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03/06/2009 | FRANCE | N°322469

France | France, Conseil d'État, 2ème sous-section jugeant seule, 03 juin 2009, 322469


Vu 1°/, sous le n° 322469, la requête, enregistrée le 17 novembre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Jean-Didier , demeurant ... ; M. demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 14 octobre 2008 du tribunal administratif de Versailles en tant qu'il a rejeté sa protestation contre les opérations électorales qui se sont déroulées le 16 mars 2008 pour l'élection au second tour des conseillers municipaux dans la commune de Clamart ;

2°) à titre principal, d'annuler ces opérations électorales, de rejeter le compte de ca

mpagne de M. Philippe E et de déclarer celui-ci inéligible pendant une durée ...

Vu 1°/, sous le n° 322469, la requête, enregistrée le 17 novembre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Jean-Didier , demeurant ... ; M. demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 14 octobre 2008 du tribunal administratif de Versailles en tant qu'il a rejeté sa protestation contre les opérations électorales qui se sont déroulées le 16 mars 2008 pour l'élection au second tour des conseillers municipaux dans la commune de Clamart ;

2°) à titre principal, d'annuler ces opérations électorales, de rejeter le compte de campagne de M. Philippe E et de déclarer celui-ci inéligible pendant une durée d'un an ou, à titre subsidiaire, de proclamer élue Mme Nathalie F ;

Vu 2°/, sous le n° 322528, la requête, enregistrée le 18 novembre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Philippe A, demeurant ...) ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 14 octobre 2008 par lequel le tribunal administratif de Versailles a annulé l'attribution du 43ème siège de conseiller municipal à la liste conduite par M. A et l'élection de Mme Laurence C en qualité de conseiller municipal à la suite des opérations électorales qui se sont déroulées les 9 et 16 mars 2008 en vue de la désignation du conseil municipal de la commune de Clamart ;

2°) de rejeter les protestations de MM. Jean-Didier B et Christian D contre ces opérations électorales ;

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code électoral ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Philippe Lutton, chargé des fonctions de Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de M. A,

- les conclusions de Mme Béatrice Bourgeois-Machureau, rapporteur public,

- la parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de M. A ;

Considérant que les requêtes susvisées tendent à l'annulation du même jugement du tribunal administratif de Versailles du 14 octobre 2008 et sont relatives aux mêmes opérations électorales, qui ont eu lieu les 9 et 16 mars 2008 en vue de la désignation du conseil municipal de la commune de Clamart (Hauts-de-Seine) ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement en tant qu'il a rejeté la demande d'annulation de l'ensemble des opérations électorales et refusé de déclarer M. E inéligible :

Sur les griefs tirés de la méconnaissance des articles L. 52-1 et L. 52-8 du code électoral :

Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 52-1 du code électoral : A compter du premier jour du sixième mois précédant le mois au cours duquel il doit être procédé à des élections générales, aucune campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion d'une collectivité ne peut être organisée sur le territoire des collectivités intéressées par le scrutin. Sans préjudice des dispositions du présent chapitre, cette interdiction ne s'applique pas à la présentation, par un candidat ou pour son compte, dans le cadre de l'organisation de sa campagne, du bilan de la gestion des mandats qu'il détient ou qu'il a détenus. Les dépenses afférentes sont soumises aux dispositions relatives au financement et au plafonnement des dépenses électorales contenues au chapitre V bis du présent titre. ; qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 52-8 du même code : Les personnes morales, à l'exception des partis ou groupements politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d'un candidat, ni en lui consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en lui fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués ;

