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08/06/2009 | FRANCE | N°321911

France | France, Conseil d'État, Section du contentieux, 08 juin 2009, 321911


Vu 1°), sous le n° 321911, la requête, enregistrée le 24 octobre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Michel , demeurant ... ; M. demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 7 octobre 2008 par lequel le tribunal administratif de Nancy, faisant droit aux protestations de M. et de M. , a, d'une part, annulé les opérations électorales qui se sont déroulées les 9 et 16 mars 2008 en vue de l'élection des conseillers municipaux de la commune de Saint-Dié-des-Vosges, et, d'autre part, prononcé un non-lieu à statuer sur ses conclus

ions tendant à ce que l'élection de M. B comme conseiller municipal de...

Vu 1°), sous le n° 321911, la requête, enregistrée le 24 octobre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Michel , demeurant ... ; M. demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 7 octobre 2008 par lequel le tribunal administratif de Nancy, faisant droit aux protestations de M. et de M. , a, d'une part, annulé les opérations électorales qui se sont déroulées les 9 et 16 mars 2008 en vue de l'élection des conseillers municipaux de la commune de Saint-Dié-des-Vosges, et, d'autre part, prononcé un non-lieu à statuer sur ses conclusions tendant à ce que l'élection de M. B comme conseiller municipal de cette commune soit annulée ;

2°) de constater l'inéligibilité de M. B et, par suite, d'annuler l'élection de ce dernier comme conseiller municipal de la commune de Saint-Dié-des-Vosges ;

3°) de mettre à la charge de M. B la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu 2°), sous le n° 322298, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 7 novembre et 8 décembre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Christian J, demeurant ..., Mlle Bineta E, demeurant ..., Mme Cécile I, demeurant ..., M. Salvatore W, demeurant ..., Mme Gilberte X demeurant ..., Mme Joëlle P demeurant ..., M. Olivier O, demeurant ..., Mme Lovely G demeurant ..., M. Jérémy G demeurant ..., M. Patrick Q demeurant ..., M. Pierre K demeurant ..., Mme Francine T demeurant ..., M. Etienne L demeurant ..., Mme Marie-Claude N demeurant ..., M. Benoît R demeurant ..., M. Pierre AA demeurant ... ; Mme Marie-José F demeurant ..., Mlle Joëlle S demeurant ..., M. Ozan C demeurant ..., M. Antoine Y demeurant ..., M. Mohammed AB demeurant ..., Mme Dominique M demeurant ..., Mme Chantal Z demeurant ..., Mme Madeleine A demeurant ..., M. Roland V demeurant ..., Mme Jacqueline U demeurant ... et M. Daniel D demeurant ... ; M. J et ses colistiers demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 7 octobre 2008 par lequel le tribunal administratif de Nancy, faisant droit aux protestations de M. B et de M. H, a, d'une part, annulé les opérations électorales qui se sont déroulées les 9 et 16 mars 2008 en vue de l'élection des conseillers municipaux dans la commune de Saint-Dié-des-Vosges, et d'autre part, prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de M. AC tendant à ce que l'élection de M. B comme conseiller municipal de cette commune soit annulée ;

2°) de rejeter la protestation de M. B et de M. H et, faisant droit à la protestation de M. AC, de constater l'inéligibilité de M. B et d'annuler son élection en tant que conseiller municipal de la commune de Saint-Dié-des-Vosges ;

3°) de mettre à la charge de M. B et de M. H la somme de 7 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code électoral ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Monod, Colin, avocat de M. J,

- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Monod, Colin, avocat de M. J ;

