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19/05/2009 | FRANCE | N°319651

France | France, Conseil d'État, 9ème et 10ème sous-sections réunies, 19 mai 2009, 319651


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 8 août et 8 septembre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par M. Ahamada D, demeurant ... ; M. D demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 10 juin 2008 par lequel le tribunal administratif de Mayotte, sur protestation de M. Haidar C, a annulé les opérations électorales qui se sont déroulées les 9 et 16 mars 2008 pour l'élection des conseillers municipaux dans la commune de Mtsangamouji (Mayotte) ;

2°) de rejeter la protestation de M. Haidar C tendant à

l'annulation des élections municipales de Mtsangamouji des 9 et 16 mars 2008...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 8 août et 8 septembre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par M. Ahamada D, demeurant ... ; M. D demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 10 juin 2008 par lequel le tribunal administratif de Mayotte, sur protestation de M. Haidar C, a annulé les opérations électorales qui se sont déroulées les 9 et 16 mars 2008 pour l'élection des conseillers municipaux dans la commune de Mtsangamouji (Mayotte) ;

2°) de rejeter la protestation de M. Haidar C tendant à l'annulation des élections municipales de Mtsangamouji des 9 et 16 mars 2008 et de confirmer le résultat des élections ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code électoral ;

Vu le décret n° 2008-170 du 22 février 2008 relatif au droit électoral applicable outre-mer ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Karin Ciavaldini, chargée des fonctions de Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de M. Haidar C,

- les conclusions de Mme Claire Legras, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de M. Haidar C ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'à la suite des opérations électorales qui se sont déroulées les 9 et 16 mars 2008 dans la commune de Mtsangamouji (Mayotte), la liste conduite par M. Ahamada D a obtenu 22 des 29 sièges à pourvoir au conseil municipal et celle conduite par M. A les 7 sièges restant à pourvoir ; que M. D demande l'annulation du jugement du 10 juin 2008 par lequel le tribunal administratif de Mayotte a, sur la protestation de M. Haidar C, membre de la liste conduite par M. A, annulé les opérations électorales qui se sont déroulées les 9 et 16 mars 2008 dans la commune de Mtsangamouji ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;

Considérant que M. D avait fait valoir devant le tribunal administratif de Mayotte que la protestation introduite par M. Haidar C était irrecevable, compte tenu des dispositions des articles R. 119 et R. 176-5 du code électoral ; que le tribunal administratif a annulé les opérations électorales qui se sont déroulées les 9 et 16 mars 2008 dans la commune de Mtsangamouji sans répondre à ce moyen en défense, qui n'était pas inopérant ; que le jugement du 10 juin 2008 doit donc être annulé ;

Considérant que le délai imparti au tribunal administratif par l'article R. 120 du code électoral pour statuer sur la protestation de M. Haidar C est expiré ; que, dès lors, il y a lieu pour le Conseil d'Etat de statuer immédiatement sur cette protestation ;

Sur les fins de non-recevoir opposées par M. D :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 119 du code électoral, qui est applicable à la collectivité départementale de Mayotte en vertu de l'article R. 284 du même code : Les réclamations contre les opérations électorales doivent être consignées au procès-verbal, sinon être déposées, à peine d'irrecevabilité, au plus tard à dix-huit heures le cinquième jour qui suit l'élection, à la sous-préfecture ou à la préfecture. Elles sont immédiatement adressées au préfet qui les fait enregistrer au greffe du tribunal administratif. / Les protestations peuvent également être déposées directement au greffe du tribunal administratif dans le même délai. / (...) la notification est faite, dans les trois jours de l'enregistrement de la protestation, aux conseillers dont l'élection est contestée qui sont avisés en même temps qu'ils ont cinq jours pour tout délai à l'effet de déposer leurs défenses au greffe (bureau central ou greffe annexe) du tribunal administratif et de faire connaître s'ils entendent ou non user du droit de présenter des observations orales (...) ; qu'aux termes de l'article R. 289 du code électoral, applicable aux élections à Mayotte et qui reprend les dispositions figurant, antérieurement à l'entrée en vigueur du décret du 22 février 2008 relatif au droit électoral applicable outre-mer, à l'article R. 176-5 du même code : Les protestations formées contre l'une des élections organisées par le présent titre sont déposées, selon la nature de l'élection, soit au greffe du tribunal administratif, soit au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, soit au secrétariat général du Conseil constitutionnel, soit, quelle que soit la nature de l'élection, auprès des services du représentant de l'Etat. Dans ce dernier cas, la requête est marquée d'un timbre indiquant la date de son arrivée et elle est transmise par le représentant de l'Etat au greffe ou au secrétariat de la juridiction compétente. Il en est délivré récépissé à la partie qui le demande ;