Considérant, en premier lieu, que l'organisation par la municipalité de Clamart en novembre et décembre 2007, dans la continuité d'une pratique initiée en 2005, de réunions publiques de quartier se bornant à présenter à la population, en présence du maire et de conseillers municipaux, le bilan des réalisations municipales de l'année écoulée et les projets de celle à venir sans donner lieu à des propos ou à des discours en faveur de la campagne de M. E, ne peut être regardée comme constitutive d'une campagne de promotion publicitaire au sens de l'article L. 52-1 du code électoral ; que même si M. E a appelé à participer à ces réunions sur son blog de campagne et si certains thèmes abordés à leur occasion étaient identiques à des points du programme électoral de M. E, la publicité qui leur a été donnée dans le bulletin municipal et par voie de tracts ne peut davantage être constitutive d'une méconnaissance de l'article L. 52-1 du code électoral ; que, par suite, la prise en charge par la commune du coût de ces opérations de communication institutionnelle n'a pas eu le caractère d'un don prohibé par l'article L. 52-8 du même code ;

Considérant, en deuxième lieu, que l'organisation de cérémonies de voeux en début d'année revêt un caractère traditionnel dans la commune de Clamart ; qu'il n'est pas établi ni même allégué que le maire ait utilisé les cérémonies qui se sont déroulées au mois de janvier 2008 pour exposer son programme électoral ou développer une polémique électorale ; que ces cérémonies ne peuvent donc pas être regardées comme ayant constitué une campagne de promotion publicitaire au sens de l'article L. 52-1 du code électoral ; que la publication du discours de voeux du maire dans le bulletin municipal, constante depuis 2003 dans la commune de Clamart, ne peut davantage être regardée comme constitutive d'une campagne de promotion publicitaire au sens de la même disposition ; que, par suite, la prise en charge par la commune du coût de ces opérations de communication institutionnelle n'a pas eu le caractère d'un don prohibé par l'article L. 52-8 du même code ;

Considérant, en troisième lieu, que si M. soutient que M. E a contrevenu aux dispositions des articles L. 52-1 et L. 52-8 du code électoral en utilisant les moyens de la commune pour réfuter, y compris quelques jours avant l'élection, des informations et rumeurs diffusées dans le cadre de la polémique électorale au sujet d'un projet d'urbanisme dans le quartier du Jardin parisien ainsi que pour informer les riverains des rues Brignole, Galliera et Lacombe de la pose d'une barrière, il résulte de l'instruction que ces actions de communication, qui ont consisté dans la diffusion d'un article dans la presse municipale et d'une lettre d'information aux habitants, ont eu pour objet essentiel de faire connaître aux habitants concernés, en réponse à des tracts diffusés par la liste adverse, la position de la commune sur la réalité du projet de quartier du Jardin parisien et sur l'évolution des travaux de voirie dans le secteur des rues Brignole, Galliera et Lacombe ; qu'elles ne peuvent donc être regardées comme constitutives d'une campagne de promotion publicitaire au sens de l'article L. 52-1 du code électoral ; que, par suite, la prise en charge par la commune du coût de ces opérations de communication institutionnelle n'a pas eu le caractère d'un don prohibé par l'article L. 52-8 du même code ;

Considérant, en quatrième lieu, que si des affichettes appelant à voter pour la liste de M. E ont été apposées par les militants de cette liste à l'intérieur des cages d'escalier des immeubles de l'office HLM de la commune, il n'est pas établi que l'office ait facilité cette opération en fournissant aux militants de M. E des moyens d'accès aux locaux concernés et que les dispositions de l'article L. 52-8 du code électoral aient été, par suite, méconnues ; que la diffusion dans le n° 24 de la Lettre d'information des locataires de l'OPHM de Clamart , daté du 1er janvier 2008, d'un éditorial à contenu purement informatif signé par M. E ne saurait pas davantage être constitutive d'une méconnaissance des articles L. 52-1 et L. 52-8 du code électoral ;

Sur le grief tiré de l'insincérité du compte de campagne de M. E :

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 52-12 du code électoral : Chaque candidat ou candidat tête de liste soumis au plafonnement prévu à l'article L. 52-11 est tenu d'établir un compte de campagne retraçant, selon leur origine, l'ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l'ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l'élection, hors celles de la campagne officielle par lui-même ou pour son compte, au cours de la période mentionnée à l'article L. 52-4. (...) ;

