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08/07/2009 | FRANCE | N°279018

France | France, Conseil d'État, 10ème et 9ème sous-sections réunies, 08 juillet 2009, 279018


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 25 mars et 25 juillet 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Guy A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 20 janvier 2005 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux, après avoir annulé le jugement du 28 janvier 2001 du tribunal administratif de Bordeaux, a rejeté ses conclusions tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1994 et 1995 ;
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Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 25 mars et 25 juillet 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Guy A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 20 janvier 2005 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux, après avoir annulé le jugement du 28 janvier 2001 du tribunal administratif de Bordeaux, a rejeté ses conclusions tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1994 et 1995 ;

2°) réglant l'affaire au fond, de prononcer la décharge de ces cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 7 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Claude Hassan, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Monod, Colin, avocat de M. Guy A,

- les conclusions de Mme Julie Burguburu, Rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Monod, Colin, avocat de M. Guy A ; ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société de fait formée entre M. A et son frère a exploité jusqu'à sa dissolution, intervenue le 31 août 1989, des terres et des bâtiments à usage agricole, inscrits à l'actif du bilan fiscal et dont les deux associés étaient propriétaires de manière divisible ; qu'après la dissolution de cette société, M. A a affecté les biens lui appartenant, à leur valeur comptable, à une exploitation agricole individuelle ; qu'en juin 1994, M. A a fait don à ses deux enfants, par donation partage, de deux immeubles d'habitation inscrits à l'actif de son exploitation ; que, le 31 décembre 1994, M. A a fait apport de la propriété agricole qu'il exploitait à titre individuel à un groupement foncier agricole créé le même jour et dénommé GFA Château Faubernet ; que M. A s'est placé, pour cet apport, sous le régime de report d'imposition de la plus-value instauré par l'article 151 octies du code général des impôts ;

Considérant que l'administration fiscale a notifié le 18 mars 1997 à M. A un redressement résultant de l'imposition de la plus-value réalisée à l'occasion du retrait de son actif professionnel et du transfert dans son patrimoine privé des deux immeubles d'habitation objets de la donation partage ; qu'elle a ensuite remis en cause, par une notification de redressement en date du 19 mars 1997, le report d'imposition de la plus-value à long terme constatée lors de l'apport du 31 décembre 1994 au GFA Château Faubernet ; que M. A a introduit auprès du tribunal administratif de Bordeaux deux demandes tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a en conséquence été assujetti au titre des années 1994 et 1995 ; que le tribunal a joint les deux demandes et les a rejetées par un jugement du 28 juin 2001 ; que ce jugement a été annulé par l'arrêt du 20 janvier 2005 de la cour administrative d'appel de Bordeaux dont M. A demande l'annulation en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à la décharge des impositions litigieuses ;

En ce qui concerne les impositions supplémentaires au titre de l'année 1994 :

Considérant, en premier lieu, que c'est par une simple erreur de plume que la cour administrative d'appel a mentionné la notification de redressements relative à l'année en cause comme étant datée du 19 mars 1997, et non du 18 mars de la même année ; qu'en estimant que les observations du contribuable à cette notification de redressements avaient été présentées tardivement, elle n'a ni dénaturé les faits de l'espèce ni entaché son arrêt d'une insuffisance de motivation ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'en jugeant que les redressements procédaient d'un contrôle sur pièces et qu'il ne résultait pas de l'instruction que les informations recueillies au cours de la vérification de la comptabilité de l'exploitation, même si elles confirmaient les constatations du contrôle sur pièces, étaient nécessaires à l'établissement du redressement, la cour administrative d'appel n'a pas omis de répondre au moyen tiré de ce que le vérificateur avait irrégulièrement étendu à l'année 1994 la vérification des comptes de 1995 sans procéder à l'envoi préalable de l'avis mentionné à l'article L. 47 du livre des procédures fiscales ;

