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29/05/2009 | FRANCE | N°326565

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 29 mai 2009, 326565


Vu la requête, enregistrée le 30 mars 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, présentée par M. Jamal A et Mme Anne-Claire B, épouse A, élisant domicile ... ; M. Jamal A et Mme Anne-Claire B demandent au juge des référés du Conseil d'État :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté leur recours dirigé contre la décision du 22 septembre 2008 du consul g

énéral de France à Fès (Maroc), refusant un visa de long séjour à M. A en...

Vu la requête, enregistrée le 30 mars 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, présentée par M. Jamal A et Mme Anne-Claire B, épouse A, élisant domicile ... ; M. Jamal A et Mme Anne-Claire B demandent au juge des référés du Conseil d'État :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté leur recours dirigé contre la décision du 22 septembre 2008 du consul général de France à Fès (Maroc), refusant un visa de long séjour à M. A en qualité de conjoint de ressortissant français ;

2°) d'enjoindre au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire de délivrer à M. A un visa de long séjour dans le délai de quarante-huit heures à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

3°) d'enjoindre, à titre subsidiaire, au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire de statuer à nouveau sur la demande de visa en qualité de conjoint de ressortissant français de M. A sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

ils soutiennent qu'il y a urgence, dès lors que la décision contestée les empêchent de vivre ensemble alors qu'ils sont mariés depuis plus d'un an ; que Mme A a déposé une demande de logement social en vue de l'accueil de son époux ; qu'elle a entretenu de nombreux contacts téléphoniques avec lui et lui a rendu plusieurs fois visite au Maroc malgré son handicap ; qu'elle ne peut s'établir au Maroc en raison de ce handicap ; qu'il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ; que la décision de la commission n'est pas motivée et que celle du consul général ne l'est pas suffisamment ; que la sincérité de l'union matrimoniale est établie notamment par les attestations d'amis et de voisins ; que la décision contestée méconnaît les stipulations des articles 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'elle leur interdit de mener une vie privée et familiale normale, alors même que les autorités françaises n'ont pas formé d'opposition à ce mariage, ni au stade de la célébration ni à celui de la transcription ;

Vu la copie du recours présenté le 22 décembre 2008 à la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

Vu la copie de la requête en annulation présentée par M. Jamal A ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 11 mai 2009, présenté par le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que les conclusions aux fins d'injonction de délivrer le visa sollicité sont irrecevables ; que le moyen tiré du défaut de motivation de la décision de refus du consul général est inopérant à l'appui des conclusions dirigées contre le refus de la commission ; que la décision de la commission étant implicite, sa motivation ne pouvait intervenir qu'à la demande du requérant, qui n'a pas été formulée ; que la condition d'urgence n'est pas satisfaite, faute que des circonstances particulières soient invoquées et les requérants ne s'étant mariés qu'un an et demi après la publication des bans; que la décision attaquée n'est pas entachée d'erreur d'appréciation, compte tenu du caractère manifestement complaisant du mariage ; que Mme A n'a pas effectué de voyage au Maroc depuis son mariage; que M. A, entré irrégulièrement en France, a déjà épousé une ressortissante française qui a obtenu peu après le divorce aux torts exclusifs du requérant et qu'il a reconnu que son nouveau mariage lui a permis de régulariser sa situation ; que les auditions des requérants par les autorités consulaires ont mis en évidence des discordances quant à la date de leur rencontre ; que les requérants ne démontrent pas l'existence de liens étroits entre eux ; que M. A ne contribue pas à l'entretien de son épouse qui ne peut exercer d'activité professionnelle du fait de son handicap ; que ni les factures téléphoniques produites, qui établissent les seuls appels de Mme A, ni les attestations rédigées par des amis et connaissances de M. A ne suffisent à établir le caractère sincère de l'union matrimoniale, en particulier de la part de M. A; que la décision contestée ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que le mariage n'est pas sincère et que Mme A ne démontre pas l'impossibilité pour elle de se rendre au Maroc comme elle l'avait fait avant son mariage ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part M. et Mme Jamal A, et, d'autre part, le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du jeudi 14 mai 2009 à 10 h 30 au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Delvolvé, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat des requérants ;