Considérant que, contrairement à ce que soutient M. D, ni les dispositions précitées, ni aucune autre disposition législative ou réglementaire applicable au contentieux électoral, n'imposent que la protestation électorale soit déposée au tribunal administratif en autant d'exemplaires que d'élus concernés ; qu'ainsi, la protestation de M. Haidar C, déposée au tribunal administratif de Mayotte le 20 mars 2008, ainsi que l'admet d'ailleurs M. D, n'était pas irrecevable en ce qui concerne la contestation du second tour de l'élection ;

Considérant, en deuxième lieu, que la circonstance que la protestation introduite par M. Haidar C et tendant à l'annulation des deux tours de l'élection des conseillers municipaux de la commune de Mtsangamouji soit tardive en ce qui concerne le premier tour, ne la prive nullement de portée s'agissant de la contestation, formée dans les délais, du second tour de l'élection ;

Considérant, en troisième lieu, que, contrairement à ce que soutient M. D, le grief tiré de la publication irrégulière d'un bilan du conseil municipal figurait dans la protestation de M. Haidar C déposée au tribunal administratif de Mayotte le 20 mars 2008 et n'est donc pas entaché d'irrecevabilité pour avoir été présenté tardivement ;

Sur le grief tiré de la méconnaissance de l'article L. 52-1 du code électoral :

Considérant qu'aux termes du second alinéa de l'article L. 52-1 du code électoral, applicable aux élections à Mayotte : A compter du premier jour du sixième mois précédant le mois au cours duquel il doit être procédé à des élections générales, aucune campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion d'une collectivité ne peut être organisée sur le territoire des collectivités intéressées par le scrutin. Sans préjudice des dispositions du présent chapitre, cette interdiction ne s'applique pas à la présentation, par un candidat ou pour son compte, dans le cadre de l'organisation de sa campagne, du bilan de la gestion des mandats qu'il détient ou qu'il a détenus (...) ; qu'il résulte de l'instruction qu'au cours de la période mentionnée au second alinéa de l'article L. 52-1 du code électoral, il a été procédé, à l'initiative de la liste conduite par le maire sortant, M. D, à la diffusion, en au moins une centaine d'exemplaires, d'une publication de dix-neuf pages intitulée Bilan du conseil municipal 2001-2008 - commune de Mtsangamouji, présentant les réalisations et la gestion de l'équipe municipale sortante sous un angle particulièrement favorable, et comportant de nombreux éléments de polémique électorale portant sur la gestion de la commune par la liste conduite par M. A, lorsqu'elle assumait antérieurement les fonctions municipales ; qu'ainsi, cette publication doit être regardée comme une campagne de promotion publicitaire au sens du second alinéa de l'article L. 52-1 du code électoral, qui, eu égard à l'écart de seulement neuf voix au second tour de scrutin entre la liste conduite par M. D et celle conduite par M. A, a été de nature à vicier les résultats du scrutin ; que, dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres griefs de la protestation, M. Haidar C est fondé à demander l'annulation du second tour des élections organisé le 16 mars 2008 dans la commune de Mtsangamouji ; qu'eu égard au fait qu'aucun candidat n'a été proclamé élu à l'issue du premier tour, il y a lieu d'annuler en totalité les opérations électorales des 9 et 16 mars 2008 dans cette commune ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. Haidar C, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme demandée par M. B devant le tribunal administratif de Mayotte au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : Le jugement du 10 juin 2008 du tribunal administratif de Mayotte est annulé.

Article 2 : Les opérations électorales qui se sont déroulées les 9 et 16 mars 2008 dans la commune de Mtsangamouji sont annulées.

Article 3 : Les conclusions présentées par M. B devant le tribunal administratif de Mayotte au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Ahamada D, à M. Haidar C, à M. B, à M. A et à la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.


Synthèse
Formation : 9ème et 10ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 319651
Date de la décision : 19/05/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 19 mai. 2009, n° 319651
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: Mme Karin Ciavaldini
Rapporteur public ?: Mme Legras Claire
Avocat(s) : SCP PIWNICA, MOLINIE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2009:319651.20090519
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