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29/05/2009 | FRANCE | N°318071

France | France, Conseil d'État, 1ère et 6ème sous-sections réunies, 29 mai 2009, 318071


Vu 1°), sous le n° 318071, la requête, enregistrée le 4 juillet 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le SYNDICAT NATIONAL DE CHIRURGIE PLASTIQUE RECONSTRUCTRICE ET ESTHETIQUE, dont le siège social est 26 rue de Belfort à Courbevoie (92400), représenté par son président en exercice, et par M. Jean-Pierre A, domicilié à ... ; le SYNDICAT NATIONAL DE CHIRURGIE PLASTIQUE RECONSTRUCTRICE ET ESTHETIQUE et M. A demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2008-464 du 15 mai 2008 relatif à la redevance due à l'

hôpital par les praticiens hospitaliers à temps plein exerçant une activi...

Vu 1°), sous le n° 318071, la requête, enregistrée le 4 juillet 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le SYNDICAT NATIONAL DE CHIRURGIE PLASTIQUE RECONSTRUCTRICE ET ESTHETIQUE, dont le siège social est 26 rue de Belfort à Courbevoie (92400), représenté par son président en exercice, et par M. Jean-Pierre A, domicilié à ... ; le SYNDICAT NATIONAL DE CHIRURGIE PLASTIQUE RECONSTRUCTRICE ET ESTHETIQUE et M. A demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2008-464 du 15 mai 2008 relatif à la redevance due à l'hôpital par les praticiens hospitaliers à temps plein exerçant une activité libérale dans les établissements publics de santé ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu 2°), sous le n° 322288, la requête, enregistrée le 7 novembre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le SYNDICAT NATIONAL DE DEFENSE DE L'EXERCICE LIBERAL DE LA MEDECINE A L'HOPITAL, dont le siège est Académie nationale de chirurgie, 15 rue de l'Ecole de médecine à Paris (75006), représenté par son président en exercice ; le syndicat demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir, d'une part, le même décret du 15 mai 2008, d'autre part, le décret n° 2008-1060 du 14 octobre 2008 relatif à la redevance due à l'hôpital par les praticiens hospitaliers à temps plein exerçant une activité libérale dans les établissements publics de santé ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la Constitution, notamment son article 62 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des doits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de commerce ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Pascal Trouilly, Maître des Requêtes,

- les conclusions de Mlle Anne Courrèges, rapporteur public ;

- et après en avoir délibéré hors de la présence du rapporteur public ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 6154-1 du code de la santé publique : Dès lors que l'intérêt du service public hospitalier n'y fait pas obstacle, les praticiens statutaires exerçant à temps plein dans les établissements publics de santé et les syndicats interhospitaliers autorisés à exercer les missions d'un établissement de santé sont autorisés à exercer une activité libérale dans les conditions définies au présent chapitre ; qu'en vertu de l'article L. 6154-3 du même code, cette activité libérale donne lieu au versement à l'établissement par le praticien d'une redevance dans des conditions déterminées par décret ;

Considérant que, pour l'application de ces dispositions, le décret du 15 mai 2008 a modifié les articles D. 6154-10-1 et D. 6154-10-3 du code de la santé publique, qui déterminent le mode de calcul de cette redevance, et a notamment fixé différents taux de redevance, selon le type d'actes et d'établissements, la redevance correspondant dans tous les cas à un pourcentage des honoraires effectivement perçus par les praticiens concernés ; que ces taux ont été modifiés par le décret du 14 octobre 2008 ; que le SYNDICAT NATIONAL DE CHIRURGIE PLASTIQUE RECONSTRUCTRICE et M. A demandent l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 15 mai 2008 ; que le SYNDICAT NATIONAL DE DEFENSE DE L'EXERCICE LIBERAL DE LA MEDECINE A L'HOPITAL demande l'annulation de ce décret ainsi que de celui du 14 octobre 2008 ; qu'il y a lieu de joindre ces deux requêtes pour statuer par une seule décision ;

Considérant, en premier lieu, que le versement à l'établissement hospitalier prévu par l'article L. 6154-3 du code de la santé publique à la charge des praticiens hospitaliers qui y exercent une activité libérale a le caractère d'une redevance pour service rendu et non d'une imposition ; que la valeur du service ainsi rendu n'est pas limitée au coût des installations techniques, des locaux mis à leur disposition et des dépenses de personnel exposées par l'établissement, mais peut également être appréciée au regard des avantages de toute nature que ces praticiens en retirent, eu égard notamment à la possibilité qui leur est ainsi ouverte d'exercer leur activité libérale dans le cadre et avec les moyens du service, en bénéficiant le cas échéant de la notoriété qui s'attache à l'établissement dans lequel ils exercent cette activité ; qu'ainsi, le pouvoir réglementaire, qui n'a pas commis d'erreur de droit quant aux conséquences à tirer de la décision rendue le 16 juillet 2007 par le Conseil d'Etat statuant au contentieux sur la légalité du décret du 7 mars 2006 qui fixait auparavant le régime de la redevance en cause, pouvait légalement définir, pour le calcul de cette redevance, une assiette fondée non plus sur les tarifs de l'assurance maladie mais sur les honoraires effectivement perçus ; que, ce faisant, il n'a pas davantage méconnu l'autorité de la chose jugée par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 86-225 DC du 23 janvier 1987 qui n'a pas pris parti sur la détermination de l'assiette de la redevance en cause ;