- la représentante du ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ;

Considérant que M. A, de nationalité marocaine, entré irrégulièrement en France en 1997 et qui a fait l'objet, le 20 juin 2006, d'une décision de refus de séjour assortie d'une obligation de quitter le territoire, a épousé Mlle B à Fès le 8 janvier 2008, l'acte de mariage étant transcrit par les autorités consulaires françaises le 12 juin 2008 ; que ces autorités consulaires ont opposé un refus à sa demande de visa en France, en qualité de conjoint de Française, le 22 septembre 2008 ; que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, qu'il avait saisi d'un recours contre la décision de refus des autorités consulaires, lui a opposé un refus implicite, né le 23 février 2009, dont il demande la suspension ainsi que de la décision du consul général de France à Fès du 12 juin 2008 ;

Sur les conclusions tendant à la suspension de la décision du consul général de France à Fès :

Considérant qu'en raison des pouvoirs conférés à la commission de recours contre les refus de visas d'entrée en France, les décisions par lesquelles elle rejette, implicitement ou expressément, les recours introduits devant elle se substituent à celles des autorités diplomatiques ou consulaires ; que la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est entièrement substituée à celle du consul général de France à Fès du 12 juin 2008 ; qu'ainsi, les conclusions d'excès de pouvoir dirigées contre la décision du consul général ne pourraient qu'être jugées irrecevables par le juge du fond ; que, par suite, les conclusions présentées devant le juge des référés aux fins de suspension et d'injonction dirigées contre cette décision sont irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à la suspension de la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France :

Considérant qu'aux termes de l'article 5 de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public : Une décision implicite intervenue dans le cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. Toutefois, à la demande de l'intéressé formée dans le délai du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande (...) ; qu'en l'absence de justification d'une demande de communication des motifs présentée dans les conditions prescrites par ces dispositions, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision implicite de la commission de recours n'est, en l'état de l'instruction, pas propre à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision attaquée ;

Considérant qu'il appartient en principe aux autorités consulaires de délivrer au conjoint étranger d'un ressortissant français dont le mariage n'a pas été contesté devant l'autorité judiciaire le visa nécessaire pour que les époux puissent mener une vie familiale normale ; que pour y faire obstacle, il appartient à l'administration, si elle allègue une fraude, d'établir que le mariage a été entaché d'une telle fraude de nature à justifier légalement le refus de visa ;

Considérant que, pour s'opposer à la délivrance du visa demandé par M. A, le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire met en cause la sincérité de son mariage ; qu'il résulte de l'instruction que M. A avait épousé, le 11 mai 2002, une ressortissante française et que le divorce a été prononcé en décembre 2004, à ses torts exclusifs ; que les déclarations de M. et Mme A quant à la date de leur rencontre ne sont pas concordantes ; que si M. et Mme A soutiennent que, depuis leur mariage, ils entretiennent des relations régulières, les éléments produits à l'appui de leurs affirmations, attestations de proches et factures téléphoniques, n'ont pas un caractère suffisamment probant, compte tenu du faisceau d'indices dont fait état le ministre ; qu'ainsi, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation commise par la commission de recours sur le caractère frauduleux du mariage n'est pas, en l'état de l'instruction, de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité du refus de visa ; qu'il en va de même, par voie de conséquence, du moyen tiré de ce que la décision attaquée porterait au droit des intéressés au respect de leur privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et aurait, par suite, méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner le moyen tiré de ce que la condition d'urgence exigée par les dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative serait satisfaite, que les conclusions de la requête aux fins de suspension doivent être rejetées, ainsi que, par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction et les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de M. Jamal A et Mme Anne-Claire B est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Jamal A et Mme Anne-Claire B et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 326565
Date de la décision : 29/05/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 29 mai. 2009, n° 326565
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Christnacht
Rapporteur ?: M. Alain Christnacht
Avocat(s) : SCP DELVOLVE, DELVOLVE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2009:326565.20090529
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