Considérant que les requêtes de M. , d'une part, et de M. J et ses colistiers, d'autre part, sont dirigées contre un même jugement du tribunal administratif de Nancy relatif aux opérations électorales qui se sont déroulées les 9 et 16 mars 2008 dans la commune de Saint-Dié-des-Vosges (Vosges) ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'à l'issue du second tour des élections municipales qui se sont déroulées les 9 et 16 mars 2008 dans la commune de Saint-Dié-des-Vosges, la liste conduite par M. J, maire sortant, a obtenu 4 780 voix et celle conduite par M. B 4 624 voix, soit un écart de 156 suffrages ; que M. , M. J et ses colistiers demandent l'annulation du jugement du 7 octobre 2008 par lequel le tribunal administratif de Nancy, faisant droit aux protestations de M. B et de M. H, a, d'une part, annulé les opérations électorales qui se sont déroulées les 9 et 16 mars 2008 dans la commune de Saint-Dié-des-Vosges, et d'autre part, estimé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de M. tendant à ce que l'élection de M. B soit annulée ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que si M. soutenait, dans la protestation qu'il a formée devant le tribunal administratif, que M. B devait être déclaré inéligible en application du 8° de l'article L. 231 du code électoral, cette partie de sa protestation avait le caractère d'un grief présenté au soutien de ses conclusions tendant à ce que l'élection de M. B en tant que conseiller municipal de la commune de Saint-Dié-des-Vosges fût annulée ; que, par suite, en estimant, après avoir annulé dans leur ensemble les opérations électorales qui se sont déroulées dans cette commune les 9 et 16 mars 2008, qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur la protestation de M. , le tribunal n'a omis de répondre à aucune des conclusions présentées par l'intéressé ;

Sur les opérations électorales :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la commune de Saint-Dié-des-Vosges a concédé l'exploitation d'un système de production et de distribution de chauffage urbain à une société, qui avait elle-même pour clients abonnés deux bailleurs de logements sociaux situés dans le quartier Kellermann de cette ville ; qu'un courrier, daté du 28 février 2008 et signé du directeur général de l'urbanisme et des services techniques de la mairie de Saint-Dié-des-Vosges, a été envoyé à 669 électeurs du quartier Kellermann occupant les logements gérés par ces deux bailleurs pour annoncer le reversement, dans le courant de l'été 2008, d'une somme de 100 euros par habitation en raison d'un trop-perçu constaté sur le compte des charges destinées à la maintenance du système de production et de distribution de chauffage urbain ; que cette lettre, qui ne comportait aucune information inexacte sur la situation dudit compte, faisait suite à un courrier de la société concessionnaire à la commune de Saint-Dié-des-Vosges en date du 7 février 2008, qui indiquait l'existence de ce trop-perçu et interrogeait la commune sur la destination qu'elle souhaiterait lui donner au moment où, le contrat de concession susmentionné arrivant à échéance, la société procéderait à l'apurement de ses comptes ; que, dans ces conditions, la diffusion par la commune du courrier susmentionné en date du 28 février 2008 n'a pas eu le caractère d'une manoeuvre qui aurait pu altérer la sincérité du scrutin ; qu'ainsi, M. J et ses colistiers sont fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nancy a, pour ce motif, annulé les opérations électorales qui se sont déroulées les 9 et 16 mars 2008 dans la commune de Saint-Dié-des-Vosges ;

Considérant qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres griefs soulevés par M. B et M. H à l'appui de leurs protestations dirigées contre les opérations électorales ;

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que la profession de foi en date du 12 mars 2008, diffusée par la liste conduite par M. J, contenait une phrase indiquant que M. B serait probablement déclaré inéligible par la justice, et s'interrogeant sur l'identité de la personne qui serait amenée à le remplacer ; que la même affirmation est apparue sur le blog de la liste conduite par M. J, plusieurs jours avant le second tour de scrutin, assortie d'une analyse juridique cosignée d'un ancien bâtonnier de Saint-Dié-des-Vosges et d'un autre avocat ; que, lors d'un débat télévisé en date du 12 mars 2008, M. J a de nouveau fait état de l'inéligibilité probable de M. B ; que ces affirmations, qui sont demeurées sur un mode hypothétique, ne présentaient pas un caractère diffamatoire ou injurieux et n'ont pas excédé les limites de la polémique électorale ; qu'elles ont en outre été formulées dans la presse locale dès le 6 mars 2008, de telle sorte qu'il était possible à M. B d'y répondre avant le second tour de scrutin, ce qu'il a d'ailleurs fait ; que, par suite, M. B n'est pas fondé à soutenir que les affirmations tendant à mettre en doute son éligibilité auraient constitué une manoeuvre de nature à porter atteinte à la sincérité du scrutin ;

