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24/07/2009 | FRANCE | N°281702

France | France, Conseil d'État, 5ème sous-section jugeant seule, 24 juillet 2009, 281702


Vu la décision du 11 mai 2007 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux :

1°) a annulé l'arrêt du 19 avril 2005 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon, d'une part, a rejeté les conclusions des consorts B tendant au relèvement des indemnités allouées, en réparation des préjudices subis suite à la naissance d'Arnaud E au centre hospitalier de Bourg-en-Bresse, par le jugement du 16 octobre 2002 du tribunal administratif de Lyon et, d'autre part, faisant partiellement droit aux appels du centre hospitalier et de la caisse primaire d'assurance maladie de l'

Ain, a ramené à 91 000 euros le montant des indemnités dues par ...

Vu la décision du 11 mai 2007 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux :

1°) a annulé l'arrêt du 19 avril 2005 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon, d'une part, a rejeté les conclusions des consorts B tendant au relèvement des indemnités allouées, en réparation des préjudices subis suite à la naissance d'Arnaud E au centre hospitalier de Bourg-en-Bresse, par le jugement du 16 octobre 2002 du tribunal administratif de Lyon et, d'autre part, faisant partiellement droit aux appels du centre hospitalier et de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ain, a ramené à 91 000 euros le montant des indemnités dues par le centre hospitalier à M. et Mme Gilbert B en leur qualité d'ayants droit de leur fils Arnaud et porté à 48 260,42 euros celui des indemnités dues à la caisse par le même centre ;

2°) réglant l'affaire au fond, a ordonné une expertise avant de statuer sur le préjudice du jeune Arnaud E ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Marc Lambron, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat des consorts B et de Me Le Prado, avocat du centre hospitalier de Bourg en Bresse,

- les conclusions de M. Jean-Philippe Thiellay, Rapporteur public,

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat des consorts B et à Me Le Prado, avocat du centre hospitalier de Bourg en Bresse ;

Considérant que, par un jugement du 20 mai 1987 du tribunal administratif de Lyon et deux arrêts des 20 avril 1989 et 16 avril 1992 de la cour administrative d'appel de Lyon, le centre hospitalier de Bourg-en-Bresse a été condamné, en réparation des conséquences dommageables d'une faute commise lors de la naissance du jeune Arnaud E dans cet établissement le 2 mai 1980, à rembourser à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ain divers frais qu'elle avait supportés et à verser à M. et Mme Gilbert B, en leur qualité de responsables légaux de leur fils Arnaud et jusqu'à la majorité de ce dernier, une rente provisionnelle sur laquelle les sommes exposées par la caisse pour le placement de l'enfant en institution spécialisée devaient s'imputer dans la limite des trois quarts de son montant ; que, saisissant à nouveau le juge à la majorité d'Arnaud afin que soient définitivement fixés les préjudices, M. et Mme B ont obtenu, par une ordonnance du 30 avril 1999 du juge des référés du tribunal administratif de Lyon, le versement d'une nouvelle rente provisionnelle ; que le jugement du 16 octobre 2002 par lequel le tribunal administratif de Lyon, statuant après le décès d'Arnaud survenu le 24 janvier 2000, a condamné le centre hospitalier à verser à titre de règlement définitif diverses indemnités à M. et Mme B tant en leur nom propre qu'en leur qualité d'ayants droit de leur fils, à Mme Valérie F et à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ain a été contesté en appel par les consorts B, par la caisse et par l'établissement ;

