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06/07/2009 | FRANCE | N°322223

France | France, Conseil d'État, 8ème et 3ème sous-sections réunies, 06 juillet 2009, 322223


Vu la requête, enregistrée le 6 novembre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Alain E, demeurant ... ; M. E demande au Conseil d'Etat d'annuler le jugement du 23 septembre 2008 par lequel le tribunal administratif de Cayenne a rejeté sa protestation tendant à l'annulation des opérations électorales qui se sont déroulées le 9 mars 2008 pour l'élection des conseillers municipaux dans la commune de Saint-Laurent-du-Maroni (97320) ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code électoral ;

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Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Luc Sauron, M...

Vu la requête, enregistrée le 6 novembre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Alain E, demeurant ... ; M. E demande au Conseil d'Etat d'annuler le jugement du 23 septembre 2008 par lequel le tribunal administratif de Cayenne a rejeté sa protestation tendant à l'annulation des opérations électorales qui se sont déroulées le 9 mars 2008 pour l'élection des conseillers municipaux dans la commune de Saint-Laurent-du-Maroni (97320) ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code électoral ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Luc Sauron, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de M. C,

- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de M. C ;

Considérant que M. E, électeur de la commune de Saint-Laurent-du- Maroni (Guyane), relève appel du jugement en date du 23 septembre 2008 par lequel le tribunal administratif de Cayenne a rejeté sa protestation tendant à l'annulation des opérations électorales qui se sont déroulées le 9 mars 2008 dans cette commune, à l'issue desquelles la liste Continuons à bâtir Saint-Laurent dans la diversité, conduite par M. C, a recueilli la majorité absolue des suffrages exprimés ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 260 du code électoral, applicable aux communes de 3 500 habitants et plus : Les conseillers municipaux sont élus au scrutin de liste à deux tours, avec dépôt de liste comportant autant de candidats que de sièges à pourvoir, sans adjonction ni suppression de noms et sans modification de l'ordre de présentation, sous réserve des dispositions prévues au deuxième alinéa de l'article L. 264. ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 264 de ce code : Une déclaration de candidature est obligatoire pour chaque tour de scrutin. La liste est composée alternativement d'un candidat de chaque sexe. (...) ; qu'aux termes de l'article L. 66 du même code : Les bulletins (...) ne contenant pas une désignation suffisante (...) n'entrent pas en compte dans le résultat du dépouillement ; qu'aux termes de l'article L. 268 du même code : Est nul tout bulletin qui ne répond pas aux conditions de l'article L. 260. ; qu'aux termes de l'article R. 66-2 du même code : Sont nuls et n'entrent pas en compte dans le résultat du dépouillement : [...] 4° Les bulletins comportant une modification de l'ordre de présentation des candidats ; qu'il résulte de ces dispositions combinées que, pour les élections des conseillers municipaux dans les communes de 3 500 habitants et plus, la liste des candidats déposée à la préfecture ou à la sous-préfecture ne peut plus être modifiée, notamment quant à l'ordre de présentation des candidats, après la date limite de son dépôt prévue pour chaque tour de scrutin ; que, d'une part, les bulletins déposés dans les bureaux de vote ou envoyés aux électeurs avec le concours de la commission de propagande doivent être regardés comme nuls s'ils comportent des modifications de la liste des candidats par rapport à celle qui a été déposée à la préfecture ou à la sous-préfecture, sauf si la modification ne résulte pas d'une manoeuvre et que les électeurs ont pu émettre, au moyen de ces bulletins irrégulièrement modifiés, un vote contenant une désignation suffisante de cette liste ; que, dans le cas où les bulletins de vote mis à la disposition de l'électeur et comportant une liste dont l'ordre de présentation a ainsi été modifié ne sont pas regardés comme nuls, les sièges revenant à cette liste doivent être attribués en fonction de l'ordre de présentation de la liste déposée et non en fonction de l'ordre mentionné sur les bulletins de vote ; que, d'autre part, sont nuls les votes des électeurs qui auraient apporté des modifications, par voie de panachage, de vote préférentiel, d'adjonction ou de suppression de noms ou de tout autre procédé, aux listes proposées à leur choix sur les bulletins de vote ;

