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18/05/2009 | FRANCE | N°322087

France | France, Conseil d'État, 8ème et 3ème sous-sections réunies, 18 mai 2009, 322087


Vu la requête, enregistrée le 31 octobre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Dominique B, demeurant ...... ; M. B demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 3 octobre 2008 par lequel le tribunal administratif de Versailles, saisi par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques de l'irrégularité du compte de campagne de M. B, tête de liste à l'élection municipale du 9 mars 2008 dans la commune de Trappes (78190), l'a déclaré inéligible en qualité de conseiller municipal de cette commune po

ur une durée d'un an à compter de la date à laquelle le jugement ser...

Vu la requête, enregistrée le 31 octobre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Dominique B, demeurant ...... ; M. B demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 3 octobre 2008 par lequel le tribunal administratif de Versailles, saisi par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques de l'irrégularité du compte de campagne de M. B, tête de liste à l'élection municipale du 9 mars 2008 dans la commune de Trappes (78190), l'a déclaré inéligible en qualité de conseiller municipal de cette commune pour une durée d'un an à compter de la date à laquelle le jugement sera devenu définitif, a annulé son élection et a proclamé élu M. Mohammed A en qualité de conseiller municipal ;

2°) de rejeter la saisine de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques ;

3°) de juger qu'il n'y a pas lieu de prononcer sa démission d'office et son inéligibilité pour un an ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code électoral ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Patrick Quinqueton, Conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 52-15 du code électoral : La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques approuve et, après procédure contradictoire, rejette ou réforme les comptes de campagne. Elle arrête le montant du remboursement forfaitaire prévu à l'article L. 52-11-1. (...) Lorsque la commission a constaté que le compte de campagne n'a pas été déposé dans le délai prescrit, si le compte a été rejeté ou si, le cas échéant après réformation, il fait apparaître un dépassement du plafond des dépenses électorales, la commission saisit le juge de l'élection. ; qu'aux termes de l'article L. 52-12 du même code : Au plus tard avant 18 heures le neuvième vendredi suivant le tour de scrutin où l'élection a été acquise, chaque candidat ou candidat tête de liste présent au premier tour dépose à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques son compte de campagne et ses annexes, présentés par un membre de l'ordre des experts comptables et des comptables agréés et accompagné des justificatifs de ses recettes ainsi que des factures, devis et autres documents de nature à établir le montant des dépenses payées ou engagées par le candidat ou pour son compte ; qu'aux termes de l'article L. 118-3 de ce code : Saisi par la commission instituée par l'article L. 52-14, le juge de l'élection peut déclarer inéligible pendant un an le candidat dont le compte de campagne, le cas échéant après réformation, fait apparaître un dépassement du plafond des dépenses électorales. / Dans les autres cas, le juge de l'élection peut ne pas prononcer l'inéligibilité du candidat dont la bonne foi est établie, ou relever le candidat de cette inéligibilité. / Si le juge de l'élection a déclaré inéligible un candidat proclamé élu, il annule son élection ou, si l'élection n'a pas été contestée, le déclare démissionnaire d'office ;

Considérant qu'à la suite des opérations électorales qui se sont déroulées le 9 mars 2008 pour la désignation des conseillers municipaux de la commune de Trappes (Yvelines), la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, par décision du 26 juin 2008, a rejeté le compte de campagne de M. B, qui conduisait la liste Les Trappistes d'abord, construisons à gauche, au motif que ce compte n'avait pas été présenté par un membre de l'ordre des experts comptables et des comptables agréés et, en application des dispositions de l'article L. 52-15 du code électoral, a saisi le tribunal administratif de Versailles ; que le tribunal, par un jugement en date du 3 octobre 2008, a déclaré M. B inéligible en qualité de conseiller municipal de Trappes pour une durée d'un an, a annulé son élection en cette qualité et proclamé élu M. Mohamed C, premier candidat non élu de la même liste ; que M. B fait appel de ce jugement devant le Conseil d'Etat ;

Considérant que si, en présence d'un compte de campagne qui n'est pas présenté par un membre de l'ordre des experts comptables et des comptables agréés, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques n'est pas tenue d'inviter le candidat à en régulariser la présentation, elle doit, en revanche, dès lors qu'elle ne s'est pas encore prononcée sur la validité de ce compte, accéder à la demande de régularisation de l'intéressé si celui-ci propose d'y procéder ;

Considérant qu'il est constant que le compte de campagne de M. B, candidat tête de liste à l'élection municipale dans la commune de Trappes, n'a pas, lors de son dépôt à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, été présenté par un membre de l'ordre des experts comptables et des comptables agréés, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 52-12 précité du code électoral ; que M. B n'a pas procédé à la régularisation de cette formalité substantielle avant que la commission ne se prononce sur son compte de campagne ; que c'est, par suite, à bon droit que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté le compte de campagne de M. B ;

