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19/06/2009 | FRANCE | N°323481

France | France, Conseil d'État, 5ème et 4ème sous-sections réunies, 19 juin 2009, 323481


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 22 décembre 2008 et 20 janvier 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Véronique A, demeurant ... ; Mme A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 14 novembre 2008 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, sur saisine de la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, l'a déclarée inéligible en qualité de conseiller municipal pour une période d'un an et l'a déclarée démissionnaire d'office de son mandat au c

onseil municipal de Saint-Ouen-l'Aumône ;

2°) de rejeter la saisine d...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 22 décembre 2008 et 20 janvier 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Véronique A, demeurant ... ; Mme A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 14 novembre 2008 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, sur saisine de la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, l'a déclarée inéligible en qualité de conseiller municipal pour une période d'un an et l'a déclarée démissionnaire d'office de son mandat au conseil municipal de Saint-Ouen-l'Aumône ;

2°) de rejeter la saisine de la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code électoral ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Xavier de Lesquen, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de Mme A,

- les conclusions de M. Jean-Philippe Thiellay, Rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de Mme A ;

Considérant que, par une décision du 17 septembre 2008, la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté le compte de campagne présenté par Mme A, candidat tête de liste à l'élection municipale de Saint-Ouen-l'Aumône (Val d'Oise), et saisi le juge de l'élection, au motif que des dépenses électorales d'un montant significatif n'avaient pas été réglées par le mandataire financier de la liste ; que par le jugement attaqué du 14 novembre 2008, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a déclaré Mme A inéligible en qualité de conseiller municipal pour une période d'un an et démissionnaire d'office de son mandat de conseillère municipale ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 118-3 du code électoral : Saisi par la commission instituée par l'article L. 52-14, le juge de l'élection peut déclarer inéligible pendant un an le candidat dont le compte de campagne, le cas échéant après réformation, fait apparaître un dépassement du plafond des dépenses électorales. / Dans les autres cas, le juge de l'élection peut ne pas prononcer l'inéligibilité du candidat dont la bonne foi est établie, ou relever le candidat de cette inéligibilité. / Si le juge de l'élection a déclaré inéligible un candidat proclamé élu, il annule son élection ou, si l'élection n'a pas été contestée, le déclare démissionnaire d'office ;

Considérant que le tribunal administratif n'a pas justifié l'absence d'établissement de la bonne foi au regard des motifs de droit et de fait de nature à la caractériser, et notamment la clarté des règles en cause ; que le jugement attaqué est insuffisamment motivé et doit, par suite, être annulé ;

Considérant que le délai imparti au tribunal administratif par l'article R. 114 du code électoral pour statuer sur la saisine de la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques est expiré ; que, dès lors, il y a lieu pour le Conseil d'État de statuer immédiatement sur cette saisine ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 52-4 du code électoral : Tout candidat à une élection désigne un mandataire au plus tard à la date à laquelle sa candidature est enregistrée (...). / Le mandataire recueille, pendant l'année précédant le premier jour du mois de l'élection et jusqu'à la date du dépôt du compte de campagne du candidat, les fonds destinés au financement de la campagne. / Il règle les dépenses engagées en vue de l'élection et antérieures à la date du tour de scrutin où elle a été acquise, à l'exception des dépenses prises en charge par un parti ou un groupement politique. Les dépenses antérieures à sa désignation payées directement par le candidat ou à son profit font l'objet d'un remboursement par le mandataire et figurent dans son compte bancaire ou postal (...) ;

Considérant que si, par dérogation à la formalité substantielle que constitue l'obligation de recourir à un mandataire pour toute dépense effectuée en vue de la campagne, le règlement direct de menues dépenses par le candidat peut être admis, ce n'est qu'à la double condition que leur montant, tel qu'il est apprécié à la lumière des dispositions de l'article L. 52-4 du code électoral dans leur rédaction issue de l'ordonnance du 8 décembre 2003, c'est-à-dire prenant en compte non seulement les dépenses intervenues après la désignation du mandataire financier mais aussi celles réglées avant cette désignation et qui n'auraient pas fait l'objet d'un remboursement par le mandataire, soit faible par rapport au total des dépenses du compte de campagne et négligeable au regard du plafond de dépenses autorisées fixé par l'article L. 52-11 du code électoral ; qu'en l'espèce, il résulte de l'instruction que Mme A a réglé directement certaines dépenses de sa campagne pour un montant de 2 111,61 euros, dont 1 346,33 euros au titre de dépenses avant la désignation d'un mandataire et 765,28 euros au titre de dépenses après sa désignation ; que le total de ces paiements, qui n'ont pas fait l'objet d'un remboursement effectif par le mandataire et ne figurent pas, par conséquence, dans son compte bancaire, représente 14,6% du montant total des dépenses du compte et 7,2% du plafond des dépenses ; que c'est, dès lors, à bon droit que la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté le compte de campagne de l'intéressée et a saisi le juge de l'élection, alors même que les dépenses litigieuses ont été inscrites dans le compte de campagne de la requérante et que sa campagne électorale a été en grande partie autofinancée ;

Considérant qu'eu égard à l'absence d'ambiguïté des dispositions méconnues par Mme A et compte tenu de ce que les manquements en cause lui sont imputables, l'intéressée n'est pas fondée à se prévaloir des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 118-3 du code électoral, en vertu desquelles le juge de l'élection peut ne pas prononcer l'inéligibilité du candidat dont la bonne foi est établie ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de déclarer Mme A démissionnaire d'office de son mandat de conseiller municipal de Saint-Ouen-l'Aumône (Val d'Oise) et inéligible aux fonctions de conseiller municipal pendant une période d'un an à compter de la date de la présente décision ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 270 du code électoral : (...) La constatation, par la juridiction administrative, de l'inéligibilité d'un ou plusieurs candidats n'entraîne l'annulation que du ou des candidats inéligibles. La juridiction saisie proclame en conséquence l'élection du ou des suivants de liste (...) ; qu'en application de ces dispositions, il y a lieu de proclamer élu le premier candidat non élu de la liste Ensemble, réussir notre ville conduite par Mme A ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais exposés par Mme A et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 14 novembre 2008 est annulé.

Article 2 : Mme A est déclarée démissionnaire d'office de son mandat de conseiller municipal de Saint-Ouen-l'Aumône (Val d'Oise) et inéligible aux fonctions de conseiller municipal pendant une période d'un an à compter de la date de la présente décision.

Article 3 : Le premier candidat non élu de la liste Ensemble, réussir notre ville , conduite par Mme A, est déclaré élu au conseil municipal de Saint-Ouen-l'Aumône.

Article 4 : Les conclusions de Mme A tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme Véronique A et à la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 19 jui. 2009, n° 323481
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: M. Xavier de Lesquen
Rapporteur public ?: M. Thiellay Jean-Philippe
Avocat(s) : SCP BORE ET SALVE DE BRUNETON

Origine de la décision
Formation : 5ème et 4ème sous-sections réunies
Date de la décision : 19/06/2009
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 323481
Numéro NOR : CETATEXT000020869432 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2009-06-19;323481 ?
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