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03/07/2009 | FRANCE | N°306363

France | France, Conseil d'État, 8ème et 3ème sous-sections réunies, 03 juillet 2009, 306363


Vu le pourvoi, enregistré le 8 juin 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE ; le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 4 avril 2007 en tant que la cour administrative d'appel de Douai a rejeté son recours tendant à l'annulation du jugement du 17 décembre 2004 du tribunal administratif de Rouen en tant qu'il a réduit les bases de l'impôt sur le revenu assigné à M. Alain A au titre de l'année 1989 à concurrence d

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Vu le pourvoi, enregistré le 8 juin 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE ; le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 4 avril 2007 en tant que la cour administrative d'appel de Douai a rejeté son recours tendant à l'annulation du jugement du 17 décembre 2004 du tribunal administratif de Rouen en tant qu'il a réduit les bases de l'impôt sur le revenu assigné à M. Alain A au titre de l'année 1989 à concurrence de la somme de 8 110 960 F (1 236 507,90 euros) et prononcé la décharge des droits et des pénalités correspondant à cette réduction et à ce que l'imposition correspondant à cette somme ainsi que les pénalités correspondantes soient remises à la charge de M. A ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son pourvoi et de remettre à la charge de M. A les impositions relatives à son redressement, en bases, de 8 110 960 F (1 236 507,90 euros) au titre de 1989 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Marc Anton, Auditeur,

- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de M. A,

- les conclusions de M. Laurent Olléon, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de M. A ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A, président du conseil d'administration des sociétés HDM et HDMI, filiales de la société Eurocom, a acquis en 1984 4 400 actions de la société HDM au prix unitaire de 262 F et en 1987, 4 400 actions au prix unitaire de 752,95 F dans le cadre d'un plan d'actionnariat des cadres de cette société comportant une promesse de rachat de ces titres ; qu'il a cédé à la société HDMI le 27 février 1989 et le 17 janvier 1990, la totalité de ces actions, par moitiés, à un prix unitaire de 6 985 F ; qu'à la suite de la vérification de la comptabilité de la société Eurocom, venant aux droits de la société HDMI, l'administration a estimé que le prix payé par cette société avait été délibérément majoré, sans contrepartie, par rapport à la valeur vénale de ces titres et que, par suite, l'écart entre leur valeur réelle et celle dont le cédant avait bénéficié lors de ce rachat devait être regardé comme une libéralité accordée par la société HDMI ; qu'elle a en conséquence notifié à M. A un redressement des bases de l'impôt sur le revenu au titre des années 1989 et 1990 sur le fondement du c) de l'article 111 du code général des impôts ; que les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu correspondantes ont été mises en recouvrement le 31 décembre 1995 ; qu'à la suite de la réclamation du contribuable puis au cours de l'instance devant le tribunal administratif de Rouen, l'administration a admis que la valeur des titres devait être arrêtée à 2 436 F pour l'année 1989 et 5 027,20 F pour 1990 ; que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE se pourvoit en cassation contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai du 4 avril 2007 en tant seulement qu'il a rejeté son recours tendant à l'annulation du jugement du 17 décembre 2004 du tribunal administratif de Rouen en tant que les premiers juges avaient réduit les bases de l'impôt sur le revenu assigné à M. A au titre de l'année 1989, à concurrence de la somme de 8 110 960 F (1 236 507,90 euros) et prononcé la décharge des droits et des pénalités correspondant à cette réduction ;

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 111 du code général des impôts : Sont notamment considérés comme revenus distribués (...) c) les rémunérations et avantages occultes (... ) ; qu'en cas d'acquisition par une société de titres à un prix que les parties ont délibérément majoré par rapport à la valeur vénale de l'objet de la transaction, ou, s'il s'agit d'une vente, délibérément minoré, sans que cet écart de prix comporte de contrepartie, l'avantage ainsi octroyé doit être requalifié comme une libéralité représentant un avantage occulte constitutif d'une distribution de bénéfices au sens des dispositions du c) de l'article 111 du code général des impôts précitées ; que la preuve d'une telle distribution occulte doit être regardée comme apportée par l'administration lorsqu'est établie l'existence, d'une part, d'un écart significatif entre le prix convenu et la valeur vénale des titres cédés, d'autre part, d'une intention pour la société d'octroyer, et pour le cocontractant, de recevoir, une libéralité du fait des conditions de la cession ;

