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09/07/2009 | FRANCE | N°328737

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 09 juillet 2009, 328737


Vu la requête, enregistrée le 10 juin 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Madame Sadjiya A domiciliée chez Monsieur ...; Mme A demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours dirigé contre la décision du 1er octobre 2008 du consul général de France à Alger (Algérie) lui refusant

un visa de long séjour en France ;

2°) de lui accorder la réparation de s...

Vu la requête, enregistrée le 10 juin 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Madame Sadjiya A domiciliée chez Monsieur ...; Mme A demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours dirigé contre la décision du 1er octobre 2008 du consul général de France à Alger (Algérie) lui refusant un visa de long séjour en France ;

2°) de lui accorder la réparation de son préjudice moral évalué à 10 000 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

elle soutient que l'urgence à prononcer la suspension de la décision contestée est caractérisée au regard de l'atteinte qu'elle porte à sa situation familiale et professionnelle ; qu'en avril 2009, elle a créé avec son frère et sa belle-soeur une société à responsabilité limitée afin d'ouvrir un restaurant rapide dont elle est la gérante ; que la décision contestée, prise en octobre, empêche la gestion de l'établissement, tant juridiquement que matériellement ; qu'au surplus, son fils de 18 ans, dont elle a la charge, est resté en France ; que d'autre part, la décision contestée comporte un doute sérieux quant à sa légalité, dès lors qu'en niant sa liberté d'entreprendre, elle méconnaît les stipulations de l'accord franco-algérien en date du 27 décembre 1968 ; qu'elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'actuellement, les résultats de l'exploitation du restaurant lui permettraient de bénéficier d'un salaire mensuel de 1760 euros par mois, et qu'au surplus, elle bénéficie d'un solde de livret A de 3612.21 euros ; que, par suite, elle remplit les conditions d'obtention du certificat de résidence ; qu'enfin, elle porte atteinte à son droit au respect de la vie privée et familiale dès lors que son fils et son frère demeurent en France ;

Vu le recours adressé par Mme A à la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France ;

Vu la requête à fin d'annulation de la même décision ;

Vu, enregistré le 2 juillet 2009, le mémoire en défense présenté par le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que la condition d'urgence n'est pas satisfaite dès lors que l'éloignement géographique de la requérante ne l'empêche pas de prendre part aux décisions relatives à la société qu'elle a créé avec son frère et sa belle-soeur ; qu'en outre, il n'est pas établi que son fils ne puisse pas lui rendre visite en Algérie, ou s'installer auprès d'elle ; que la décision contestée ne comporte aucun doute sérieux quant à sa légalité dès lors que, d'une part, elle ne méconnaît pas les stipulations de l'accord franco-algérien en date du 27 décembre 1968 ; qu'en effet, la présentation d'une attestation de solde bancaire ne constituant pas une épargne stable, et la source de son solde de livret A restant inconnue, Mme A ne justifie pas de ressources suffisantes pour s'établir en France ; que d'autre part, la décision contestée ne porte pas une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale dès lors qu'elle a fait la demande d'un visa long séjour afin d'exploiter un commerce, et non pour un motif familial ; qu'au surplus, il n'est pas établi que son fils ait besoin d'elle pour vivre ; qu'en outre, il n'est pas impossible pour ce dernier de rejoindre sa mère en Algérie, dès lors qu'il en possède également la nationalité ; qu'il n'est pas non plus établi que son frère et sa belle-soeur ne pourraient pas venir lui rendre visite en Algérie ; qu'enfin, les conclusions de la requérante tendant à la réparation du préjudice qu'elle aurait subi doivent être rejetées dès lors qu'elle ne justifie pas avoir préalablement saisi l'administration d'une telle demande ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-algérien en date du 27 décembre 1968 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, Mme A, d'autre part, le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du mardi 7 juillet 2009 à 10h30 heures au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Vier, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la requérante ;

- la représentante de la requérante ;

- le représentant du ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

Sur les conclusions à fin d'indemnisation :

Considérant qu'il n'entre pas dans la compétence du juge des référés de statuer sur des conclusions tendant à l'indemnisation d'un préjudice, lesquelles ne relèvent que de la compétence d'un juge du fond ; que par suite les conclusions de Mme A tendant à l'indemnisation du préjudice que lui aurait causé le refus de visa qu'elle conteste sont irrecevables et doivent pour ce motif être rejetées ;

Sur les conclusions à fin de suspension :

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ;

Considérant en premier lieu que Mme A, de nationalité algérienne, a demandé au consul général de France à Alger la délivrance d'un visa de long séjour en France en qualité de commerçante, afin de pouvoir participer à l'exploitation du fonds de commerce de restauration qu'elle a créé avec plusieurs membres de sa famille aux Ponts-de-Cé (Maine-et-Loire) ; que les stipulations combinées des articles 5 et 7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 prévoient que les ressortissants algériens qui désirent s'établir en France pour exercer une activité professionnelle autre que salariée doivent justifier de moyens d'existence suffisants ; que tel n'est pas, en l'état de l'instruction, le cas de Mme A, dès lors que ni la situation actuelle de l'exploitation du restaurant, ni les perspectives de développement de celui-ci à la suite du retour de la requérante ne rendent manifestement vraisemblable la capacité de l'entreprise à lui verser une rémunération suffisante, le montant initialement prévu de celle-ci ayant été au surplus porté de 500 euros à 1 400 euros par l'assemblée générale de la société dans l'intervalle de quelques semaines séparant la saisine du juge des référés du Conseil d'Etat de la requête donnant lieu à la présente ordonnance d'une première ordonnance de ce juge fondée sur l'insuffisance des ressources de l'intéressée ; que dès lors le moyen tiré de ce que la décision contestée aurait méconnu les stipulations sus-indiquées de l'accord franco-algérien n'est pas de nature à faire naître un doute sérieux sur sa légalité ;

Considérant en second lieu que le moyen tiré de ce que cette décision porterait atteinte à son droit à mener une vie privée et familiale normale, tel qu'il est garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, n'est pas non plus de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision contestée dès lors que le fils de la requérante installé en France est majeur et qu'il lui est loisible, ainsi qu'aux autres membres de la famille de Mme A, d'aller lui rendre visite en Algérie ;

Considérant que dans ces conditions, la demande de suspension présentée par Mme A ne peut qu'être rejetée, sans qu'il y ait lieu de rechercher si la condition d'urgence est remplie ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que par voie de conséquence de tout ce qui précède, les conclusions présentées par Mme A sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de Mme Sadjiya A est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme Sadjiya A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 328737
Date de la décision : 09/07/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 09 jui. 2009, n° 328737
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Bélaval
Rapporteur ?: M. Philippe Bélaval
Avocat(s) : SCP VIER, BARTHELEMY, MATUCHANSKY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2009:328737.20090709
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