Considérant que par une décision du 11 mai 2007, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé l'arrêt du 19 avril 2005 rendu par la cour administrative d'appel de Lyon sur l'ensemble de ces appels ; que, réglant l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, il a statué sur les préjudices propres de M. et Mme B et de Mme Valérie F ; qu'en ce qui concerne ceux subis par le jeune Arnaud E, ceux-ci devant être définitivement appréciés depuis sa naissance jusqu'à son décès, et les droits respectifs de la victime et de la caisse de sécurité sociale devant être déterminés compte tenu de l'ensemble des sommes que le centre hospitalier de Bourg en Bresse a versées à chacune, il a ordonné avant dire droit une expertise aux fins de préciser les périodes et les modalités selon lesquelles Arnaud E avait été pris en charge tout au long de sa vie, et de déterminer l'état des créances et trop-perçus éventuels des parties ; que le rapport de l'expert commis à cette fin ayant été déposé et communiqué aux parties, il y a lieu de statuer sur les appels formés contre le jugement du 16 octobre 2002 du tribunal administratif de Lyon, en tant qu'ils concernent le préjudice du jeune Arnaud E, en l'évaluant poste de préjudice par poste de préjudice en application des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale modifié par la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006, qui s'appliquent à la réparation des dommages résultant d'événements antérieurs à la date d'entrée en vigueur de cette loi dès lors que, comme en l'espèce, le montant de l'indemnité due à la victime n'a pas été définitivement fixé avant cette date ;

Sur l'évaluation définitive du préjudice subi par Arnaud E :

En ce qui concerne le préjudice à caractère patrimonial :

Quant aux dépenses de santé :

Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ain justifie que les frais d'hospitalisation, de soins médicaux et paramédicaux, de pharmacie, d'appareillage et de transport supportés par l'assurance maladie de la naissance au décès d'Arnaud E à raison des séquelles de l'anoxie cérébrale survenue à sa naissance s'élèvent à 81 933,21 euros ;

Quant aux frais liés au handicap :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment de l'expertise ordonnée avant dire droit par le Conseil d'Etat, que l'état du jeune Arnaud E, atteint d'une incapacité permanente de 100 % et totalement dépendant, a requis une prise en charge adaptée pendant l'ensemble de sa vie ; que cette prise en charge a été pour l'essentiel assurée par sa famille à son domicile, où il a passé toutes les nuits sauf 67 correspondant à des hospitalisations ou à un accueil en internat dans un institut médico-éducatif ; que la charge pour la famille a été uniquement atténuée, à compter du 2 mai 1985, par un accueil intermittent en semi-internat dans le même institut, pour un total de 1 150 journées ;

Considérant que compte tenu de l'ensemble de ces éléments, il sera fait une juste appréciation du préjudice représenté par le besoin d'Arnaud en assistance d'une tierce personne à son domicile en l'évaluant à 300 000 euros, somme qui est restée à la charge des représentants légaux de la victime et qui entre dans les droits à réparation de ses ayants droit ; que la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ain peut prétendre au remboursement de la somme de 60 797,84 euros qu'elle justifie avoir exposée, entre le 1er janvier 1990 et le décès d'Arnaud, au titre de l'accueil en institut médico-éducatif ; qu'en revanche et ainsi qu'il résulte d'un arrêt du 24 mai 2005 de la cour administrative d'appel de Lyon devenu définitif, le centre hospitalier de Bourg-en-Bresse a opposé à bon droit la prescription quadriennale aux sommes réclamées par elle au même titre pour la période antérieure au 31 décembre 1989 ;

En ce qui concerne les préjudices à caractère personnel :

Considérant qu'il sera fait une juste appréciation des troubles de toute nature et du préjudice d'agrément subis par le jeune Arnaud E, pendant l'ensemble de sa vie, à raison de l'incapacité permanente de 100 % dont il était atteint, de son préjudice esthétique évalué à 6 sur 7 par l'expert commis en référé par le tribunal administratif de Lyon, de ses souffrances physiques évaluées à 7 sur 7 et de ses souffrances morales en évaluant son préjudice personnel à 490 000 euros ;

Sur la détermination définitive des droits de la victime et de la caisse de sécurité sociale :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment de l'expertise ordonnée avant dire droit par le Conseil d'Etat, qu'avant l'intervention du jugement attaqué, le centre hospitalier de Bourg-en-Bresse avait versé à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ain 60 797,84 euros correspondant à l'intégralité des sommes exposées pour l'accueil d'Arnaud E en institution spécialisée et dont le remboursement n'est pas prescrit, et 27 182,27 euros sur les 81 933,21 euros exposés au titre des dépenses de soins ; que la caisse a ainsi droit, à titre de règlement définitif, à la somme de 54 750,94 euros, dont le versement incombe au centre hospitalier ; qu'elle est, par suite, fondée à demander que l'indemnité mise à la charge de ce dernier par le jugement attaqué soit portée à ce montant ;