Considérant, en deuxième lieu, que la présence, sur un tract diffusé entre les deux tours de scrutins par la liste conduite par M. J, des mentions République française et Ville de Saint-Dié-des-Vosges n'a pas été de nature à créer, dans l'esprit des électeurs, une confusion qui aurait pu altérer la sincérité du scrutin ;

Considérant, en troisième lieu, que si M. H soutient que la Présidente de Côté Jardin figurait aux côtés de M. J sur des photographies reproduites dans les documents de campagne de la liste conduite par ce dernier, alors qu'elle ne figurait pas elle-même sur cette liste, cette circonstance, à la supposer établie, n'est pas de nature à avoir altéré la sincérité du scrutin ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'il résulte de l'instruction que M. J a indiqué, dans une émission radiophonique en date du 11 mars 2008, que la liste conduite par M. B et M. H comportait deux membres du Front National ; que, pour regrettable qu'elle soit, cette affirmation, dont M. J et ses colistiers admettent qu'elle était dénuée de fondement, n'a pas été de nature à altérer la sincérité du scrutin dès lors qu'il était possible à M. B et M. H d'y répondre avant le second tour ;

Considérant, en cinquième lieu, qu'aucune disposition n'encadre les prises de position politiques de la presse écrite durant les campagnes électorales ; que, dès lors, la circonstance, invoquée par M. H, que la presse locale, notamment les quotidiens L'Est Républicain et La liberté de l'Est , aurait favorisé la campagne de M. J ne saurait entacher d'irrégularité le scrutin litigieux ; que si M. H soutient en outre qu'il n'a pas eu la possibilité de s'exprimer à l'occasion d'une émission diffusée le 6 mars 2008 sur la chaîne locale France 3 , contrairement aux candidats conduisant les autres listes qui s'affrontaient au premier tour, cette circonstance ne permet pas, à elle seule, d'établir que les candidats en cause auraient fait l'objet, durant la campagne électorale, d'un traitement inéquitable par la presse télévisuelle qui aurait pu porter atteinte à la sincérité du scrutin ;

Considérant, en sixième lieu, qu'il ne résulte pas de l'instruction que le bulletin municipal diffusé, conformément aux pratiques habituelles d'information municipale, par la commune de Saint-Dié-des-Vosges au mois de mars 2008, notamment les photographies illustrant la huitième édition des Trophées du Sport , aurait été de nature à altérer la sincérité du scrutin ;

Considérant, en septième lieu, que s'il n'appartient pas au juge de l'élection d'apprécier si un électeur inscrit sur les listes électorales remplit effectivement la condition de domicile exigée par l'article L. 11 du code électoral, il lui incombe de rechercher si des manoeuvres dans l'établissement de la liste électorale ont altéré la sincérité du scrutin ; que si M. B soutient que les listes électorales auraient été entachées de plusieurs irrégularités, tenant à ce qu'y auraient figuré à la fois des personnes n'habitant pas la commune de Saint-Dié-des-Vosges, des personnes n'y louant plus de logement et des personnes décédées, il n'assortit ses allégations d'aucun élément qui permettrait d'établir l'existence d'une manoeuvre ; que, dans ces conditions, le grief qu'il tire de l'irrégularité des listes électorales ne peut qu'être écarté ;

