déduire la taxe qu'il a supportée pour la réalisation de cette opération. 1) La méconnaissance de cette condition contraire à la loi ne peut autoriser l'administration qu'à dénier à la collectivité le droit de se prévaloir de l'exonération de TVA et, en conséquence, à soumettre l'opération d'acquisition d'immeuble à cette taxe, conformément à la loi fiscale. 2) Elle ne l'autorise pas à remettre en cause les déductions de TVA légalement opérées par le cédant.


Références :

[RJ1]

Cf. 25 février 2004, Sté française de réassurances, n° 222904, p. 83.,,

[RJ2]

Cf. décision du même jour, Min. c/ Sté SAEM Reims Développement, n° 307711, inédite au Recueil, RJF 8-9/09 n° 769.


Publications
Proposition de citation: CE, 18 mai. 2009, n° 296266
Mentionné aux tables du recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Vigouroux
Rapporteur ?: Mme Eliane Chemla
Rapporteur public ?: M. Olléon Laurent
Avocat(s) : SCP GASCHIGNARD

Origine de la décision
Formation : 8ème et 3ème sous-sections réunies
Date de la décision : 18/05/2009
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 296266
Numéro NOR : CETATEXT000020868749 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2009-05-18;296266 ?
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