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction qu'une dépense de 226 euros correspondant à 15 % du coût de diffusion d'un tract commun à M. G, candidat aux élections cantonales, et à M. E n'a pas été engagée ou effectuée en vue de l'élection de M. E ; que, par suite, cette dépense n'avait pas à être intégrée au compte de campagne de celui-ci ; que compte tenu de la clé de répartition des coûts afférents à ce tract retenue par les candidats, il n'y avait pas lieu de procéder à un partage pour moitié du coût de diffusion de ce tract entre les deux comptes de campagne ; que c'est donc à bon droit que le tribunal administratif de Versailles a réformé dans cette mesure le compte de M. E ; qu'aucune disposition du code électoral n'a pour effet d'entraîner nécessairement le rejet d'un compte de campagne dans l'hypothèse de sa rectification ;

Considérant, en second lieu, que, si M. soutient que l'utilisation, dans un tract de la campagne de M. E, d'une image du personnage de Pinocchio dont le droit de reproduction serait détenu par la société Walt Disney implique une dépense qui devait être intégrée dans le compte de campagne ou révèle un don en nature d'une personne morale, prohibé par l'article L. 52-8 du code électoral, il ne résulte pas de l'instruction qu'à supposer que de tels droits aient été dus, la société Walt Disney ait consenti à leur abandon ; que, par suite, il n'est pas établi que la liste de M. E a bénéficié d'un don prohibé ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté le surplus de sa protestation ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement en tant qu'il a annulé l'élection de Mme C :

Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'un membre de la liste de M. A a diffusé par voie postale, le 5 mars 2008, un tract intitulé Comité de soutien arménien à Philippe M. A destiné aux habitants supposés d'origine arménienne de la commune de Clamart ; que cet envoi a pu être effectué sans irrégularité en utilisant des informations fournies par la liste électorale ; qu'à supposer que ce tract ait présenté de façon tendancieuse les circonstances dans lesquelles le conseil municipal de Clamart a rejeté, en 2006, une proposition de M. A de soutenir l'école arménienne d'Issy-les-Moulineaux, M. B a eu connaissance de ce document et a dénoncé son contenu le 7 mars dans un texte publié sur son blog de campagne ; qu'il a ainsi eu la possibilité de faire connaître aux électeurs de Clamart, par les moyens de son choix, deux jours avant le premier tour du scrutin, les circonstances précises dans lesquelles le conseil municipal de Clamart a rejeté la proposition de subvention de M. A ; que lors du second tour du scrutin, organisé neuf jours après l'envoi du document litigieux, M. B avait eu amplement la possibilité d'informer l'électorat sur la réalité des allégations diffusées à la communauté arménienne ; que, dès lors, la diffusion de ce document ne peut être regardée comme ayant été de nature à avoir une incidence sur le second tour du scrutin ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a annulé l'attribution du 43ème siège de conseiller municipal à la liste qu'il conduisait et l'élection de Mme C en qualité de conseiller municipal ; que, par voie de conséquence, les conclusions subsidiaires de M. B tendant à la proclamation de l'élection de Mme F ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. A, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais exposés par M. et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. A au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. est rejetée.

Article 2 : L'article 1er du jugement du tribunal administratif de Versailles du 14 octobre 2008 est annulé.

Article 3 : Les conclusions de la protestation de M. tendant à l'annulation de l'élection de Mme C sont rejetées.

Article 4 : L'élection de Mme C en qualité de conseiller municipal de Clamart est validée.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête n° 322528 de M. A ainsi que ses conclusions présentées sous le n° 322469 tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. Philippe A, à M. Jean-Didier et à la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 03 jui. 2009, n° 322469
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Honorat
Rapporteur ?: M. Philippe Lutton
Rapporteur public ?: Mme Bourgeois-Machureau Béatrice
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN, FABIANI, THIRIEZ

Origine de la décision
Formation : 2ème sous-section jugeant seule
Date de la décision : 03/06/2009
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 322469
Numéro NOR : CETATEXT000020869417 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2009-06-03;322469 ?
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