Considérant, en huitième lieu, qu'aux termes du premier alinéa de l'article R. 43 du code électoral : Les bureaux de vote sont présidés par les maire, adjoints et conseillers municipaux dans l'ordre du tableau. A leur défaut, les présidents sont désignés par le maire parmi les électeurs de la commune ; qu'aux termes de l'article R. 2121-2 du code général des collectivités territoriales : Après le maire, prennent rang, dans l'ordre du tableau, les adjoints puis les conseillers municipaux ; qu'aux termes de l'article R. 2121-4 du même code : En ce qui concerne les conseillers municipaux, l'ordre du tableau est déterminé, même quand il y a des sections électorales : / 1° Par la date la plus ancienne de nomination intervenue depuis le dernier renouvellement intégral du conseil municipal ; / 2° Entre conseillers élus le même jour, par le plus grand nombre de suffrages obtenus ; / 3° Et, à égalité de voix, par la priorité d'âge ; qu'il résulte de l'instruction que M. H, conseiller municipal élu sur la liste conduite par M. J en 2001, ne s'est pas vu proposer la présidence d'un bureau de vote de la commune de Saint-Dié-des-Vosges, contrairement à plusieurs autres conseillers municipaux, élus en même temps et sur la même liste que lui, mais figurant derrière lui dans l'ordre du tableau depuis le 17 juin 2004 ; que contrairement à ce que soutiennent M. J et ses colistiers, la circonstance que M. H a constitué un groupe d'opposition au sein du conseil municipal à compter du 10 juin 2006 n'a pas été de nature à le rétrograder dans l'ordre du tableau ; que, par suite, les présidences des bureaux de vote de la commune de Saint-Dié-des-Vosges ont été attribuées dans des conditions qui méconnaissent les prescriptions de l'article R. 43 du code électoral ; qu'il ne résulte toutefois pas de l'instruction que cette irrégularité, dont il n'est pas établi ni même soutenu qu'elle aurait eu le caractère d'une manoeuvre, aurait, dans les circonstances de l'espèce, altéré la sincérité du scrutin ;

Considérant, en neuvième lieu, que si M. B fait valoir que, dans chacun des bureaux de vote de la commune, un président adjoint a été désigné, sans que cela soit prévu par les dispositions du code électoral, il résulte de l'instruction qu'il a été, sous cette dénomination erronée, procédé à la désignation d'un suppléant au président de chacun des bureaux de vote, comme le prévoient les dispositions de l'article R. 43 du code électoral ; que, par suite, M. B n'est pas fondé à soutenir que cette désignation aurait constitué une irrégularité ;

Considérant, en dixième lieu, qu'il résulte du procès-verbal dressé à l'issue du second tour de scrutin que, dans le bureau de vote n° 8 de la commune, l'assesseur désigné par la liste conduite par M. B n'a pas été mis en mesure de contrôler l'identité des électeurs et les listes d'émargement ; que, toutefois, il résulte de l'instruction, notamment de l'écart de voix constaté, dans le bureau de vote en cause, entre les deux listes concurrentes à l'issue du second tour de scrutin et du nombre d'électeurs inscrits, que cette irrégularité n'a, dans les circonstances de l'espèce, pas pu porter atteinte à la sincérité du scrutin ; que l'attestation qui relate les irrégularités qui auraient entaché le fonctionnement du bureau de vote n° 11 n'est corroborée par aucun autre document ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. J et ses colistiers sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a annulé les opérations électorales dans leur ensemble ;

Considérant que, du fait du rejet des protestations de M. B et de M. H, la protestation de M. tendant à ce que soit annulée l'élection de M. B en tant que conseiller municipal de la commune de Saint-Dié-des-Vosges conserve un objet ; que le jugement attaqué doit, en conséquence, être annulé en tant qu'il a décidé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur cette protestation ; qu'il appartient au Conseil d'Etat d'examiner cette protestation ;

Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 231 du code électoral : Ne peuvent être élus conseillers municipaux dans les communes situées dans le ressort où ils exercent ou ont exercé leurs fonctions depuis moins de six mois : (...) / 8° Les directeurs de cabinet du président du conseil général et du président du conseil régional, les directeurs généraux, les directeurs, les directeurs adjoints, chefs de service et chefs de bureau de conseil général et de conseil régional, le directeur de cabinet du président de l'assemblée et le directeur de cabinet du président du conseil exécutif de Corse, les directeurs généraux, les directeurs, les directeurs adjoints, chefs de service et chefs de bureau de la collectivité territoriale de Corse et de ses établissements publics ; (...) ;

