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09/07/2009 | FRANCE | N°294720

France | France, Conseil d'État, 9ème et 10ème sous-sections réunies, 09 juillet 2009, 294720


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 28 juin et 30 octobre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SARL SMIF, dont le siège est situé 16 bis, rue de la Pompe à Pontault-Combault (77340) ; la SARL SMIF demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 28 avril 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, après avoir décidé qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ses conclusions à hauteur de 13 450,88 euros correspondant au dégrèvement, en droits et pénalités, du complément de taxe sur la valeur

ajoutée prononcé par décision du 5 mai 2004, a rejeté le surplus de ses ...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 28 juin et 30 octobre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SARL SMIF, dont le siège est situé 16 bis, rue de la Pompe à Pontault-Combault (77340) ; la SARL SMIF demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 28 avril 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, après avoir décidé qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ses conclusions à hauteur de 13 450,88 euros correspondant au dégrèvement, en droits et pénalités, du complément de taxe sur la valeur ajoutée prononcé par décision du 5 mai 2004, a rejeté le surplus de ses conclusions tendant à l'annulation du jugement du 27 mars 2003 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre de l'exercice clos en 1995 et des compléments de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er avril 1995 au 31 mars 1997 ;

2°) réglant l'affaire au fond, de prononcer la décharge des impositions supplémentaires en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Benoit Bohnert, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Monod, Colin, avocat de la SARL SMIF,

- les conclusions de Mme Claire Legras, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Monod, Colin, avocat de la SARL SMIF ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite d'une vérification de comptabilité qui a porté sur la période du 1er avril 1994 au 31 mars 1997, de la SARL SMIF, dont l'activité consiste en la construction de maisons d'habitation, l'administration fiscale a notamment remis en cause le régime de taxation sur la marge qui avait été appliqué par cette société aux opérations d'acquisition de deux terrains à bâtir, situés à Champigny-sur-Marne (94) et à Pontault-Combault (77) et de construction de pavillons sur ces terrains, et l'a assujettie à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée sur le fondement du 7° de l'article 257 du code général des impôts ; que la SARL SMIF se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 28 avril 2006 de la cour administrative d'appel de Paris en tant que la cour, après avoir décidé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur ses conclusions à hauteur de 13 450,88 euros correspondant au dégrèvement, en droits et pénalités, du complément de taxe sur la valeur ajoutée prononcé par décision du 5 mai 2004, a rejeté le surplus de ses conclusions tendant à l'annulation du jugement du 27 mars 2003 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre de l'exercice clos en 1995 et des compléments de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er avril 1995 au 31 mars 1997 ;

Considérant que la cour administrative d'appel de Paris n'a pas répondu au moyen tiré de ce que la procédure d'imposition était entachée d'irrégularité dès lors que la vérification de comptabilité dont la SARL SMIF a fait l'objet a débuté au domicile de son gérant et non dans les locaux de son siège social ; que la société requérante est fondée, pour ce motif, à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond dans les limites de l'annulation prononcée par la présente décision ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales : Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'une personne physique au regard de l'impôt sur le revenu ou une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. / Cet avis doit préciser les années soumises à vérification et mentionner expressément, sous peine de nullité de la procédure, que le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix. (...) L'examen au fond des documents comptables ne peut commencer qu'à l'issue d'un délai raisonnable permettant au contribuable de se faire assister par un conseil ;

