Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 31 octobre et 28 novembre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par Mme Caroline A, demeurant ... ; Mme A demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 2 octobre 2008 par lequel le tribunal administratif de Rennes, sur saisine de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, l'a déclarée inéligible en qualité de conseiller municipal de la ville de Rennes pour une période d'un an et l'a déclarée démissionnaire d'office de son mandat de conseiller municipal ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code électoral ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Olivier Rousselle, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Catherine de Salins, Rapporteur public ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 52-12 du code électoral : Chaque candidat ou candidat tête de liste soumis au plafonnement prévu à l'article L. 52-11 est tenu d'établir un compte de campagne retraçant, selon leur origine, l'ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l'ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l'élection, hors celles de la campagne officielle, par lui-même ou pour son compte, au cours de la période mentionnée à l'article L. 52-4 (...) Le candidat estime et inclut, en recettes et en dépenses, les avantages directs ou indirects, les prestations de services et dons en nature dont il a bénéficié. Le compte de campagne doit être en équilibre ou excédentaire et ne peut présenter un déficit / Au plus tard avant 18 heures le neuvième vendredi suivant le tour de scrutin où l'élection a été acquise, chaque candidat ou candidat tête de liste présent au premier tour dépose à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques son compte de campagne et ses annexes... accompagné des justificatifs de ses recettes ainsi que des factures, devis et autres documents de nature à établir le montant des dépenses payées ou engagées par le candidat ou pour son compte (...). ; que le troisième alinéa de l'article L. 52-15 de ce même code dispose que, lorsque le compte de campagne a été rejeté, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques saisit le juge de l'élection ; qu'aux termes de l'article L. 118-3 du code électoral : Saisi par la commission instituée par l'article L. 52-14, le juge de l'élection peut déclarer inéligible pendant un an le candidat dont le compte de campagne, le cas échéant après réformation, fait apparaître un dépassement du plafond des dépenses électorales. / Dans les autres cas, le juge de l'élection peut ne pas prononcer l'inéligibilité du candidat dont la bonne foi est établie ou relever le candidat de cette inéligibilité (...) ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le compte de campagne transmis le 16 mai 2008 à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques par Mme A, candidate tête de liste, élue au second tour des élections municipales à Rennes le 16 mars 2008, faisait apparaître un montant total de dépenses et de recettes déclarées de 85 756 euros ; que ce compte ne faisait pas mention d'une somme de 10 749,40 euros correspondant à l'impression de 110 000 dépliants intitulés Caroline Ollivro adressés par voie de multipostage et de 5000 tracts de lettres et documents de campagne commandés par l'association de financement de Mme A le 1er février et le 17 mars 2008 ; que ces dépenses correspondent à des prestations commandées, partiellement conçues et pilotées par les colistiers et par le directeur de campagne de Mme A, salarié de l'association de financement de sa campagne ; qu'elles ont représenté environ 12 % du montant total des dépenses engagées par l'intéressée lors de sa campagne électorale ;
Considérant que si Mme A, dans le cadre de la procédure contradictoire devant la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a reconnu l'omission de ces dépenses, a produit les factures correspondant aux prestations et a attesté que ces factures ont été en définitive réglées à l'imprimeur le 2 juillet 2008 par un colistier, le tribunal administratif a pu à bon droit estimer que le compte présenté par Mme A, qui n'intégrait pas l'ensemble des dépenses engagées au titre de sa campagne et facturées avant le dépôt de ce compte, n'avait pas les caractéristiques d'un compte sincère ; que compte tenu de la nature des dépenses en cause et de leur montant, qui n'était pas modique, et alors même que leur règlement est intervenu dans le cadre de la procédure contradictoire et que leur intégration au compte n'aurait pas eu pour effet de dépasser le plafond de dépenses autorisé, la Commission nationale des comptes de campagne était, comme l'a jugé le tribunal, fondée à rejeter pour ce motif le compte de la requérante ;
Considérant que si le tribunal, à qui il n'appartenait pas de rechercher d'office si le compte de campagne pouvait être rejeté pour un autre motif que celui retenu par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politique, a à tort jugé que le rejet était également justifié par l'absence de présentation en équilibre du compte, cette erreur est restée sans influence sur la solution du litige dès lors qu'il a à bon droit jugé fondé le motif de rejet du compte retenu par la commission ;
Considérant que si le juge de l'élection, saisi par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques peut estimer qu'il y a lieu de ne pas prononcer l'inéligibilité d'un candidat si sa bonne foi est établie, et si Mme A se prévaut des défaillances de son mandataire financier concernant les factures litigieuses, il résulte toutefois de l'instruction que, dans les circonstances de l'espèce, compte tenu de la nature des prestations en cause et de leur montant et des circonstances dans lesquelles ces documents de campagne ont été élaborés, et eu égard au caractère substantiel de l'obligation qui a été méconnue ainsi qu'à l'absence d'ambiguïté des règles applicables, la requérante ne peut utilement invoquer sa bonne foi et prétendre au bénéfice des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 118-3 du code électoral ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes l'a déclarée inéligible en qualité de conseiller municipal pendant une durée d'un an et démissionnaire d'office de son mandat de conseiller municipal de cette commune ;
Considérant que l'inéligibilité d'une durée d'un an prévue à l'article L. 197 du code électoral doit prendre effet à la date à laquelle la décision du juge de l'élection constatant cette inéligibilité devient définitive ; qu'en raison de l'appel formé contre le jugement du tribunal administratif de Rennes du 2 octobre 2008, cette date doit en l'espèce être fixée au jour de la présente décision ;
Considérant qu'en application des dispositions du premier alinéa de l'article L. 270 du code électoral, il y a lieu de proclamer élu M. Franck B, inscrit sur la liste que conduisait Mme A, immédiatement après le dernier élu de cette liste ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance la partie perdante, la somme que demande Mme A au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.
Article 2 : Mme A est déclarée inéligible aux fonctions de conseiller municipal de la ville de Rennes pendant un an à compter de la présente décision.
Article 3 : M. Franck B est proclamé élu conseiller municipal de Rennes.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme Caroline A, à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et à M. Franck B.
Copie pour information en sera adressée à la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.