Considérant qu'à la date de son élection en qualité de conseiller municipal de la commune de Saint-Dié-des-Vosges, M. B exerçait les fonctions de directeur du comité départemental de tourisme des Vosges ; qu'il résulte de l'instruction que cette association, fondée par le département des Vosges, a pour mission de concourir à la mise en oeuvre de la politique du tourisme arrêtée par le conseil général et d'assurer la promotion du département en collaboration avec les professionnels du tourisme, les communes, les structures intercommunales et les autres organismes intervenant dans le domaine du tourisme ; que le financement de cette association est assuré, à plus de 95 %, par des subventions du conseil général, et que cette dernière bénéficie en outre de la mise à disposition, par cette collectivité territoriale, d'un agent administratif, de deux étages de bureaux, de matériel de bureau et d'un véhicule de service, ainsi que de l'assistance des services de reproduction, de communication et de manutention ; que le président du conseil d'administration du comité départemental de tourisme des Vosges, dont font partie six conseillers généraux et le directeur des services du conseil général, est de droit un conseiller général ; que le bureau exécutif de l'association est présidé par le président du conseil général, et comporte deux vice-présidents, également choisis parmi les membres du conseil général ; que, dans ces conditions, cet organisme doit être regardé, en dépit de sa forme juridique, comme ayant la nature d'un service du conseil général ; que son directeur général, nommé par le conseil d'administration sur proposition de son président, tombe, par conséquent, sous le coup de l'inéligibilité édictée par les dispositions précitées du 8° de l'article L. 231 du code électoral ; que, dès lors, M. B ne pouvait être élu au conseil municipal de la commune de Saint-Dié-des-Vosges ; qu'il suit de là que M. est fondé à demander l'annulation de l'élection de M. B en tant que conseiller municipal de cette commune ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 270 du code électoral : Le candidat venant sur une liste immédiatement après le dernier élu est appelé à remplacer le conseiller municipal élu sur cette liste dont le siège devient vacant pour quelque cause que ce soit. La constatation, par la juridiction administrative, de l'inéligibilité d'un ou plusieurs candidats n'entraîne l'annulation de l'élection que du ou des élus inéligibles. La juridiction saisie proclame en conséquence l'élection du ou des suivants de liste (...) ; qu'en application de ces dispositions, il y a lieu pour le Conseil d'Etat de proclamer élu M. Michel AD, inscrit sur la liste où figurait M. B immédiatement après le dernier élu de cette liste ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il n'y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, ni de mettre à la charge de M. B et de M. H la somme demandée par M. J et ses colistiers, ni de mettre à la charge de M. B la somme demandée par M. tant devant le Conseil d'Etat que devant le tribunal administratif au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nancy en date du 7 octobre 2008 est annulé.

Article 2 : La protestation de M. B et la protestation de M. H devant le tribunal administratif de Nancy sont rejetées.

Article 3 : L'élection de M. B en qualité de conseiller municipal de la commune de Saint-Dié-des-Vosges est annulée.

Article 4 : Le surplus des opérations électorales qui se sont déroulées les 9 et 16 mars 2008 dans la commune de Saint-Dié-des-Vosges est validé.

Article 5 : M. AD est proclamé élu en qualité de conseiller municipal de la commune de Saint-Dié-des-Vosges.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête de M. J et de ses colistiers est rejeté.

Article 7 : Les conclusions de M. tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 8 : La présente décision sera notifiée à M. Michel , à M. Christian J, premier requérant dénommé sous le n° 322298, à M. Damien B, à M. Serge H, à M. Michel AD et à la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. Les autres requérants sous le n° 322298 seront informés de la présente décision par la SCP Monod, Colin, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, qui les représente devant le Conseil d'Etat.


Synthèse
Formation : Section du contentieux
Numéro d'arrêt : 321911
Date de la décision : 08/06/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

ÉLECTIONS ET RÉFÉRENDUM - ÉLECTIONS MUNICIPALES - ÉLIGIBILITÉ - INÉLIGIBILITÉS - AGENTS DU CONSEIL GÉNÉRAL ET DU CONSEIL RÉGIONAL - INCLUSION - SALARIÉ D'UNE ASSOCIATION PRÉSENTANT - EU ÉGARD AUX CONDITIONS DE SA CRÉATION - À SES MISSIONS - À L'ORIGINE DE SES RESSOURCES ET À LA COMPOSITION DE SES ORGANES DE DIRECTION - LA NATURE D'UN SERVICE DU DÉPARTEMENT [RJ1].

