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10/07/2009 | FRANCE | N°322083

France | France, Conseil d'État, 4ème et 5ème sous-sections réunies, 10 juillet 2009, 322083


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 31 octobre et 28 novembre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Jacques B, demeurant ... et M. Jean-René A, demeurant ... ; M. B et M. A demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 25 septembre 2008 du tribunal administratif de Melun en tant que ce jugement a, d'une part, déclaré inéligible M. Jacques B en qualité de conseiller municipal pour une durée d'un an, et, d'autre part, annulé l'élection de M. B et de M. A en qualité de conseillers municipaux de

Nogent-sur-Marne et a proclamé élus conseillers municipaux de Nogent-...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 31 octobre et 28 novembre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Jacques B, demeurant ... et M. Jean-René A, demeurant ... ; M. B et M. A demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 25 septembre 2008 du tribunal administratif de Melun en tant que ce jugement a, d'une part, déclaré inéligible M. Jacques B en qualité de conseiller municipal pour une durée d'un an, et, d'autre part, annulé l'élection de M. B et de M. A en qualité de conseillers municipaux de Nogent-sur-Marne et a proclamé élus conseillers municipaux de Nogent-sur-Marne M. D et Mme E ;

2°) de mettre à la charge de M. Dominique C la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 1er juillet 2009, présentée pour M. B ;

Vu le code électoral ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Joanna Hottiaux, chargée des fonctions de Maître des Requêtes,

- les observations de Me Brouchot, avocat de M. B et de M. A,

- les conclusions de M. Rémi Keller, rapporteur public,

- la parole ayant été à nouveau donnée à Me Brouchot, avocat de M. B et de M. A ;

Considérant qu'à l'issue des élections municipales qui se sont déroulées dans la commune de Nogent-sur-Marne (Val-de-Marne) les 9 et 16 mars 2008, M. C a déposé une protestation devant le tribunal administratif de Melun qui, par son jugement du 25 septembre 2008, a, d'une part, déclaré inéligible M. B en qualité de conseiller municipal pour une durée d'un an et, d'autre part, annulé l'élection de M. B et de M. A en qualité de conseillers municipaux de cette commune ; que M. B et M. A font appel de ce jugement en tant qu'il leur fait grief ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par M. B et M. A à la protestation de M. C ;

Sur l'annulation de l'élection de M. B en tant que conseiller municipal de la commune de Nogent-sur-Marne :

Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 52-8 du code électoral : Les personnes morales, à l'exception des partis ou groupements politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d'un candidat, ni en lui consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en lui fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués ; qu'aux termes de l'article L. 118-3 du même code : Saisi par la commission instituée par l'article L. 52-14, le juge de l'élection peut déclarer inéligible pendant un an le candidat dont le compte de campagne, le cas échéant après réformation, fait apparaître un dépassement du plafond des dépenses électorales. / Dans les autres cas, le juge de l'élection peut ne pas prononcer l'inéligibilité du candidat dont la bonne foi est établie, ou relever le candidat de cette inéligibilité. / Si le juge de l'élection a déclaré inéligible un candidat proclamé élu, il annule son élection ou, si l'élection n'a pas été contestée, le déclare démissionnaire d'office ; que, pour annuler l'élection de M. B, le tribunal administratif, en se fondant sur ces dispositions, a estimé que l'intéressé avait bénéficié d'un don prohibé du fait de la sous-évaluation du loyer consenti par la société SAIEM pour la mise à disposition du local de sa permanence électorale ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la permanence électorale de M. B a été installée dans des locaux sis 5 rue Eugène Galbrun à Nogent-sur-Marne ; que la convention de mise à disposition de ces locaux en date du 7 août 2007 a été conclue par M. B pour une durée limitée, allant du 1er septembre 2007 au 1er avril 2008 sans possibilité de renouvellement ; que l'article 1er de cette convention stipule que les locaux en cause sont voués à être démolis ; qu'il est par ailleurs constant que ces locaux ont fait l'objet d'une démolition par la suite ; qu'il ressort, en outre, du rapport d'expertise produit en appel devant le Conseil d'Etat, élaboré par un expert en estimations immobilières près la cour d'appel de Paris, en date du 29 octobre 2008, que la redevance mensuelle fixée à 320 euros est recevable du fait de l'état et de la configuration des lieux, de la précarité de la convention de mise à disposition ainsi que de l'absence d'autres preneurs potentiels depuis fin 2004 ; qu'ainsi, les éléments du dossier n'établissent pas que la redevance mensuelle de 320 euros ait été fixée à un niveau anormalement bas ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a estimé qu'il avait bénéficié d'un don prohibé par l'article L. 52-8 du code électoral ; que le requérant est fondé, par voie de conséquence, à demander l'annulation de ce jugement en tant qu'il a annulé son élection comme conseiller municipal de Nogent-sur-Marne, et l'a déclaré inéligible pour une durée d'un an à compter du jour où ce jugement sera devenu définitif ; qu'il y a lieu, par voie de conséquence de l'annulation du jugement attaqué sur ce point, de valider l'élection de M. B en qualité de conseiller municipal ;