Considérant que, par un avis en date du 2 décembre 1997, dont la société requérante a accusé réception le lundi 8 décembre 1997, l'administration fiscale l'a informée de ce qu'elle ferait l'objet d'une vérification de comptabilité pour la période du 1er avril 1994 au 31 mars 1997 à compter du jeudi 11 décembre 1997 ; que si la S.A.R.L. SMIF soutient, pour contester la régularité de la procédure d'imposition, que la vérification aurait débuté dès le 10 décembre 1997, en se fondant sur les mentions contenues dans la notification de redressement du 30 juin 1998, elle n'a versé au dossier aucun élément de nature à établir que des opérations de contrôle auraient effectivement été entreprises antérieurement à la date du 11 décembre 1997 ; qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport établi par la vérificatrice à l'issue de la procédure de contrôle, que les opérations ont débuté à cette même date ; qu'en outre, si le gérant de la S.A.R.L. SMIF a contesté en cours de vérification par une lettre du 15 janvier 1998 adressée au supérieur hiérarchique de la vérificatrice la régularité de la procédure suivie par l'administration, ce courrier ne comporte aucune critique quant à la date de début des opérations de contrôle ; que par suite, la circonstance que la notification de redressements mentionnait par erreur comme date de début de la vérification le 10 décembre 1997 est sans incidence sur la régularité de la procédure ; que, dans ces conditions, la S.A.R.L. SMIF doit être regardée comme ayant disposé d'un délai suffisant pour se faire assister d'un conseil de son choix et n'est pas fondée à soutenir que la procédure d'imposition suivie à son encontre était entachée d'irrégularité ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales : Les agents de l'administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables (...). ; qu'il résulte de ces dispositions que la vérification de la comptabilité d'un contribuable se déroule en principe sur les lieux de l'exploitation où la comptabilité est généralement détenue ; qu'il résulte de l'instruction que le siège social de la SARL SMIF était situé à l'adresse du domicile de son gérant, et que lors de la première intervention sur place, le gérant de cette société a lui-même invité la vérificatrice à se diriger vers son domicile privé ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que la vérification de comptabilité serait irrégulière pour s'être déroulée au domicile du dirigeant et non dans les locaux de la société n'est pas fondé ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 59 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la présente procédure : Lorsque le désaccord persiste sur les redressements notifiés, l'administration, si le contribuable le demande, soumet le litige à l'avis (...) de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires prévue à l'article 1651 du code général des impôts (...) ; qu'aux termes de l'article L. 59 A du même livre dans sa rédaction alors applicable : La commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires intervient : / 1° Lorsque le désaccord porte (...) sur le montant du bénéfice industriel et commercial (...) déterminé selon un mode réel d'imposition (...) ; qu'il résulte de l'instruction que le différend au titre duquel le contribuable a demandé la saisine de cette instance consultative ne portait pas sur le principe de la constitution d'une provision pour dépréciation de créances, mais sur l'existence même et le montant de la créance ; que ces questions relevaient d'une appréciation de fait relevant de la compétence de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ; qu'ainsi la SARL SMIF est fondée à soutenir que la procédure d'imposition suivie à son encontre s'agissant des redressements portant sur l'impôt sur les sociétés était irrégulière pour n'avoir pas satisfait sa demande de saisine de cette commission, formulée par courrier du 7 décembre 1998 ; qu'elle est, dès lors, fondée à demander, pour ce motif, la décharge des cotisations supplémentaires en matière d'impôt sur les sociétés ;

Sur le bien-fondé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée :

Considérant que la SARL SMIF a procédé en 1996 et 1997 à l'acquisition de deux terrains à bâtir, l'un situé avenue Clara à Champigny-sur-Marne, l'autre rue Emery à Pontault-Combault ; qu'elle a réalisé des constructions sur chacun de ces deux terrains, puis revendu le 10 décembre 1996 le pavillon édifié sur le terrain de Champigny-sur-Marne après avoir procédé à une livraison à soi-même dudit bien ; que la SARL SMIF a appliqué à la cession le régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge propre aux marchands de bien, et acquitté à ce titre un montant de taxe sur la valeur ajoutée de 19 620 F ; que l'administration fiscale, constatant que la société n'avait pas spontanément acquitté la taxe sur la valeur ajoutée immobilière due en application des dispositions du 7° de l'article 257 du code général des impôts lors de l'achat des terrains à bâtir, lui a notifié des rappels au titre de cette taxe s'élevant respectivement à 79 310 F et à 72 100 F au titre de l'acquisition des terrains précités ; qu'elle a également assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée sur la totalité du prix de vente, en application de ces mêmes dispositions, la cession du pavillon édifié à Champigny-sur-Marne, qui aurait dû donner lieu, en application des dispositions du 7° de l'article 257 du code général des impôts au paiement de la taxe sur la valeur ajoutée sur la totalité du prix de vente ; que le vérificateur a admis en déduction des rappels notifiés à la société au titre de cette vente la somme de 19 620 F déjà acquittée par elle ; que la société requérante ne discutait pas le principe des redressements, mais demandait toutefois que leur montant soit diminué, d'une part, par la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée immobilière rappelée pour l'achat des terrains de Champigny-sur-Marne et de Pontault-Combault et, d'autre part, de la taxe sur la valeur ajoutée acquittée spontanément au titre de la livraison à soi-même du pavillon de Champigny-sur-Marne, pour un montant de 107 037 F ;