28-04-02-02-065 Comité départemental du tourisme ayant le statut d'association, fondé par le département, à qui incombe la mission de concourir à la mise en oeuvre de la politique du tourisme arrêtée par le conseil général et d'assurer la promotion du département en collaboration avec les professionnels du tourisme, les communes, les structures intercommunales et les autres organismes intervenant dans le domaine du tourisme. Son financement est assuré, à plus de 95 %, par des subventions du conseil général et il bénéficie en outre de la mise à sa disposition, par cette même collectivité, d'un agent administratif, de deux étages de bureaux, de matériel de bureau et d'un véhicule de service, ainsi que de l'assistance de ses services de reproduction, de communication et de manutention. Le président du conseil d'administration de ce comité, dont font partie six conseillers généraux et le directeur des services du conseil général, est de droit un conseiller général. Le bureau exécutif de l'association est présidé par le président du conseil général et comporte deux vice-présidents, également choisis parmi les membres du conseil général. Dans ces conditions, cet organisme doit être regardé, en dépit de sa forme juridique, comme ayant la nature d'un service du conseil général. Son directeur général, nommé par le conseil d'administration sur proposition de son président, tombe par conséquent sous le coup de l'inéligibilité édictée par les dispositions du 8° de l'article L. 231 du code électoral.

ÉLECTIONS ET RÉFÉRENDUM - ÉLECTIONS MUNICIPALES - CAMPAGNE ET PROPAGANDE ÉLECTORALES - CAMPAGNE ÉLECTORALE - PRESSIONS SUR LES ÉLECTEURS - ABSENCE - COURRIER ÉMANANT DE LA MUNICIPALITÉ - ANNONÇANT AUX OCCUPANTS DE LOGEMENTS SOCIAUX - QUELQUES JOURS AVANT LES ÉLECTIONS - LE REVERSEMENT D'UN TROP-PERÇU PAR LA SOCIÉTÉ CONCESSIONNAIRE DU SERVICE DE CHAUFFAGE URBAIN AUQUEL LEURS BAILLEURS ÉTAIENT ABONNÉS - INFORMATION EXEMPTE D'INEXACTITUDE ET SOCIÉTÉ CONCESSIONNAIRE AYANT PRIS L'INITIATIVE - DANS LA PERSPECTIVE DE L'ÉCHÉANCE DE LA CONCESSION - D'INDIQUER À LA COMMUNE CONCÉDANTE L'EXISTENCE DE CE TROP-PERÇU ET DE L'INTERROGER SUR L'AFFECTATION QU'IL CONVENAIT DE LUI DONNER.

28-04-04-01-03 Commune ayant concédé l'exploitation d'un système de production et de distribution de chauffage urbain à une société, qui avait elle-même pour clients abonnés deux bailleurs de logements sociaux. Courrier daté du 28 février 2008, envoyé dans les jours précédant immédiatement le premier tour des élections municipales, signé du directeur général de l'urbanisme et des services techniques de la mairie, à plusieurs centaines d'électeurs occupant les logements gérés par ces deux bailleurs, pour annoncer le reversement, dans le courant de l'été 2008, d'une somme de 100 euros par habitation en raison d'un trop-perçu constaté sur le compte des charges destinées à la maintenance du système de production et de distribution de chauffage urbain. Cette lettre, qui ne comportait aucune information inexacte sur la situation de ce compte, faisait suite à un courrier de la société concessionnaire à la commune en date du 7 février 2008, qui indiquait l'existence de ce trop-perçu et interrogeait la commune sur la destination qu'elle souhaiterait lui donner au moment où, le contrat de concession en cause arrivant à échéance, la société procéderait à l'apurement de ses comptes. Dans ces conditions, la diffusion par la commune du courrier du 28 février 2008 n'a pas eu le caractère d'une manoeuvre qui aurait pu altérer la sincérité du scrutin.


Références :

[RJ1]

Cf. Section, 26 janvier 1990, Elections municipales de Chantilly, n° 108190, p. 20 ;

29 juillet 2002, Elections municipales de Dunkerque, n° 239142, T. p. 744.


Publications
Proposition de citation : CE, 08 jui. 2009, n° 321911
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: Mme Emmanuelle Cortot-Boucher
Rapporteur public ?: Mme Escaut Nathalie
Avocat(s) : SCP MONOD, COLIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2009:321911.20090608
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