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18/05/2009 | FRANCE | N°300279

France | France, Conseil d'État, 8ème et 3ème sous-sections réunies, 18 mai 2009, 300279


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 2 janvier et 6 mars 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. André A, demeurant ...; M. A demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 24 octobre 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement du 11 mars 2003 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne rejetant sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités y afférentes mis à la charge du GIE Air D

veloppement Européen au titre de la période allant du 1er janvier ...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 2 janvier et 6 mars 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. André A, demeurant ...; M. A demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 24 octobre 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement du 11 mars 2003 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne rejetant sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités y afférentes mis à la charge du GIE Air Développement Européen au titre de la période allant du 1er janvier 1991 au 31 décembre 1992 et au paiement desquels il a été recherché en sa qualité de débiteur solidaire, d'autre part, à ce que lui soit accordée la décharge de cette obligation ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jérôme Michel, Maître des Requêtes,

- les observations de Me Odent, avocat de M. A,

- les conclusions de M. Laurent Olléon, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à Me Odent, avocat de M. A ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le groupement d'intérêt économique Air développement européen (GIE ADE) a fait l'objet, en 1994, d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 1991 au 31 décembre 1993 ; que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ont été mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 1991 au 31 décembre 1992, motivés, d'une part, par la remise en cause de la déduction de la taxe ayant grevé des dépenses de maintenance de l'avion exploité par le GIE et s'élevant à 543 176 F en 1991 et 30 508 F en 1992, d'autre part, en ce qui concerne exclusivement la période du 1er janvier au 31 décembre 1992, par l'inclusion dans la taxe collectée par le GIE d'une somme de 1 172 624 F facturée mais non reversée au Trésor ; qu'après la mise en recouvrement de ces rappels, assortis d'intérêts de retard et, en ce qui concerne la période correspondant à l'année 1992, d'une pénalité de 40 % pour défaut de déclaration, le comptable public chargé de leur recouvrement, ayant constaté que les poursuites entreprises à l'encontre du groupement redevable restaient infructueuses, a mis en demeure M. A, en tant que membre du groupement responsable indéfiniment et solidairement de ses dettes, de les acquitter ; que la réclamation soumise par M. A au directeur des services fiscaux, par laquelle il contestait le bien-fondé de ces impositions supplémentaires, a été transmise d'office au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne qui, par jugement du 11 mars 2003, l'a rejetée ; que, sur appel de M. A, la cour administrative d'appel de Nancy a confirmé ce jugement, par un arrêt en date du 24 octobre 2006 contre lequel M. A se pourvoit en cassation ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A a produit, en annexe au mémoire enregistré le 3 novembre 2005 au greffe de la cour administrative d'appel, un extrait complet du registre du commerce et des sociétés en date du 28 septembre 2005 mentionnant M. Christian Pays en tant qu'administrateur du GIE ADE depuis l'immatriculation de ce dernier le 14 mars 1990 ; qu'en se bornant à juger que cette pièce n'établissait pas que M. Pays avait, à l'époque du contrôle exercé par l'administration fiscale sur le GIE, la qualité d'administrateur du groupement sans indiquer les raisons pour lesquelles elle retenait ce motif, la cour a entaché son arrêt d'insuffisance de motivation ; que M. A est fondé, pour ce motif et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de son pourvoi, à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l'affaire au fond ;

Considérant que M. A a, dans le délai d'appel, présenté à la cour administrative d'appel une requête par laquelle il entendait contester le jugement rendu par le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne le 11 mars 2003, en soulevant à l'appui de sa demande des moyens qu'il n'avait pas invoqués devant les premiers juges ; que cette critique ne consistait donc pas en la seule reproduction littérale de l'argumentation présentée devant les juges de première instance ; que, par suite, la fin de non-recevoir soulevée par l'administration, tirée de ce que la requête d'appel de M. A ne contiendrait l'exposé d'aucun moyen, n'est pas fondée ;