Considérant, d'autre part, que la valeur vénale d'actions non admises à la négociation sur un marché réglementé doit être appréciée compte tenu de tous les éléments dont l'ensemble permet d'obtenir un chiffre aussi voisin que possible de celui qu'aurait entraîné le jeu normal de l'offre et de la demande à la date où la cession est intervenue ; que les différences de prix constatées pour des transactions portant sur de telles actions effectuées à des dates proches ne révèlent pas par elles-mêmes l'existence d'une libéralité ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société HDMI s'est engagée, dans le cadre du plan d'actionnariat proposé aux dirigeants de la société HDM, à racheter leurs actions à une valeur de marché fixée à dire d'expert ; qu'en jugeant que l'administration ne critiquait pas la pertinence des approches méthodologiques des experts, la cour administrative d'appel n'a pas dénaturé les écritures de l'administration ; qu'en jugeant, après avoir relevé que l'administration avait insuffisamment pris en compte dans ses évaluations les perspectives favorables du marché de la publicité jusqu'au début des années 1990 et le développement très rapide de la société HDM, devenue en 1989 le premier groupe français de conseil en communication après avoir multiplié par plus de treize son résultat net consolidé par rapport à 1985, que la circonstance que d'autres opérations de rachat d'actions au profit de cadres dirigeants de la société HDM avaient été effectuées sur la base d'un prix par action inférieur à celui des cessions litigieuses ne suffisait pas à démontrer la surévaluation du prix obtenu par M. A et en estimant que les différences de prix constatées reflétaient le pouvoir de négociation des vendeurs et leur niveau de connaissance du marché et des données particulières à l'entreprise, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ni dénaturé les pièces du dossier ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à M. A au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera à M. A la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT et à M. Alain A.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-03-01-01 CONTRIBUTIONS ET TAXES. IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES. REVENUS ET BÉNÉFICES IMPOSABLES - RÈGLES PARTICULIÈRES. REVENUS DES CAPITAUX MOBILIERS ET ASSIMILABLES. REVENUS DISTRIBUÉS. NOTION DE REVENUS DISTRIBUÉS. - AVANTAGES OCCULTES (ART. 111, C DU CGI) - NOTION - LIBÉRALITÉ CONSISTANT EN UNE ACQUISITION À UN PRIX DÉLIBÉRÉMENT MAJORÉ OU UNE VENTE À UN PRIX DÉLIBÉRÉMENT MINORÉ SANS CONTREPARTIE - INCLUSION - CHARGE DE LA PREUVE DE L'AVANTAGE INCOMBANT À L'ADMINISTRATION [RJ1] - DÉMONSTRATION D'UN ÉCART SIGNIFICATIF ENTRE LE PRIX CONVENU ET LA VALEUR VÉNALE - TITRES D'UNE SOCIÉTÉ NON COTÉE - EVALUATION DE LA VALEUR VÉNALE - PRISE EN COMPTE DE TOUS LES ÉLÉMENTS DONT L'ENSEMBLE PERMET D'APPROCHER LE PRIX QUI AURAIT RÉSULTÉ DU JEU NORMAL DE L'OFFRE ET DE LA DEMANDE [RJ2] - DIFFÉRENCES DE PRIX CONSTATÉES POUR DES TRANSACTIONS PORTANT SUR DE TELLES ACTIONS EFFECTUÉES À DES DATES PROCHES - ELÉMENT À LUI SEUL INSUFFISANT POUR RÉVÉLER L'EXISTENCE D'UNE LIBÉRALITÉ [RJ3].

19-04-02-03-01-01 En cas d'acquisition par une société de titres à un prix que les parties ont délibérément majoré par rapport à la valeur vénale de l'objet de la transaction, ou, s'il s'agit d'une vente, délibérément minoré, sans que cet écart de prix comporte de contrepartie, l'avantage ainsi octroyé doit être requalifié comme une libéralité représentant un avantage occulte constitutif d'une distribution de bénéfices au sens des dispositions du c de l'article 111 du code général des impôts (CGI). La preuve d'une telle distribution occulte doit être regardée comme apportée par l'administration lorsqu'est établie l'existence, d'une part, d'un écart significatif entre le prix convenu et la valeur vénale des titres cédés, d'autre part, d'une intention pour la société d'octroyer, et pour le cocontractant, de recevoir, une libéralité du fait des conditions de la cession. La valeur vénale d'actions non admises à la négociation sur un marché réglementé doit être appréciée compte tenu de tous les éléments dont l'ensemble permet d'obtenir un chiffre aussi voisin que possible de celui qu'aurait entraîné le jeu normal de l'offre et de la demande à la date où la cession est intervenue. Dans ce cadre, les différences de prix constatées pour des transactions portant sur de telles actions effectuées à des dates proches ne révèlent pas par elles-mêmes l'existence d'une libéralité. De telles différences de prix peuvent en effet, notamment, refléter le pouvoir de négociation des vendeurs et leur niveau de connaissance du marché et des données particulières à l'entreprise.


Références :

[RJ1]

Cf. Section, 28 février 2001, Min. c/ Thérond, n° 199295, p. 96.,,

[RJ2]

Cf. 26 mai 1982, SA X…, n° 29053, inédite au Recueil, RJF 7/82 n° 636., ,

[RJ3]

Rappr., s'agissant de la référence à des transactions similaires récentes, 14 juin 1978, Min. c/ Sieur X…, n° 9403, p. 254 ;

insistant sur la comparabilité de ces transactions, 29 décembre 1999, Robardey, n° 171859, T. p. 758.


Publications
Proposition de citation: CE, 03 jui. 2009, n° 306363
Mentionné aux tables du recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Daël
Rapporteur ?: M. Jean-Marc Anton
Rapporteur public ?: M. Olléon Laurent
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN, FABIANI, THIRIEZ

Origine de la décision
Formation : 8ème et 3ème sous-sections réunies
Date de la décision : 03/07/2009
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 306363
Numéro NOR : CETATEXT000020829723 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2009-07-03;306363 ?
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