Considérant, toutefois, qu'il résulte de l'instruction, et notamment des documents produits devant le Conseil d'Etat, que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, après avoir accusé réception le 13 mai 2008 de la transmission par le candidat de son compte de campagne, a fait observer à celui-ci par courrier en date du 18 mai que son compte n'était pas présenté par un membre de l'ordre des experts comptables et des comptables agréés, en violation des dispositions de l'article L. 52-12 du code électoral ; qu'un expert comptable désigné par le candidat a alors fait connaître à la commission, par lettre du 6 juin 2008, qu'il était disponible, conformément aux instructions qui lui avaient été données par le candidat, pour présenter le compte dans les conditions fixées par la commission ; qu'en réponse aux observations de la commission sur son compte de campagne, le candidat a, par courrier en date du 11 juin 2008, confirmé qu'il avait chargé un cabinet d'experts comptables du soin de régulariser la présentation de son compte ; que le rapporteur près la commission lui a répondu qu'il proposerait cependant le rejet du compte faute de présentation par un expert comptable ; que la commission a notifié à M. B le 3 juillet 2008 le rejet de son compte, faute d'être présenté par un membre de l'ordre des experts comptables et des comptables agréés ; qu'il résulte des circonstances ainsi rappelées que ce n'est que parce que la commission a persisté dans son refus de le laisser régulariser la présentation de son compte jusqu'à ce qu'elle statue sur celui-ci que le candidat n'a pas procédé à une telle régularisation ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que le compte de campagne de M. B présente d'autres irrégularités faisant obstacle à ce que sa bonne foi soit retenue ; que, dès lors, M. B est fondé à se prévaloir des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 118-3 du code électoral et à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles l'a déclaré inéligible en qualité de conseiller municipal pour une durée d'un an, a annulé son élection en qualité de conseiller municipal de la commune de Trappes et a proclamé M. A élu en cette qualité ;

D E C I D E :

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Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Versailles du 3 octobre 2008 est annulé.

Article 2 : L'élection de M. B en qualité de conseiller municipal de la commune de Trappes (Yvelines) est validée.

Article 3 : La saisine du tribunal administratif de Versailles par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques est rejetée.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Dominique B, à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, à M. Mohamed A et à la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

28-005-04-02-02 ÉLECTIONS ET RÉFÉRENDUM. DISPOSITIONS GÉNÉRALES APPLICABLES AUX ÉLECTIONS. FINANCEMENT ET PLAFONNEMENT DES DÉPENSES ÉLECTORALES. COMPTE DE CAMPAGNE. PROCÉDURE DE DÉPÔT. - OBLIGATION DE PRÉSENTATION DES COMPTES PAR UN MEMBRE DE L'ORDRE DES EXPERTS-COMPTABLES ET DES COMPTABLES AGRÉÉS (ART. L. 52-12, 2È AL. DU CODE ÉLECTORAL) - POSSIBILITÉ DE RÉGULARISATION DEVANT LA CNCCFP [RJ1] - 1) OBLIGATION POUR LA COMMISSION D'INVITER À RÉGULARISER - ABSENCE [RJ2] - 2) OBLIGATION D'ACCEPTER LA RÉGULARISATION - EXISTENCE - 3) ABSENCE DE RÉGULARISATION TROUVANT SON ORIGINE DANS DES INDICATIONS ERRONÉES DONNÉES PAR LA COMMISSION - CONSÉQUENCES - A) CIRCONSTANCE SANS INCIDENCE SUR LE REJET DU COMPTE - B) RECONNAISSANCE PAR LE JUGE DE L'ÉLECTION DE LA BONNE FOI DU CANDIDAT (ART. L. 118-3, 2È AL. DU CODE ÉLECTORAL), SOUS RÉSERVE DE L'ABSENCE D'AUTRES IRRÉGULARITÉS CONDUISANT À L'ÉCARTER.

28-005-04-02-02 1) En présence d'un compte de campagne qui n'est, en méconnaissance du deuxième alinéa de l'article L. 52-12 du code électoral, pas présenté par un membre de l'ordre des experts comptables et des comptables agréés, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) n'est pas tenue d'inviter le candidat à en régulariser la présentation. 2) En revanche, elle doit, dès lors qu'elle ne s'est pas encore prononcée sur la validité de ce compte, accéder à la demande de régularisation de l'intéressé si celui-ci propose d'y procéder. 3) a) La méconnaissance de l'article L. 52-12 du code électoral entraîne le rejet du compte de campagne, alors même que ce n'est que parce que la commission a persisté dans son refus de le laisser régulariser la présentation de son compte jusqu'à ce qu'elle statue sur celui-ci que le candidat n'a pas procédé à une telle régularisation. b) Dans de telles circonstance, et alors que le compte de campagne litigieux ne présente pas d'autres irrégularités y faisant obstacle, la bonne foi du candidat doit, en application du deuxième alinéa de l'article L. 118-3 du code électoral, être retenue.


Références :

[RJ1]

Cf. 29 juillet 2002, Monka, n°s 239995-240845, T. p. 735.,,

[RJ2]

Cf. 16 décembre 1992, Gaillard et CNCCFP, n°s 135834-139658, T. p. 997.


Publications
Proposition de citation: CE, 18 mai. 2009, n° 322087
Mentionné aux tables du recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Daël
Rapporteur ?: M. Patrick Quinqueton
Rapporteur public ?: Mme Escaut Nathalie

Origine de la décision
Formation : 8ème et 3ème sous-sections réunies
Date de la décision : 18/05/2009
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 322087
Numéro NOR : CETATEXT000020869089 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2009-05-18;322087 ?
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