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08/07/2009 | FRANCE | N°322417

France | France, Conseil d'État, 2ème sous-section jugeant seule, 08 juillet 2009, 322417


Vu la requête, enregistrée le 14 novembre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Michel C, demeurant ...) ; M. C demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 7 octobre 2008 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa protestation contre les opérations électorales qui se sont déroulées le 16 mars 2008 en vue de la désignation des conseillers municipaux de la commune d'Andrézieux-Bouthéon (Loire) ;

2°) d'annuler ces élections ;

3°) de prononcer l'annulation du compte de campagne de la liste Une volont

, une ambition pour Andrézieux-Bouthéon et l'inéligibilité de la tête de liste M. ...

Vu la requête, enregistrée le 14 novembre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Michel C, demeurant ...) ; M. C demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 7 octobre 2008 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa protestation contre les opérations électorales qui se sont déroulées le 16 mars 2008 en vue de la désignation des conseillers municipaux de la commune d'Andrézieux-Bouthéon (Loire) ;

2°) d'annuler ces élections ;

3°) de prononcer l'annulation du compte de campagne de la liste Une volonté, une ambition pour Andrézieux-Bouthéon et l'inéligibilité de la tête de liste M. Jean-Claude B, pour une durée d'un an ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code électoral ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jérôme Marchand-Arvier, Maître des Requêtes,

- les conclusions de Mme Béatrice Bourgeois-Machureau, rapporteur public ;

Sur les conclusions à fin d'annulation des opérations électorales :

Sur le grief relatif à l'envoi des bulletins de vote :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, lors de l'envoi aux électeurs des bulletins de vote destinés au second tour de scrutin qui s'est déroulé le 16 mars 2008 en vue de la désignation des conseillers municipaux de la commune d'Andrézieux-Bouthéon (Loire), un nombre indéterminé d'électeurs, s'élevant vraisemblablement à plusieurs centaines, a été destinataire du bulletin de vote de la liste Agir ensemble , conduite par M. C au premier tour, en lieu et place du bulletin de la liste Agir ensemble en Forez , résultant de la fusion pour le second tour de la liste conduite par M. C avec celle de M. A ; que si les circonstances dans lesquelles cette substitution s'est produite n'ont pu être éclaircies, il n'est pas établi qu'elle l'ait été par suite d'une manoeuvre ; que, dès la constatation de cette erreur matérielle, la commission prévue à l'article L. 241 du code électoral a pris, en liaison avec la sous-préfecture, les mesures propres à éviter que les électeurs utilisent les bulletins du premier tour ; qu'ainsi, des affiches comportant la mention : En raison d'une erreur matérielle, il convient d'utiliser uniquement les bulletins de vote figurant sur la table de décharge ont été apposées sur les portes de chaque bureau de vote, au-dessus de toutes les tables de décharge et dans chaque isoloir ; que sur les 61 bulletins déclarés nuls au second tour, seul un bulletin l'a été pour ce motif ; que si M. C soutient que l'irrégularité commise dans l'envoi a été de nature à dissuader un certain nombre d'électeurs de voter, ceux-ci n'ont pu se méprendre sur l'erreur commise alors que la fusion des listes de MM. C et A avait été annoncée par la presse locale ainsi qu'au cours d'une réunion publique et que la profession de foi des deux listes fusionnées était jointe aux bulletins de vote envoyés ; que, par suite, et eu égard à l'écart des voix séparant les deux listes arrivées en tête au second tour, cette irrégularité n'a pas été de nature à altérer la sincérité du scrutin ;

Sur les griefs relatifs à l'irrégularité de la campagne électorale :

Considérant, en premier lieu, que si la liste conduite par M. B, maire sortant, a diffusé le 14 mars 2008 un tract intitulé : Une volonté, une ambition pour Andrézieux-Bouthéon , dans lequel il est imputé à M. C d'avoir tenu des propos outrageants à son égard au cours d'une réunion publique, de s'être, par principe, opposé à tous les projets de développement communal au cours des années passées et de ne pas avoir fait état de sa qualité de membre d'un mouvement politique, il n'est pas établi, au regard des attestations contradictoires produites, que les énonciations de ce tract aient été mensongères ou diffamatoires ; qu'au surplus, l'attitude de M. C dénoncée dans le tract a trait à des faits anciens et déjà révélés au public ; qu'ainsi ce tract, dont les énonciations ne dépassaient pas, en tout état de cause, les limites de la polémique électorale et dont les conditions de diffusion laissaient au protestataire le temps suffisant pour répondre, n'est pas de nature à avoir influé sur le résultat du scrutin ;

