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15/06/2009 | FRANCE | N°327879

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 15 juin 2009, 327879


Vu la requête, enregistrée le 12 mai 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mlle Gertrude A demeurant à Accra (Ghana) et par M. et Mme A, demeurant 6, rue Claude Farrere à Saint-Priest (69800) ; Mlle Gertrude A et M. et Mme A demandent au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté leur recours dirigé con

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Vu la requête, enregistrée le 12 mai 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mlle Gertrude A demeurant à Accra (Ghana) et par M. et Mme A, demeurant 6, rue Claude Farrere à Saint-Priest (69800) ; Mlle Gertrude A et M. et Mme A demandent au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté leur recours dirigé contre la décision du 6 juin 2008 du ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire refusant un visa de long séjour à Melle Gertrude A en qualité de fille adoptive de ressortissants français ;

2°) d'enjoindre au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire de procéder au réexamen de la demande de visa dans un délai de huit jours, le cas échéant, de délivrer le visa demandé, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

ils soutiennent que leur requête est recevable ; qu'il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée dès lors qu'elle est insuffisamment motivée ; que les vérifications osseuses diligentées par le consulat n'ont aucune valeur probante ; que la contre-expertise effectuée par le département de radiologie de l'hôpital universitaire de Korle-Bu (Ghana) corrobore l'âge officiel de Mlle A ; qu'en conséquence, aucune fraude n'a été commise ; que le motif tiré du non-isolement au Ghana de Mlle A est inopérant en raison du jugement d'adoption plénière ; que ses parents adoptifs disposent de revenus stables et d'un logement ; que l'urgence résulte de la séparation qui leur imposée ; que le refus de visa méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la décision dont la suspension est demandée ;

Vu la requête à fin d'annulation de la même décision ;

Vu, enregistré le 8 juin 2009, le mémoire en défense présenté par le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que la requérante n'est pas fondée à faire valoir que la décision encourrait l'annulation au motif qu'elle serait insuffisamment motivée dès lors qu'elle ne justifie pas avoir demandé la communication des motifs auprès de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France ; que l'acte de naissance de la requérante, établi plus de quinze ans après sa naissance sans qu'aucune décision judiciaire n'autorise son établissement, a été dressé dans le but de permettre son adoption par un ressortissant français ; que l'examen osseux pratiqué par un cabinet d'imagerie médicale agréé par le consulat a fait l'objet d'un rapport détaillé ; que la contre-expertise produite par la requérante ne comporte aucune indication sur l'hôpital dans lequel cette contre-expertise aurait été effectuée ; que le jugement d'adoption ne saurait établir un lien de filiation entre la requérante et ses parents adoptifs dès lors qu'il a été pris sur la base d'un acte de naissance frauduleux ; que la décision ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit des requérants de mener une vie familiale normale dans la mesure où la requérante ne justifie pas avoir maintenu des liens affectifs avec ses parents adoptifs ; qu'il suit de là que la séparation de la requérante avec ses parents adoptifs ne saurait constituer une situation d'urgence ; que le juge des référés ne peut, sans excéder son office, prononcer une injonction de délivrer un visa ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 10 juin 2009, présenté par Mlle Gertrude A, M. et Mme A, qui reprennent les conclusions de leur requête et les mêmes moyens ; ils soutiennent en outre qu'ils n'ont pas demandé la communication des motifs à la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France pour ne pas allonger le délai de recours ; qu'il n'est pas contraire à l'ordre public de faire dresser un acte d'état-civil plusieurs années après la naissance ; que les autorités consulaires auraient dû procéder à une nouvelle expertise par des spécialistes indépendants ; que le fait que les mandats aient été envoyés à une autre personne que leur fille relève d'une habitude qu'ils ont conservée à la majorité de cette dernière ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part Mlle Gertrude A, M. et Mme A et, d'autre part, le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du vendredi 12 juin 2009 à 10 heures 30 au cours de laquelle a été entendue :

- la représentante du ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

Considérant qu'en vertu du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de la justice administrative, la possibilité pour le juge des référés d'ordonner la suspension de l'exécution d'une décision administrative est subordonnée à la double condition que soit invoqué un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de cette décision et qu'il y ait urgence ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. et Mme A, de nationalité française, ont adopté le 7 février 2002 Mlle Gertrude A, leur nièce, de nationalité ghanéenne ; que le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Nantes s'est opposé le 21 novembre 2003 à la transcription du jugement ghanéen d'adoption au motif que la jeune Gertrude était âgée au jour de l'adoption de plus de quinze ans ; que la décision de refus de visa opposée à Mlle Gertrude A est fondée sur la circonstance que la date de naissance figurant sur son acte de naissance produit était fausse, ainsi qu'il ressortait de l'examen osseux auquel les autorités consulaires l'avaient invitée à se soumettre ;

Considérant que le moyen tiré de ce que la décision initiale de refus de visa serait insuffisamment motivé est inopérant, dès lors que la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est entièrement substituée à elle ; que le moyen tiré de ce que l'examen osseux ne présenterait aucune valeur probante et qu'il serait contredit par une contre-expertise, dont les conditions de réalisation ne ressortent pas avec suffisamment de précision des pièces du dossier, n'est pas, en l'état de l'instruction, de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée ; qu'il en est de même, compte tenu de l'incertitude sur l'identité de Mlle Gertrude A, dont la mère biologique réside au Ghana, du moyen tiré de ce que cette décision porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner le moyen tiré de ce que la condition d'urgence exigée par les dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative serait remplie, les conclusions de la requête à fin de suspension doivent être rejetées, ainsi que, par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction et les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de Mlle Gertrude A et de M. et Mme A est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à Mlle Gertrude A, à M. et Mme A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 327879
Date de la décision : 15/06/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 15 jui. 2009, n° 327879
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Chantepy
Rapporteur ?: M. Christophe Chantepy

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2009:327879.20090615
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