Considérant, en deuxième lieu, que la compétence du pouvoir réglementaire pour fixer les modalités de versement à l'établissement d'une redevance par le praticien résulte directement de la loi ; que, dès lors, le moyen tiré de ce qu'en raison de ce reversement d'une partie des honoraires perçus, les décrets attaqués méconnaîtraient le principe de l'indépendance professionnelle du médecin, énoncé notamment par l'article R. 4127-5 du code de la santé publique ne peut qu'être écarté ; que l'acte, qualifié par le législateur de contrat, par lequel sont retracées les modalités de l'activité libérale exercées par un praticien hospitalier, ne détermine pas cette redevance, dont le montant peut légalement, comme il vient d'être dit, excéder le seul coût de la prestation fournie ; que, par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des articles L. 4113-5, R. 4127-22 et R. 4127-23 du code de la santé publique interdisant les conventions ou pratiques professionnelles conduisant à des partages d'honoraires ou à des compérages sont inopérants ;

Considérant, en troisième lieu, qu'alors même que la substitution des honoraires effectivement perçus aux tarifs de l'assurance maladie pour l'assiette de la redevance a eu pour effet d'augmenter significativement les montants dus par certains des praticiens concernés, il ne ressort pas des pièces des dossiers que, eu égard aux éléments apportés par les requérants, les taux de la redevance retenus par les décrets attaqués seraient manifestement disproportionnés au regard de la valeur du service rendu à ces praticiens par les établissements de santé au sein desquels ils peuvent ainsi exercer une activité libérale ; qu'il ne ressort pas davantage de ces éléments que les décrets attaqués méconnaîtraient les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, en quatrième lieu, que la différence de pourcentage appliquée pour le calcul de la redevance entre les centres hospitaliers régionaux faisant partie d'un centre hospitalier universitaire et les autres établissements publics de santé, qui ne dépasse pas 20 % en ce qui concerne le décret du 15 mai 2008, n'est pas manifestement disproportionnée au regard notamment des différences de coût de structure qui existent entre ces catégories d'établissements et ne méconnaît pas, de ce fait, le principe d'égalité ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la tarification retenue par ce décret reposerait sur une différence illégale de traitement selon le type d'établissements doit être écarté ;

Considérant, en cinquième lieu, que l'éventuelle différence entre le montant de la redevance due au secteur public hospitalier et celui de la redevance fixé par voie de convention entre un praticien et un établissement privé ne constitue pas, en tout état de cause, une méconnaissance des dispositions de l'article L. 420-1 du code de commerce prohibant les actions concertées, conventions, ententes ou coalitions tendant à faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché ;

Considérant, enfin, que, s'il incombe à l'autorité investie du pouvoir réglementaire d'édicter, pour des motifs de sécurité juridique, les mesures transitoires qu'implique, s'il y a lieu, une réglementation nouvelle, il ne ressort pas des pièces du dossier que les modalités de fixation de la redevance en litige, en particulier les taux retenus par les décrets attaqués, entraîneraient une atteinte excessive aux intérêts des médecins exerçant une activité libérale dans des établissements publics de santé, alors même que, ainsi qu'il a été dit, ces modalités pouvaient conduire à une augmentation significative du montant de la redevance due par certains praticiens ; que, par suite, le pouvoir réglementaire n'était pas tenu d'édicter, en l'espèce, des mesures transitoires ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation des décrets qu'ils attaquent ; que, par voie de conséquence, leurs conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête du SYNDICAT NATIONAL DE CHIRURGIE PLASTIQUE RECONSTRUCTRICE ET ESTHETIQUE et de M. A et la requête du SYNDICAT NATIONAL DE DEFENSE DE L'EXERCICE LIBERAL DE LA MEDECINE sont rejetées.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au SYNDICAT NATIONAL DE CHIRURGIE PLASTIQUE RECONSTRUCTRIVE ET ESTHETIQUE, à M. Jean-Pierre A, au SYNDICAT NATIONAL DE DEFENSE DE L'EXERCICE LIBERAL DE LA MEDECINE A L'HOPITAL, au Premier ministre et à la ministre de la santé et des sports.