Considérant que le moyen par lequel M. A conteste sa qualité de débiteur solidaire des montants de taxe litigieux est, en tout état de cause, inopérant dans le cadre du présent litige, qui est relatif à l'assiette de ces impositions ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la procédure d'imposition en litige : Un examen contradictoire de l'ensemble de la situation fiscale personnelle d'une personne physique au regard de l'impôt sur le revenu ou une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. / Cet avis doit préciser les années soumises à vérification et mentionner expressément, sous peine de nullité de la procédure, que le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration a fait parvenir, par lettre du 31 mai 1994, un avis de vérification à l'adresse du siège social du GIE, qui lui a été retourné sans avoir pu être délivré à son destinataire ; qu'elle a ensuite renouvelé cet envoi en l'adressant au GIE ADE, sous couvert de la SARL EWA, qui en a accusé réception ; que la vérification de comptabilité du GIE s'est ensuite déroulée dans les locaux de cette société et a pu donner lieu à consultation de la comptabilité du groupement par le vérificateur ; que la notification de redressement indiquant les conséquences de cette vérification, qui a été expédiée par l'administration dans les mêmes conditions, a fait l'objet d'observations adressées au nom du GIE par la SARL EWA, en tant qu'administrateur du groupement, et appuyées par la production de factures émises par le groupement ; que la SARL EWA a indiqué elle-même, dans ses observations, qu'il avait été mis fin aux fonctions du précédent administrateur du GIE en juillet 1993 ; que, dans ces conditions, l'administration a pu, sans irrégularité, notifier l'avis de vérification de la comptabilité du GIE à la SARL EWA, qu'elle a regardée à bon droit comme gérant du groupement, en écartant l'apparence créée par les circonstances tirées de ce que l'administrateur nommé au moment de sa création, d'une part, avait signé les dernières déclarations de chiffre d'affaires parvenues à l'administration, portant sur les trois premiers trimestres de l'année 1992, d'autre part, figurait toujours au registre du commerce et des sociétés comme l'administrateur en titre du groupement ;

Sur le bien-fondé des rappels de taxe litigieux :

En ce qui concerne la taxe facturée :

Considérant que le moyen tiré de ce que les opérations réalisées par le GIE au titre de la période correspondant à l'année 1992 ne devaient pas être soumises à la taxe sur la valeur ajoutée, au motif que l'un de ses clients était une société de transport public bénéficiant de l'exonération de la taxe sur la valeur ajoutée et que les autres clients utilisaient l'avion que le groupement leur louait pour des vols effectués hors de France et par suite exonérés n'est, en tout état de cause, pas assorti des précisions nécessaires pour en apprécier le bien-fondé ;

En ce qui concerne la taxe déduite :

Considérant qu'aux termes de l'article 237 de l'annexe II au code général des impôts, applicable à la période d'imposition en litige : Les véhicules ou engins, quelle que soit leur nature, conçus pour transporter des personnes ou à usages mixtes, qui constituent une immobilisation ou, dans le cas contraire, lorsqu'ils ne sont pas destinés à être revendus à l'état neuf, n'ouvrent pas droit à déduction. / Il en est de même des éléments constitutifs, des pièces détachées et accessoires de ces véhicules et engins. / Toutefois, cette exclusion ne concerne pas (...) / Les véhicules ou engins acquis par les entreprises de transports publics de voyageurs et affectés de façon exclusive à la réalisation desdits transports ; qu'aux termes de l'article 242 de la même annexe, également applicable à la période d'imposition en litige : Les exclusions prévues aux articles 236 et 237 ne sont pas applicables aux biens donnés en location, sous réserve que la location soit soumise à la taxe sur la valeur ajoutée (...) ;

