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04/06/2009 | FRANCE | N°327051

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 04 juin 2009, 327051


Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 14 avril 2009, présentée pour Mme A KABONGO épouse B, demeurant ... ; Mme A demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours dirigé contre la décision du 1er octobre 2008 de l'ambassadeur de France en République démocratique du Congo ref

usant la délivrance de visas de long séjour à ses cinq enfants ;

2°) d'...

Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 14 avril 2009, présentée pour Mme A KABONGO épouse B, demeurant ... ; Mme A demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours dirigé contre la décision du 1er octobre 2008 de l'ambassadeur de France en République démocratique du Congo refusant la délivrance de visas de long séjour à ses cinq enfants ;

2°) d'enjoindre au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire de procéder au réexamen des visas sollicités dans un délai de quinze jours à compter de l'ordonnance à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que sa requête est recevable ; qu'il y a urgence dans la mesure où elle se trouve séparée de ses enfants depuis plus de six ans ; qu'il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision dont la suspension est demandée ; qu'en effet, en se bornant à invoquer le caractère frauduleux de son acte de mariage sans l'établir, l'administration a entaché sa décision d'erreur de droit ; qu'au surplus, son certificat de naissance, sur lequel mention est faite de sa situation matrimoniale et de sa qualité d'épouse, a été établi par le directeur de l'office français des réfugiés et apatrides, dont les actes et documents ont, selon l'article R. 722-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la valeur d'actes authentiques ; que, nonobstant les irrégularités entachant son acte de mariage, sa situation matrimoniale est tenue pour établie de longue date ; que les motifs tenant aux discordances observées lors de l'audition des membres de sa famille ne sauraient être considérés comme matériellement établis ; qu'ainsi, la décision litigieuse est entachée d'erreur d'appréciation ; qu'enfin, ladite décision porte une atteinte grave et injustifiée non seulement au principe de l'unité de famille mais aussi au droit au respect de la vie privée et familiale ;

Vu la décision dont la suspension est demandée ;

Vu la requête à fin d'annulation de la même décision et le recours présenté à la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

Vu, enregistré 28 mai 2009, le mémoire présenté par le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que la condition d'urgence ne saurait être regardée comme remplie dans la mesure où les intéressés sont responsables, par leur inaction, de leur éloignement prolongé ; que le moyen tiré d'une erreur manifeste d'appréciation doit être écarté dès lors que des doutes sérieux pèsent sur l'authenticité des actes d'état civil fournis par la requérante ; que, notamment, le jugement supplétif du 21 janvier 2003 dont sont issus lesdits actes n'a pas été fourni au dossier ; qu'au surplus, la requérante n'a pas apporté la moindre précision sur la chronologie de ses séjours successifs en France ; que, ce faisant, le moyen tenant à la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté comme non fondé ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention de Genève relative au statut des réfugiés ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, Mme A et, d'autre part, le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du mercredi 3 avril 2009 à 10 heures 30 au cours de laquelle a été entendu :

- Me Roger, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de Mme A ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ;

Considérant que Mme A, ressortissante de la République démocratique du Congo, a demandé, après avoir été admise au statut de réfugié par décision du 8 janvier 2003, le bénéfice d'un visa d'entrée en France pour son époux ainsi que pour ses cinq enfants qui seraient nés de son mariage avec leur père décédé depuis 2005 ; que le visa a été refusé aux enfants au motif du caractère frauduleux des actes d'état civil produits ;

Considérant que si l'administration met en doute la valeur probante des actes d'état civil tous issus d'un même jugement supplétif du tribunal de grande instance de Kinshasa du 21 janvier 2003 produits à l'appui des demandes de visa au motif que le jugement supplétif lui-même n'a pas été produit, elle n'apporte aucun autre élément confortant le doute sur la nature de ces pièces alors que les indications et déclarations de Mme A devant l'office de protection des réfugiés et apatrides et les échanges au cours de l'audience publique accréditent ses affirmations sur la filiation des cinq enfants ; que si l'administration indique que l'acte de mariage initialement produit a été déclaré frauduleux par les autorités locales, elle n'indique pas plus les conditions dans lesquelles cette appréciation aurait été émise ; que la lettre du consul à Kinshasa du 1er octobre 2008 prêtait des déclarations à l'époux de la requérante en date du 15 décembre 2007 alors qu'il était décédé le 7 avril 2005 ;

Considérant que dans ces conditions, il existe un doute sérieux, qu'il appartiendra au juge du fond de lever, sur le caractère frauduleux et dépourvu de caractère probant des actes d'état civil produits par la requérante à l'appui de sa demande de visa pour les cinq enfants ; que ce caractère frauduleux et dépourvu de caractère probant constituant le motif des refus de visa opposés à Mme A et la condition d'urgence étant par ailleurs satisfaite eu égard à la durée de la séparation dont la cause ne tient pas à l'inaction des intéressés qui avaient saisi le consulat dès 2004, il y a lieu de suspendre la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté la réclamation formée par Mme A contre les décision de l'ambassadeur de France en République démocratique du Congo en date du 1er octobre 2008 et d'enjoindre à cette commission de réexaminer dans le délai d'un mois à compter de la notification de la présente ordonnance et au vu de ces motifs, les demandes de visa présentées par Mme A au bénéfice de Verit C, Benji D, Ruth, Evodi et Ketia C ;

Considérant que dans les circonstances de l'affaire, eu égard aux pièces et précisions fournies en référé, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros à Mme A au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

O R D O N N E :

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Article 1er : L'exécution de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours de Mme A dirigé contre la décision de l'ambassadeur de France en République démocratique du Congo en date du 1er octobre 2008 est suspendue.

Article 2 : Il est enjoint à la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France de réexaminer les demandes de visa présentées par Mme A au bénéfice de Verit C, Benji D, Ruth, Evodi et Ketia C au vu des motifs de la présente ordonnance.

Article 3 : L'Etat versera une somme de 2 000 euros à Mme A en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 327051
Date de la décision : 04/06/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 04 jui. 2009, n° 327051
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Vigouroux
Rapporteur ?: M. Christian Vigouroux
Avocat(s) : SCP ROGER, SEVAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2009:327051.20090604
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