Vu la requête, enregistrée le 25 mars 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Bilal A, demeurant ... et par Mme Emel Emeline B épouse A, demeurant ... ; M. A et Mme B, épouse A demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision du 9 janvier 2008 par laquelle le consul général de France à Ankara (Turquie) a refusé de délivrer à M. A un visa de long séjour en qualité de conjoint de ressortissant français ;
2°) d'enjoindre au consul général de France à Ankara et au ministre des affaires étrangères et européennes de délivrer le visa sollicité, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à compter de la notification de la décision à intervenir ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat, le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mlle Aurélie Bretonneau, Auditeur,
- les conclusions de M. Mattias Guyomar, rapporteur public ;
Considérant que la requête de M. et Mme A, bien qu'elle ne tende expressément qu'à l'annulation de la décision du consul général de France à Ankara (Turquie) du 9 janvier 2008, refusant de délivrer à l'intéressé un visa de long séjour et d'entrée en France en qualité de conjoint d'un ressortissant français, doit, dès lors que M. A a saisi la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France d'un recours contre cette décision, être regardée comme également dirigée contre la décision implicite de rejet née du silence gardé par la commission ;
Sur les conclusions dirigées contre la décision du consul général de France à Ankara :
Considérant qu'aux termes de l'article D. 211-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Une commission placée auprès du ministre des affaires étrangères et du ministre chargé de l'immigration est chargée d'examiner les recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France prises par les autorités diplomatiques ou consulaires. La saisine de cette commission est un préalable obligatoire à l'exercice d'un recours contentieux, à peine d'irrecevabilité de ce dernier ; qu'aux termes de l'article D. 211-9 du même code : La commission peut soit rejeter le recours, soit recommander au ministre des affaires étrangères et au ministre chargé de l'immigration d'accorder le visa demandé ;
Considérant que la décision de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France, prise en vertu des dispositions précitées, s'est substituée à la décision initiale de refus prise par les autorités consulaires ; qu'ainsi, les conclusions de M. et Mme A dirigées contre la décision du consul général de France à Ankara du 9 janvier 2008 sont irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions dirigées contre la décision de la commission de recours :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A a épousé Mme B le 25 avril 2006 ; que les intéressés, qui soutiennent se fréquenter depuis 2002, produisent au soutien de cette allégation des attestations portant retranscription de messages échangés par eux sur leurs téléphones portables ( SMS et MMS ), dont certains sont antérieurs à la décision de refus de visa, et témoignent de ce qu'ils entretenaient effectivement une relation suivie ; qu'ainsi, M. et Mme A sont fondés à soutenir que, dans les circonstances de l'espèces, le rejet de leur recours par la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France a porté à leur droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels sa décision a été prise et à en demander, pour ce motif, l'annulation ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. et Mme A d'une somme globale de 1 500 euros au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : La décision implicite de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France est annulée.
Article 2 : L'Etat versera à M. et Mme A une somme globale de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3: La présente décision sera notifiée à M. Bilal A, à Mme Emel Emeline B, épouse A, et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.