Considérant qu'à la même date, le centre hospitalier de Bourg-en-Bresse avait versé à titre provisionnel à M. et Mme B en qualité de responsables légaux de leur fils, une somme de 592 550,99 euros dont il convient de retrancher 78 308,34 euros correspondant aux intérêts versés sur les sommes dues au principal ; que la réparation qui leur est due comme ayants droit de leur fils s'élevant au total à 790 000 euros, ils ont ainsi droit, à titre de règlement définitif, à la somme de 275 757,35 euros, dont le versement incombe au centre hospitalier ; que ce dernier est, par suite, fondé à demander que l'indemnité mise à sa charge par le jugement attaqué soit ramenée à ce montant ; qu'en revanche, M. et Mme B ne sont pas fondés à demander le relèvement de cette indemnité ;

Sur l'indemnité forfaitaire due à la caisse de sécurité sociale :

Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ain a droit à l'indemnité forfaitaire régie par les dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, pour le montant de 955 euros auquel elle est fixée, à la date de la présente décision, par l'arrêté interministériel du 11 décembre 2008 ; qu'il y a lieu de porter à ce montant l'indemnité allouée à ce titre en première instance ;

Sur les frais d'expertise :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstance de l'espèce, de laisser les frais de l'expertise ordonnée par la décision du 11 mai 2007 du Conseil d'Etat statuant au contentieux, taxés et liquidés à la somme de 1 150 euros, à la charge du centre hospitalier de Bourg-en-Bresse ;

Sur les conclusions tenant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a lieu de mettre à la charge du centre hospitalier de Bourg-en-Bresse ni les sommes demandées par M. et Mme B au titre des frais exposés par eux devant la cour administrative d'appel et le Conseil d'Etat et non compris dans les dépens, ni celles demandées par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ain au titre des mêmes frais exposés devant la cour administrative d'appel ;

D E C I D E :

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Article 1er : La somme que le centre hospitalier de Bourg-en-Bresse est condamné à verser à M. et Mme B, en leur qualité d'ayants droit de leur fils Arnaud, par l'article 1er du jugement du 16 octobre 2002 du tribunal administratif de Lyon est ramenée à 275 757,35 euros.

Article 2 : La somme que le centre hospitalier de Bourg-en-Bresse est condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ain par l'article 4 du même jugement est portée à 54 750,94 euros au titre du remboursement des frais et à 955 euros au titre de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.

Article 3 : Le jugement du 16 octobre 2002 du tribunal administratif de Lyon est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 4 : En tant que ces conclusions concernent le préjudice propre du jeune Arnaud E, les conclusions d'appel de M. et Mme B, le surplus des conclusions d'appel de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ain et le surplus de celles du centre hospitalier de Bourg-en-Bresse sont rejetés.

Article 5 : Les conclusions de M. et Mme B devant la cour administrative d'appel de Lyon et le Conseil d'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et celles de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ain devant la cour administrative d'appel au même titre sont rejetées.

Article 6 : Les frais de l'expertise ordonnée par la décision du 11 mai 2007 du Conseil d'Etat statuant au contentieux, taxés et liquidés à la somme de 1 150 euros, sont mis à la charge du centre hospitalier de Bourg-en-Bresse.

Article 7 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme Gilbert B, à Mme Valérie F, au centre hospitalier de Bourg-en-Bresse et à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ain et à M. Christian Desvignes.


Synthèse
Formation : 5ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 281702
Date de la décision : 24/07/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 24 jui. 2009, n° 281702
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Hubac
Rapporteur ?: M. Marc Lambron
Rapporteur public ?: M. Thiellay Jean-Philippe
Avocat(s) : SCP BORE ET SALVE DE BRUNETON ; LE PRADO

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2009:281702.20090724
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