Sur l'inéligibilité de M. A :

Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 231 du code électoral : Ne peuvent être élus conseillers municipaux dans les communes situées dans le ressort où ils exercent ou ont exercé leurs fonctions depuis moins de six mois : [...] 6° les comptables des deniers communaux et les entrepreneurs de services municipaux [...] ; qu'aux termes du neuvième alinéa de l'article L. 1524-5 du code général des collectivités territoriales : Les élus locaux agissant en tant que mandataires des collectivités territoriales ou de leurs groupements au sein du conseil d'administration ou du conseil de surveillance des sociétés d'économie mixte locales et exerçant, à l'exclusion de toute autre fonction dans la société, les fonctions de membre, de président du conseil d'administration ou du conseil de surveillance et de président assurant les fonctions de directeur général d'une société d'économie mixte locale ne sont pas considérés comme entrepreneurs de services municipaux, départementaux ou régionaux au sens des articles L. 207, L. 231 et L. 343 du code électoral ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. A, conseiller municipal de Nogent-sur-Marne, a été mandaté, par délibération du 18 juin 2004 du conseil municipal de cette commune, pour siéger en tant que représentant de la commune au conseil d'administration de la SAEIM et chargé de se porter candidat aux fonctions de président du conseil d'administration de la SAEIM ; que, mandaté pour siéger au conseil d'administration de la SAEIM, il pouvait exercer, sous réserve d'en être investi par les organes compétents de la SAEIM, les autres fonctions énumérées à l'article L. 1524-5 précité du code général des collectivités territoriales sans être considéré de ce fait comme entrepreneur de services municipaux ; que, par suite, il n'était pas inéligible comme conseiller municipal de la commune de Nogent-sur-Marne au motif qu'il avait été désigné comme président directeur général de la SAEIM et non pas seulement comme président du conseil d'administration ; que, dès lors, M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif, après avoir estimé qu'il était inéligible, a annulé son élection en tant que conseiller municipal de la commune de Nogent-sur-Marne ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Melun du 25 septembre 2008 est annulé en tant qu'il a annulé l'élection de M. B et de M. A comme conseillers municipaux de la commune de Nogent-sur-Marne, déclaré élus Mme E et M. D, et déclarés inéligibles M. MARTIN et M. FONTAINE.

Article 2 : L'élection de M. B et de M. A comme conseillers municipaux de la commune de Nogent-sur-Marne est validée.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Les conclusions de M. C tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code électoral sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Jacques B, à M. Jean-René A, à M. Dominique C, à M. Stéphane D, à Mme Oummou E et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.


Synthèse
Formation : 4ème et 5ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 322083
Date de la décision : 10/07/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

28-04-02-02-05 ÉLECTIONS ET RÉFÉRENDUM. ÉLECTIONS MUNICIPALES. ÉLIGIBILITÉ. INÉLIGIBILITÉS. ENTREPRENEURS DE SERVICES MUNICIPAUX. - CAS D'UN ÉLU LOCAL AGISSANT EN TANT QUE MANDATAIRE D'UNE COLLECTIVITÉ TERRITORIALE AU SEIN DU CONSEIL D'ADMINISTRATION D'UNE SOCIÉTÉ D'ÉCONOMIE MIXTE (ART. L. 1524-5 DU CGCT) - CONSEILLER MANDATÉ POUR SE PORTER CANDIDAT AUX FONCTIONS DE PRÉSIDENT DU CONSEIL D'ADMINISTRATION - CONSEILLER FINALEMENT DÉSIGNÉ PRÉSIDENT DIRECTEUR GÉNÉRAL - CIRCONSTANCE DE NATURE À LE FAIRE CONSIDÉRER COMME UN ENTREPRENEUR DE SERVICES MUNICIPAUX - ABSENCE.

28-04-02-02-05 Un conseiller municipal régulièrement mandaté par le conseil municipal d'une commune, en application de l'article L. 1524-5 du code général des collectivités territoriales (CGCT), pour siéger en tant que représentant de cette commune au conseil d'administration d'une société d'économie mixte et chargé de se porter candidat aux fonctions de président du conseil d'administration de cette dernière ne peut être considéré comme entrepreneur de services municipaux, et inéligible de ce fait, en raison de la circonstance qu'il a été désigné au sein de la société non pas seulement comme président du conseil d'administration mais comme président directeur général.


Publications
Proposition de citation : CE, 10 jui. 2009, n° 322083
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Daël
Rapporteur ?: Mme Joanna Hottiaux
Rapporteur public ?: M. Keller Rémi
Avocat(s) : BROUCHOT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2009:322083.20090710
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