Considérant, en troisième lieu, qu'en estimant que le moyen selon lequel la plus-value aurait dû être imposée lors de la dissolution de la société de fait A en 1989 est inopérant s'agissant de l'imposition de la plus-value réalisée par la propre exploitation individuelle du requérant et que le montant de la plus-value dégagée lors du transfert dans le patrimoine personnel du contribuable des deux immeubles faisant l'objet de la donation-partage n'était pas sérieusement contesté, la cour administrative d'appel a suffisamment répondu au moyen relatif au montant de cette plus-value dont elle était saisie ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions du pourvoi tendant à l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il a statué sur les conclusions relatives à l'année 1994 doivent être rejetées ;

En ce qui concerne les impositions supplémentaires au titre de l'année 1995 :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;

Considérant que la cour administrative d'appel n'a pas répondu au moyen, qui n'est pas inopérant, tiré de ce que la valeur vénale des biens ayant fait l'objet de l'apport du 31 décembre 1994 mentionné plus haut était identique à leur valeur au 1er septembre 1989, lors de leur transfert à leur valeur comptable à l'exploitation individuelle de M. A ; que son arrêt doit, pour ce motif, être annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de la requête tendant à la décharge des impositions supplémentaires auxquelles le requérant a été assujetti au titre de l'année 1995 ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond ;

Considérant, en premier lieu, qu'en indiquant que les recettes de l'exploitation individuelle du requérant n'avaient jamais été inférieures aux limites du forfait , l'administration fiscale a suffisamment répondu aux observations du contribuable, formulées en réponse à la notification de redressements et tirées de ce que les recettes de son exploitation n'avaient excédé la limite du forfait qu'à compter de l'année 1991 ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 1843 du code civil : Les personnes qui ont agi au nom d'une société en formation avant l'immatriculation sont tenues des obligations nées des actes ainsi accomplis, avec solidarité si la société est commerciale, sans solidarité dans les autres cas. La société régulièrement immatriculée peut reprendre les engagements souscrits, qui sont alors réputés avoir été dès l'origine contractés par celle-ci ; qu'aux termes du premier alinéa du 1 de l'article 201 du code général des impôts : Dans le cas de cession ou de cessation, en totalité ou en partie, (...) d'une exploitation agricole dont les résultats sont imposés d'après le régime du bénéfice réel, l'impôt sur le revenu dû en raison des bénéfices réalisés dans cette (...) exploitation et qui n'ont pas encore été imposés est immédiatement établi ; qu'un apport à une nouvelle entité ne peut être réalisé qu'à compter de la date à laquelle cette entité est effectivement constituée ; qu'il est constant que le groupement foncier agricole dit GFA Château Faubernet , bénéficiaire de l'apport de M. A, n'a été immatriculé au registre du commerce et des sociétés que le 3 février 1995 ; que dès lors c'est à cette date, qui est celle de la constitution légale du groupement, qu'a pu être réalisée par M. A une plus-value taxable résultant de la cession par voie d'apport de son exploitation agricole ; que la circonstance que les parties sont convenues d'ouvrir le premier exercice d'activité d'un groupement foncier agricole à une date antérieure à la date d'immatriculation, comme en l'espèce où les statuts du groupement disposent que le premier exercice commence le jour de la constitution de la société et se clôture le 31 décembre de l'année suivante , reste sans incidence sur la date de réalisation de la cession pour l'application des dispositions précitées de l'article 201 du code général des impôts ; qu'il ne résulte pas de la réponse ministérielle du 13 mars 1976 à M. B, député, une interprétation différente de la loi fiscale dont le requérant pourrait se prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ; que l'administration fiscale n'a par suite pas méconnu le principe de l'annualité de l'impôt en imposant au titre de l'année 1995 la plus-value réalisée à l'occasion de l'apport ;

