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10/07/2009 | FRANCE | N°328620

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 10 juillet 2009, 328620


Vu la requête, enregistrée le 8 juin 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Francis A, demeurant ... ; M. A demande au juge des référés du Conseil d'Etat d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision du ministre de la défense du 18 mai 2009 portant ordre de mutation individuel et d'affectation au commandement des forces terrestres à Olainville (91290) ;

il soutient qu'il y a urgence dès lors que l'exécution de la décision de mutation aurait pour conséquence

irréversible de lui faire perdre l'emploi qu'il occupe actuellement ...

Vu la requête, enregistrée le 8 juin 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Francis A, demeurant ... ; M. A demande au juge des référés du Conseil d'Etat d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision du ministre de la défense du 18 mai 2009 portant ordre de mutation individuel et d'affectation au commandement des forces terrestres à Olainville (91290) ;

il soutient qu'il y a urgence dès lors que l'exécution de la décision de mutation aurait pour conséquence irréversible de lui faire perdre l'emploi qu'il occupe actuellement qui est un emploi unique en zone de défense Sud Ouest ; qu'il existe des doutes sérieux quant à la légalité de la décision ; que celle-ci n'a pas été adressée par le gestionnaire, n'est pas signée, ne précise pas le poste à occuper, ne mentionne pas les voies et délais de recours ; qu'il n'a pas eu communication de son dossier, qu'il n'a pas pu présenter ses observations et que le préfet de zone de défense Sud-ouest n'a pas été consulté ; qu'il s'agit d'une sanction disciplinaire déguisée, adoptée en méconnaissance des droits de la défense et des dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'elle est entachée d'une erreur de droit, faute d'avoir respecté les procédures applicables à la mutation des militaires, notamment celles prévues par la circulaire du 11 avril 2008 relative à la gestion de la mobilité du personnel militaire de l'armée de terre pour 2009 ; que la décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; qu'elle est enfin entachée d'un détournement de pouvoir, dès lors qu'elle a été prise en raison de l'annulation par le Conseil d'Etat de sa mise à la retraite ; que la décision attaquée a des incidences sur sa vie familiale puisqu'il a un fils de 12 ans à charge, et que sa mère, âgée, réside à Bordeaux ; qu'il a par ailleurs des charges financières importantes ;

Vu la décision dont la suspension est demandée ;

Vu la copie du recours contre cette décision présenté le 23 février 2009 devant la commission des recours des militaires ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 1er juillet 2009, présenté par le ministre de la défense, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que la condition d'urgence n'est pas remplie dès lors que M. A n'ayant aucun droit à occuper un poste particulier, la seule circonstance qu'une éventuelle annulation au fond de la décision de mutation ne contraindrait pas l'administration à le replacer sur son poste actuel ne saurait constituer une atteinte grave et immédiate à la situation du requérant ; qu'en revanche, la suspension de cette décision porterait atteinte à l'action administrative et à la réorganisation de la direction du commissariat de l'armée de terre ; qu'il n'y a pas de moyens propres à créer un doute sérieux sur la légalité de cette décision ; que la mutation d'un militaire n'est pas au nombre des décisions qui doivent être motivées en application des dispositions de la loi du 11 juillet 1979 ; qu'alors même qu'il ne résulte d'aucune disposition législative ou réglementaire que l'ordre de mutation devrait mentionner le poste exact occupé par le requérant, celui-ci a été informé, par lettre du 5 mai 2009, qu'il occuperait le poste de chef de bureau ressources de la division soutien ressources de l'état major du commandement de la Force logistique terrestre (CFLT) ; que l'absence des voies et délais de recours de l'ordre de mutation est sans incidence sur la légalité de la décision ; qu'il ne résulte d'aucune disposition législative ou réglementaire que l'intéressé aurait du être averti préalablement à l'édiction de l'ordre de mutation ; que le requérant ne peut se prévaloir des termes de la circulaire du 11 avril 2008 dépourvue de tout caractère impératif et qui se borne à donner des orientations générales ; que l'ordre de mutation officiel comporte bien la signature du directeur central du commissariat de l'armée de terre ; que cette décision, qui a été prise dans l'intérêt du service et au regard du grade, de l'expérience et de la situation de mutabilité de M. A, ne constitue pas une sanction disciplinaire déguisée ; que le requérant n'avait donc pas à être mis à même d'obtenir la communication préalable de son dossier ; que l'éloignement de sa mère et la contrainte de changer le lieu de scolarisation de son fils découlant de sa mutation ne sont pas de nature à entacher l'ordre de mutation d'illégalité ; qu'il résulte des éléments du dossier que la décision de mutation ayant bien été prise dans l'intérêt du service n'est pas entachée de détournement de pouvoir ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 7 juillet 2009, présenté par M. A, qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ; il soutient en outre que la lettre du 5 mai 2009 ne lui est jamais parvenue, non plus que l'ordre de mutation signé ; que le préfet, délégué pour la sécurité et la défense a demandé que, compte tenu des missions confiées à M. A, la date de sa mutation soit repoussée jusqu'au 1er Janvier 2010 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la défense ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. A et, d'autre part, le ministre de la défense ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 7 juillet 2009 à 11 heures au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Vier, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation avocat de M. A ;

- les représentants du ministre de la défense ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision [...] ;

Considérant que M. A, colonel de l'armée de terre, a été mis à disposition du ministère de l'économie et des finances à compter du 20 août 2007 en tant que chargé de mission pour les questions de défense économique auprès du préfet de la zone de défense Sud-Ouest ; qu'il a fait l'objet 18 mai 2009 d'un ordre de mutation au commandement des forces terrestres à Olainville, dont il demande la suspension ;

Considérant qu'en l'absence de circonstances particulières, la mutation prononcée dans l'intérêt du service d'un militaire, dont l'article L. 4121-5 du code de la défense prévoit qu'il peut être appelé à servir en tout temps et en tout lieu, n'a pas de conséquences telles sur la situation ou les intérêts de l'agent qu'elle constitue une situation d'urgence ; que si, pour justifier en l'espèce de l'urgence, M. A fait valoir les difficultés que présenterait sa réaffectation sur le poste qu'il occupe actuellement en cas d'annulation de la décision de mutation, cette circonstance ne saurait à elle seule caractériser une situation d'urgence ; que si M. A fait également valoir qu'il a acheté un appartement dont il doit assurer les charges d'emprunt, qu'il a un jeune fils à sa charge et que sa mère âgée réside à Bordeaux, ces circonstances ne permettent pas non plus, compte tenu tant des conditions dans lesquelles les officiers supérieurs exercent leurs fonctions, que de la distance et des moyens de transport existant entre le lieu d'affectation du requérant et Bordeaux, de caractériser une situation d'urgence ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la condition d'urgence ne peut être regardée comme remplie ; que, par suite, les conclusions à fin de suspension présentées par M. A ne peuvent être accueillies ;

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de M. Francis A est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. Francis A et au ministre de la défense.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 328620
Date de la décision : 10/07/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 10 jui. 2009, n° 328620
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Camguilhem
Rapporteur ?: Mme Anne-Marie Camguilhem
Avocat(s) : SCP VIER, BARTHELEMY, MATUCHANSKY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2009:328620.20090710
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