Considérant, en deuxième lieu, que si M. C soutient qu'une rumeur s'est répandue dans le public entre les deux tours de scrutin, relayée par les colistiers de M. B, selon laquelle il serait un sympathisant des mouvements politiques d'extrême droite et des thèses qu'ils propagent, il ne ressort pas des attestations produites, au demeurant en nombre limité et peu circonstanciées, que cette rumeur, dont ni l'origine ni l'importance ne sont établies, ait été de nature à altérer la sincérité du scrutin ;

Considérant, en troisième lieu, qu'en faisant adresser, dans la nuit du 13 au 14 mars 2008, un courrier électronique aux associations subventionnées par la commune leur assurant, dans l'hypothèse où il serait réélu, le soutien matériel et financier de la municipalité, M. B s'est borné à rappeler un engagement de sa campagne électorale ; que ces messages, qui ne comportaient aucun élément nouveau, n'ont pu être de nature à influer sur les résultats du scrutin ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 52-1 du code électoral : Pendant les trois mois précédant le premier jour du mois d'une élection et jusqu'à la date du tour de scrutin où celle-ci est acquise, l'utilisation à des fins de propagande électorale de tout procédé de publicité commerciale par la voie de la presse ou par tout moyen de communication audiovisuelle est interdite./ A compter du premier jour du sixième mois précédant le mois au cours duquel il doit être procédé à des élections générales, aucune campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion d'une collectivité ne peut être organisée sur le territoire des collectivités intéressées par le scrutin ; qu'aux termes de l'article L. 52-8 du même code : (...) Les personnes morales, à l'exception des partis ou groupements politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d'un candidat, ni en lui consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en lui fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués ; que ne constituent pas des dons ou avantages accordés par une personne morale des manifestations culturelles auxquelles la municipalité dont le candidat élu est maire, a pris l'initiative ou a accordé une participation et qui n'ont pas été accompagnées d'actions destinées à influencer les électeurs ;

Considérant, en quatrième lieu, que M. C fait grief au maire sortant d'avoir, au cours des six mois précédant le scrutin, profité des opportunités que lui ouvraient les rubriques du magazine mensuel l'Envol , édité par et aux frais de la commune, pour mener une campagne de promotion publicitaire de ses réalisations et de ses projets en méconnaissance des dispositions des articles L. 52-1 et L. 52-8 du code électoral en particulier, d'avoir utilisé, à cette fin, les éditoriaux des numéros d'octobre, novembre 2007 et janvier 2008 ainsi que les rubriques des numéros de novembre 2007 et février 2008, d'avoir fait éditer, dans le même but, deux numéros spéciaux, l'un en septembre 2007 à l'occasion du centième numéro du magazine, consacré aux réalisations marquantes de son mandat, l'autre en octobre 2007 à l'occasion de la foire de Saint-Etienne, sur les perspectives d'avenir de sa commune jusqu'en 2020, et d'avoir multiplié les reproductions photographiques le concernant ;