Considérant qu'il résulte des factures produites au cours de l'instruction que le GIE exploitait l'avion de type King 200 dont il était propriétaire en le mettant à disposition de ses clients par le biais de contrats de location coque nue ; que cependant, dans certains cas, il a procédé également à la facturation de prestations pilotes ; que, dans le cas de deux factures, sont en outre inclus dans le prix des prestations fournies par le GIE des repas dispensés aux passagers ; que la circonstance que le groupement ait ainsi fourni, de manière ponctuelle, des prestations annexes à la location de son appareil ne suffit pas, à elle seule, à faire obstacle à ce que cet appareil soit regardé comme exploité dans le cadre d'un louage de choses et, par suite, à ce qu'il soit qualifié de bien donné en location, au sens et pour l'application de l'article 242 de l'annexe II au code général des impôts précité ; que, par suite, M. A est fondé, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés sur ce point dans sa requête, à demander la déduction de la taxe ayant grevé les dépenses de maintenance de l'avion exploité par le GIE ADE, soit un montant de 543 176 F (82 806,65 euros) au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 1991 et 30 508 F (4 650,91 euros) au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 1992 ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande en décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels le GIE ADE a été assujetti, en tant qu'ils portaient sur les montants de taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les dépenses de maintenance de l'avion exploité par le GIE au cours de la période du 1er janvier 1991 au 31 décembre 1992, ainsi que des intérêts de retard et de la pénalité de 40 % dont les droits correspondants ont été assortis ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. A d'une somme de 1 000 euros ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy en date du 24 octobre 2006 est annulé.

Article 2 : Le groupement d'intérêt économique Air développement européen est déchargé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels il a été assujetti au titre de la période du 1er janvier 1991 au 31 décembre 1992, à hauteur de 543 176 F (82 806,65 euros) au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 1991 et 30 508 F (4 650,91 euros) au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 1992, ainsi que des intérêts de retard dont ils ont été assortis et, en ce qui concerne la seconde de ces sommes, de la pénalité de 40 % correspondante, et dont le paiement a été réclamé à M. A.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne en date du 11 mars 2003 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 4 : L'Etat versera à M. A une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions présentées par M. A devant la cour administrative d'appel est rejeté.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. André A et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02-08-03-01 CONTRIBUTIONS ET TAXES. TAXES SUR LE CHIFFRE D'AFFAIRES ET ASSIMILÉES. TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE. LIQUIDATION DE LA TAXE. DÉDUCTIONS. BIENS OU SERVICES OUVRANT DROIT À DÉDUCTION. - EXCLUSION - VÉHICULES DE TRANSPORT DE PASSAGERS INSCRITS EN IMMOBILISATIONS (ANCIEN ART. 237 DE L'AN. II AU CGI) - EXCEPTION - VÉHICULES DONNÉS EN LOCATION (ANCIEN ART. 242 DE LA MÊME ANNEXE) - INCLUSION - AVION LÉGER MIS À DISPOSITION DANS LE CADRE DE LOCATIONS COQUE NUE , ALORS MÊME QUE CELLES-CI S'ACCOMPAGNENT, PONCTUELLEMENT, DE PRESTATIONS ANNEXES.

19-06-02-08-03-01 En application de l'article 237 de l'annexe II au code général des impôts (CGI), alors en vigueur, la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) ayant grevé l'achat de véhicules de transport de personnes immobilisés dans les comptes de l'entreprise ne peut faire l'objet de déduction. Toutefois, l'article 242 de la même annexe, alors en vigueur, précise que cette exclusion du droit à déduction ne s'applique pas aux biens donnés en location , sous réserve que la location soit elle-même soumise à la TVA. Entreprise propriétaire d'un avion de transport léger de passagers mis à disposition de ses clients dans le cadre de contrats de location coque nue . La fourniture par cette entreprise, de manière ponctuelle, de prestations annexes (pilotage, repas) ne suffit pas, à elle seule, à faire obstacle à ce que cet appareil soit regardé comme exploité dans le cadre d'un louage de choses et, par suite, à ce qu'il soit qualifié de bien donné en location au sens de l'article 242 de l'annexe II.


Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 18 mai. 2009, n° 300279
Mentionné aux tables du recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Vigouroux
Rapporteur ?: M. Jérôme Michel
Rapporteur public ?: M. Olléon Laurent
Avocat(s) : ODENT

Origine de la décision
Formation : 8ème et 3ème sous-sections réunies
Date de la décision : 18/05/2009
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 300279
Numéro NOR : CETATEXT000021164436 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2009-05-18;300279 ?
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