Synthèse
Formation : 1ère et 6ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 318071
Date de la décision : 29/05/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - PARAFISCALITÉ - REDEVANCES ET TAXES DIVERSES - REDEVANCES - REDEVANCE VERSÉE PAR LES PRATICIENS HOSPITALIERS EN APPLICATION DE L'ARTICLE L - 6154-3 DU CODE DE LA SANTÉ PUBLIQUE - 1) MODALITÉS DE CALCUL - ASSIETTE FONDÉE SUR LES HONORAIRES PERÇUS - LÉGALITÉ - EXISTENCE [RJ1] - 2) CONTRAT RETRAÇANT L'ACTIVITÉ LIBÉRALE DU PRATICIEN HOSPITALIER - MÉCONNAISSANCE DE L'ARTICLE L - 4113-5 DU CODE DE LA SANTÉ PUBLIQUE - ABSENCE - 3) TAUX MANIFESTEMENT DISPROPORTIONNÉS - ABSENCE.

19-08-02 1) Le versement à l'établissement hospitalier prévu par l'article L. 6154-3 du code de la santé publique à la charge des praticiens hospitaliers qui y exercent une activité libérale a le caractère d'une redevance pour service rendu et non d'une imposition. Le montant de la redevance peut ainsi tenir compte de la valeur économique de la prestation pour son bénéficiaire. Le pouvoir réglementaire pouvait légalement définir, pour le calcul de cette redevance, une assiette fondée non plus sur les tarifs de l'assurance maladie mais sur les honoraires effectivement perçus. 2) L'acte qualifié par le législateur de contrat, par lequel sont retracées les modalités de l'activité libérale exercée par un praticien hospitalier à l'hôpital, ne détermine pas cette redevance, dont le montant peut légalement excéder le seul coût de la prestation fournie. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 4113-5 du code de la santé publique interdisant les pratiques conduisant à des partages d'honoraires sont inopérants. 3) Même si le fait de retenir, comme assiette de la redevance, le montant des honoraires effectivement perçus en lieu et place des tarifs de l'assurance maladie a conduit à augmenter sensiblement les montants dus par certains praticiens, les taux de la redevance ne sont pas manifestement disproportionnés.

SANTÉ PUBLIQUE - ÉTABLISSEMENTS PUBLICS DE SANTÉ - EXERCICE D'UNE ACTIVITÉ LIBÉRALE - REDEVANCE VERSÉE PAR LES PRATICIENS HOSPITALIERS EN APPLICATION DE L'ARTICLE L - 6154-3 DU CODE DE LA SANTÉ PUBLIQUE - 1) MODALITÉS DE CALCUL - ASSIETTE FONDÉE SUR LES HONORAIRES PERÇUS - LÉGALITÉ - EXISTENCE [RJ1] - 2) CONTRAT RETRAÇANT L'ACTIVITÉ LIBÉRALE DU PRATICIEN HOSPITALIER - MÉCONNAISSANCE DE L'ARTICLE L - 4113-5 DU CODE DE LA SANTÉ PUBLIQUE - ABSENCE - 3) TAUX MANIFESTEMENT DISPROPORTIONNÉS - ABSENCE.

61-06-05 1) Le versement à l'établissement hospitalier prévu par l'article L. 6154-3 du code de la santé publique à la charge des praticiens hospitaliers qui y exercent une activité libérale a le caractère d'une redevance pour service rendu et non d'une imposition. Le montant de la redevance peut ainsi tenir compte de la valeur économique de la prestation pour son bénéficiaire. Le pouvoir réglementaire pouvait légalement définir, pour le calcul de cette redevance, une assiette fondée non plus sur les tarifs de l'assurance maladie mais sur les honoraires effectivement perçus. 2) L'acte qualifié par le législateur de contrat, par lequel sont retracées les modalités de l'activité libérale exercée par un praticien hospitalier à l'hôpital, ne détermine pas cette redevance, dont le montant peut légalement excéder le seul coût de la prestation fournie. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 4113-5 du code de la santé publique interdisant les pratiques conduisant à des partages d'honoraires sont inopérants. 3) Même si le fait de retenir, comme assiette de la redevance, le montant des honoraires effectivement perçus en lieu et place des tarifs de l'assurance maladie a conduit à augmenter sensiblement les montants dus par certains praticiens, les taux de la redevance ne sont pas manifestement disproportionnés.


Références :

[RJ1]

Cf. Assemblée, 16 juillet 2007, Syndicat national de défense de l'exercice libéral de la médecine à l'hôpital et Syndicat national de chirurgie plastique reconstructrice et esthétique, n°s 293229-293254, p. 349.


Publications
Proposition de citation : CE, 29 mai. 2009, n° 318071
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Vigouroux
Rapporteur ?: M. Pascal Trouilly

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2009:318071.20090529
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