Considérant, en troisième lieu, que le moyen tiré de ce que la valeur vénale de l'exploitation de M. A au 31 décembre 1994 était égale à celle qu'elle avait au 31 octobre 1989, lors de sa création, ne saurait en tout état de cause qu'être écarté, dès lors que les terrains et les bâtiments appartenant à M. A ont été transférés de la société de fait que M. A formait avec son frère à son propre actif professionnel à leur valeur comptable et non à leur valeur vénale ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes du premier alinéa du 1 de l'article 38 sexdecies GA de l'annexe III au code général des impôts : Les plus-values réalisées à l'occasion de la cession de terres ou de bâtiments d'exploitation ne sont pas retenues pour la fraction acquise avant le 1er janvier de la première année au titre de laquelle le montant des recettes a dépassé la limite du forfait ; que M. A invoque, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, les énonciations de la documentation de base 5 E 3223 selon lesquelles, pour l'application des dispositions précitées, l'année de dépassement de la limite du forfait est constituée par la première année suivant la période biennale pour laquelle la moyenne des recettes de l'agriculteur excède 500 000 francs ; qu'il est constant que les recettes de l'exploitation agricole de M. A se sont élevées, dès la première année de son exploitation à titre individuel, à un montant supérieur à la limite du forfait de sorte qu'il n'a jamais été soumis au régime du forfait ni en situation de l'être ; qu'ainsi il ne peut en tout état de cause obtenir, ni par l'application des dispositions réglementaires précitées ni par application de la définition, donnée par la documentation administrative précitée, de la première année de dépassement de la limite du forfait, que ne soit pas retenue la fraction de plus-value réalisée avant le 1er janvier 1991 ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de la requête de M. A tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 1995 doivent être rejetées ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. A demande sur le fondement de ces dispositions ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux en date du 20 janvier 2005 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de la requête de M. A tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 1995.

Article 2 : Les conclusions de la requête de M. A relatives aux suppléments d'impôt sur le revenu établis au titre de 1995 et le surplus des conclusions de son pourvoi devant le Conseil d'Etat sont rejetés.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Guy A et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.


Synthèse
Formation : 10ème et 9ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 279018
Date de la décision : 08/07/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-01 CONTRIBUTIONS ET TAXES. IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES. RÈGLES GÉNÉRALES. QUESTIONS COMMUNES. - REVENUS IMPOSABLES - PLUS-VALUE D'APPORT - DATE DE RÉALISATION - DATE ANTÉRIEURE À CELLE DE LA CONSTITUTION LÉGALE DE L'ENTITÉ BÉNÉFICIAIRE DE L'APPORT - POSSIBILITÉ - ABSENCE [RJ1].

19-04-01-01 Un apport à une nouvelle entité ne peut être réalisé qu'à compter de la date à laquelle cette entité est effectivement constituée. Apport à une société nouvelle immatriculée le 3 février 1995 au registre du commerce et des sociétés. C'est à cette date, qui est celle de la constitution légale de la société nouvelle, qu'a pu être réalisée par l'apporteur une plus-value taxable. La circonstance que les parties sont convenues d'ouvrir le premier exercice d'activité de la société nouvelle à une date antérieure à la date d'immatriculation, comme en l'espèce où ses statuts disposent que le premier exercice commence le jour de la constitution de la société et se clôture le 31 décembre de l'année suivante, reste sans incidence, pour l'imposition de la plus-value réalisée par l'apporteur, sur la date de réalisation de l'apport, soit en l'espèce le 3 février 1995.


Références :

[RJ1]

Cf. 11 octobre 1991, SA Union internationale immobilière, n° 54616, T. p. 857.

Rappr. Section, 22 juillet 1977, Sieur X…, n° 827, p. 349. Inf. CAA Bordeaux, 20 janvier 2005, Dufis, n° 01BX02508, T. pp. 855-862. Comp. 28 février 1997, min. c/ Pinaton, n°s 141459 et 150985, p. 64.


Publications
Proposition de citation : CE, 08 jui. 2009, n° 279018
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: M. Jean-Claude Hassan
Rapporteur public ?: Mme Burguburu Julie
Avocat(s) : SCP MONOD, COLIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2009:279018.20090708
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