Considérant que, si les exemplaires en cause relatent les actions du maire et de sa municipalité dans des termes avantageux, cette présentation valorisante, qui ne pouvait échapper aux lecteurs, procède d'une démarche habituelle et commune à l'ensemble des numéros du magazine quelle que soit leur date de parution au regard des échéances électorales comme en attestent les exemplaires produits aux débats ; qu'ainsi, la promotion des travaux de restauration du château de Bouthéon opérés par la commune a fait l'objet de nombreux articles depuis leur réalisation, en particulier en 2006 ; qu'il en est de même de la rénovation du chauffage urbain ; que la relation de la cérémonie des voeux, du dîner des anciens et du repas de Noël ainsi que de la remise de trophées ne diffère pas de celle des années précédentes ; que les photographies du maire reproduites dans les exemplaires en cause montrent celui-ci dans l'exercice de ses fonctions à l'occasion d'évènements où la présence d'un élu municipal est de tradition ; que le numéro spécial d'octobre 2007 ne comporte pas d'allusion au maire et à son équipe et se borne à promouvoir, à l'occasion d'une foire commerciale, l'image de la commune et son avenir ; qu'enfin, le maire sortant s'est abstenu de rédiger un éditorial dans les deux derniers numéros du magazine précédant le scrutin ; qu'ainsi, le contenu et la tonalité des exemplaires en cause du magazine l'Envol , dans lesquels il n'est pas fait allusion aux élections municipales de mars 2008, ne peuvent s'analyser comme des éléments d'une campagne de promotion publicitaire poursuivant une stratégie électorale ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le grief tiré de ce que la campagne électorale aurait été entachée de manoeuvres ayant faussé la sincérité du scrutin ne peut qu'être écarté ; que, par suite, les conclusions présentées par M. C à fin d'annulation des opérations électorales ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions dirigées contre le compte de campagne et tendant à ce que l'inéligibilité de M. B soit prononcée :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 52-11 du code électoral : Pour les élections auxquelles l'article L. 52-4 est applicable, il est institué un plafond des dépenses électorales, autres que les dépenses de propagande directement prises en charge par l'Etat, exposées par chaque candidat ou liste de candidats, ou pour leur compte, au cours de la période mentionnée au même article ; qu'aux termes de l'article L. 52-12 de ce code : Chaque candidat ou candidat tête de liste soumis au plafonnement prévu à l'article L. 52-11 est tenu d'établir un compte de campagne retraçant, selon leur origine, l'ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l'ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l'élection, hors celles de la campagne officielle par lui-même ou pour son compte, au cours de la période mentionnée à l'article L. 52-4 ; qu'enfin aux termes de l'article L. 197 du même code : Peut être déclaré inéligible pendant un an celui qui n'a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et les délais prescrits par l'article L. 52-12 et celui dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit. Sont réputées faites pour son compte les dépenses exposées directement au profit du candidat et avec l'accord de celui-ci, par les personnes physiques qui lui apportent leur soutien, ainsi que par les partis et groupements politiques qui ont été créés en vue de lui apporter leur soutien ou qui lui apportent leur soutien. Le candidat estime et inclut, en recettes et en dépenses, les avantages directs ou indirects, les prestations de services et dons en nature dont il a bénéficié. Le compte de campagne doit être en équilibre ou excédentaire et ne peut présenter un déficit ;

Considérant que les dépenses d'impression des 63 pages incriminées des exemplaires du magazine municipal l'Envol édités au cours des six mois ayant précédé le scrutin ne constituent pas, pour les motifs exposés ci-dessus, des dépenses engagées en vue de l'élection au sens de l'article L. 52-12 du code électoral ; qu'il en est de même des dépenses d'organisation de la cérémonie des voeux du maire, du dîner des anciens et du repas de Noël offerts par la commune au cours de cette période, qui se déroulent chaque année dans des conditions similaires ; que contrairement à ce que soutient M. C, il ressort des documents de campagne de M. B produits à la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, que les tracts de celui-ci ne comportant pas la référence à un imprimeur ont néanmoins fait l'objet d'une facturation et ont été intégrés dans son compte de campagne ; que, dans ces conditions, le grief tiré de ce que M. B, dont le compte a d'ailleurs été validé par la commission, aurait omis de déclarer des dépenses en lien avec sa campagne électorale ne peut qu'être écarté ; que, par suite, les conclusions présentées par M. C aux fins de voir rejeter ce compte et prononcer l'inéligibilité de M. B ne peuvent qu'être rejetées ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C n'est pas fondé à se plaindre que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon ait rejeté sa protestation ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. C, la somme demandée par M. B et autres au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. C est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de M. B et autres au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Michel C, à M. Jean-Claude B, premier défendeur dénommé, à la SCP Ferret-Poirieux représentant les défendeurs en appel, à la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. Les autres défendeurs seront informés de la présente décision par la SCP Ferret-Poirieux qui les représente devant le Conseil d'Etat.


Synthèse
Formation : 2ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 322417
Date de la décision : 08/07/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 08 jui. 2009, n° 322417
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Honorat
Rapporteur ?: M. Jérôme Marchand-Arvier
Rapporteur public ?: Mme Bourgeois-Machureau Béatrice

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2009:322417.20090708
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