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que, le 9 mars 2008, lors du premier tour de scrutin des élections municipales à Saint-Laurent-du-Maroni, les bulletins de la liste Continuons à bâtir Saint-Laurent dans la diversité comportaient aux 8ème et 9ème rangs les noms de candidats qui étaient placés, sur la liste déposée à la préfecture, dans l'ordre inverse ; que, du seul fait de cette inversion, les bulletins de vote comportaient les noms de deux hommes aux 7ème et 8ème rangs puis de deux femmes aux 9ème et 10ème rangs ; qu'il n'est pas contesté que cette unique inversion de l'ordre de présentation des deux candidats, sur une liste de trente-trois, résultait d'une erreur matérielle et non d'une manoeuvre ; qu'il résulte de l'instruction que la liste figurant sur les bulletins comportant la totalité des noms des candidats, les électeurs ont pu émettre au moyen de ces bulletins, malgré l'inversion de deux noms qu'ils comportaient, un vote contenant une désignation suffisante de la liste ; que, dès lors, les bulletins litigieux ne devaient pas être regardés comme nuls ; que, si du fait de cette inversion, la règle posée au premier alinéa de l'article L. 264 du code électoral d'une alternance d'un candidat de chaque sexe n'était pas respectée entre les 8ème et 10ème rangs sur les bulletins de vote mis à disposition des électeurs, cette exception limitée à la règle n'a pas été, en l'espèce, de nature à altérer la sincérité du scrutin ; que, par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des articles L. 264 et R. 66-2 du code électoral ne peuvent qu'être écartés ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'ainsi qu'il a été dit, les bulletins de la liste Continuons à bâtir Saint-Laurent dans la diversité ne devaient pas être regardés comme nuls malgré l'inversion de noms qu'ils comportaient ; que, par suite, M. E ne peut utilement soutenir que le président du 4ème bureau de vote a commis de fausses déclarations en refusant d'inscrire ces bulletins comme nuls sur le formulaire de décompte des suffrages annexé au procès-verbal des opérations électorales ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il ne résulte pas de l'instruction que la décision prise par le président du 4ème bureau de vote de retirer à M. E ses fonctions de scrutateur et de lui demander de quitter la salle de scrutin aurait excédé le pouvoir de police que le président exerce en vertu de l'article R. 49 du code électoral ou n'aurait pas été nécessaire au maintien de l'ordre public, compte tenu du comportement de M. E ;

Considérant, en quatrième lieu, que le tribunal administratif n'a pas insuffisamment motivé son jugement en jugeant que M. E n'apportait pas d'éléments suffisants au soutien de ses conclusions tendant à l'annulation de l'ensemble des opérations électorales dans la commune ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. E n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement qu'il attaque, le tribunal administratif a rejeté sa protestation ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. E la somme que M. C demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. E est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de M. C relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Alain E, à M. Léon C et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.


Synthèse
Formation : 8ème et 3ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 322223
Date de la décision : 06/07/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

28-04-05-01-02 ÉLECTIONS ET RÉFÉRENDUM. ÉLECTIONS MUNICIPALES. OPÉRATIONS ÉLECTORALES. DÉROULEMENT DU SCRUTIN. BULLETINS DE VOTE. - BULLETINS MIS À DISPOSITION DES ÉLECTEURS NON CONFORMES À LA LISTE DÉPOSÉE - COMMUNES DE 3 500 HABITANTS ET PLUS - PRINCIPE - NULLITÉ (ART. R. 66-2 DU CODE ÉLECTORAL) - EXCEPTION - VALIDITÉ - CONDITIONS - ABSENCE DE MANŒUVRE [RJ1] ET CLARTÉ DE L'EXPRESSION DU SUFFRAGE [RJ2] - CONDITIONS REMPLIES EN L'ESPÈCE - ATTRIBUTION DES SIÈGES EN FONCTION DE L'ORDRE DE PRÉSENTATION DE LA LISTE DÉPOSÉE [RJ3].

28-04-05-01-02 Il résulte des dispositions des articles L. 260, L. 264, L. 66, L. 268 et R. 66-2 du code électoral que, pour les élections des conseillers municipaux dans les communes de 3 500 habitants et plus, si les bulletins déposés dans les bureaux de vote ou envoyés aux électeurs doivent être regardés comme nuls lorsqu'ils comportent des modifications de la liste des candidats par rapport à celle qui a été déposée à la préfecture ou à la sous-préfecture, qui ne peut plus être modifiée, notamment quant à l'ordre de présentation des candidats, après la date limite de son dépôt prévue pour chaque tour de scrutin, il n'en va toutefois pas de même si ces modifications ne résultent pas d'une manoeuvre et que les électeurs ont pu émettre, au moyen de ces bulletins irrégulièrement modifiés, un vote contenant une désignation suffisante de cette liste. Dans ce cas, les sièges revenant à cette liste doivent être attribués en fonction de l'ordre de présentation de la liste déposée et non en fonction de l'ordre mentionné sur les bulletins de vote.


Références :

[RJ1]

Cf. 2 mai 1973, Elections municipales de Cannes, n° 83662, p. 314.,,

[RJ2]

Cf. 4 mars 2009, Elections municipales de Saint-Jean-de-Védas, n° 318621, à mentionner aux Tables.,,

[RJ3]

Rappr. 6 mai 1985, Elections municipales de Moreuil, n° 61635, T. p. 517.


Publications
Proposition de citation : CE, 06 jui. 2009, n° 322223
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Vigouroux
Rapporteur ?: M. Jean-Luc Sauron
Rapporteur public ?: Mme Escaut Nathalie
Avocat(s) : SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2009:322223.20090706
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