Considérant, en premier lieu, que l'administration a prononcé au cours de l'instance d'appel un dégrèvement d'un montant de 12 090,73 euros correspondant à l'admission en déduction de la taxe sur la valeur ajoutée rappelée sur le prix d'achat du terrain de Champigny-sur-Marne ; qu'en revanche, la société n'est pas fondée à demander que la taxe mise à sa charge au titre de l'achat du terrain soit déduite de la taxe sur la valeur ajoutée due sur le prix de vente de la construction édifiée sur le terrain de Pontault-Combault, en l'absence de toute cession de ce bien au cours de la période en litige ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 257 du code général des impôts : Sont également soumises à la taxe sur la valeur ajoutée : (...) / 7° Les opérations concourant à la production ou à la livraison d'immeubles. (...) / 8° Les opérations suivantes assimilées, selon le cas, à des livraisons de biens ou à des prestations de services effectuées à titre onéreux. / 1. Sont assimilés à des livraisons de biens effectuées à titre onéreux : (...) c) L'affectation d'un bien par un assujetti à un secteur d'activité exonéré n'ouvrant pas droit à déduction, lorsque ce bien a ouvert droit à une déduction complète ou partielle de la taxe sur la valeur ajoutée lors de son acquisition ou de son affectation (...) ; qu'aux termes de l'article 221 de l'annexe II à ce même code, alors en vigueur : 1. Le montant de la taxe dont la déduction a déjà été opérée doit être reversé dans les cas ci-après : (...) / Lorsque les biens ou services ayant fait l'objet d'une déduction de la taxe qui les avait grevés ont été utilisés pour une opération qui n'est pas effectivement soumise à l'impôt (...) ; qu'aux termes de l'article 258 de cette même annexe : Pour l'application du 7° de l'article 257 du code général des impôts, un immeuble ou une fraction d'immeuble est considéré comme achevé lorsque les conditions d'habitabilité ou d'utilisation sont réunies ou en cas d'occupation, même partielle, des locaux, quel que soit le titre juridique de cette occupation (...). ; qu'en vertu des dispositions combinées de l'article 269 du même code et des articles 243 et 244 de l'annexe II à ce code, la livraison à soi-même visée au 1 du 7º de l'article 257 précité intervient lors de l'achèvement des immeubles ou des fractions d'immeubles et, au plus tard, à la date de la délivrance du récépissé de la déclaration prévue aux articles R. 460-1 à R. 460-4 du code de l'urbanisme ; qu'il résulte de l'instruction que si la société requérante prétend détenir un droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée du fait de la livraison à soi-même qu'elle a cru pouvoir opérer, celle-ci ne résulte ni des factures qu'elle estime avoir pu s'adresser à elle-même au titre des travaux de construction réalisés et dont le montant cumulé de la taxe qu'elles portaient serait égal à celui de la taxe due au titre de cette opération de livraison à soi-même, ni des déclarations de taxe sur la valeur ajoutée souscrites au titre de la période correspondant à cette prétendue livraison à soi-même ; que, par suite, la société n'est pas fondée à demander que le montant des rappels de taxe sur la valeur ajoutée soit diminué de la somme de 107 037 F ;

Considérant, en troisième lieu, que l'excès allégué de versement de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 1996 au 31 décembre 1997 ne ressort que d'un document manuscrit, attribué par la société requérante au vérificateur, dont la validité n'est pas établie ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société SMIF est seulement fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre de l'exercice clos en 1995 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat le versement à la SARL SMIF de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'article 2 de l'arrêt du 28 avril 2006 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé.

Article 2 : La SARL SMIF est déchargée des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre de l'exercice clos en 1995.

Article 3 : Le jugement du 27 mars 2003 du tribunal administratif de Melun est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 4 : L'Etat versera à la SARL SMIF la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions présentées par la SARL SMIF devant la cour administrative d'appel de Paris est rejeté.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à la SARL SMIF et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.


Synthèse
Formation : 9ème et 10ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 294720
Date de la décision : 09/07/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 09 jui. 2009, n° 294720
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: M. Benoit Bohnert
Rapporteur public ?: Mme Legras Claire
Avocat(s) : SCP MONOD, COLIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2009:294720.20090709
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