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24/07/2009 | FRANCE | N°312702

France | France, Conseil d'État, 5ème et 4ème sous-sections réunies, 24 juillet 2009, 312702


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 30 janvier 2008 et 30 avril 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Jean-Paul A, demeurant ... (69002) ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 15 novembre 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 12 mai 2005 du tribunal administratif de Lyon rejetant sa demande d'annulation, d'une part, de la décision du ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales du

23 mai 2003 constatant la perte de validité de son permis de conduire...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 30 janvier 2008 et 30 avril 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Jean-Paul A, demeurant ... (69002) ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 15 novembre 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 12 mai 2005 du tribunal administratif de Lyon rejetant sa demande d'annulation, d'une part, de la décision du ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales du 23 mai 2003 constatant la perte de validité de son permis de conduire pour solde de points nul et, d'autre part, de la décision du préfet du Rhône du 16 juillet 2003 lui enjoignant de restituer le permis ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses conclusions d'appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la route ;

Vu le code de procédure pénale ;

Vu la loi n° 89-469 du 10 juillet 1989 ;

Vu l'arrêté du 29 juin 1992 du garde des sceaux, ministre de la justice et du ministre de l'intérieur et de la sécurité publique fixant les supports techniques de la communication par le ministère public au ministère de l'intérieur des informations prévues à l'article L. 30 (4°, 5°, 6° et 7°) du code de la route ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Xavier de Lesquen, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de M. A,

- les conclusions de Mme Catherine de Salins, Rapporteur public,

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de M. A ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A, à l'encontre duquel a été relevé, de 1995 à 2002, six infractions au code de la route entraînant le retrait d'un total de 21 points au permis de conduire, auquel viennent se soustraire les points restitués obtenus à l'issue des stages de formation destinés à éviter la réitération de comportements dangereux, a demandé l'annulation pour excès de pouvoir, d'une part, de la décision du ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales du 23 mai 2003 qui porte à sa connaissance le retrait de points consécutif à une infraction commise le 29 septembre 2002 et l'informe de la perte de validité de son permis, et d'autre part, de la décision du préfet du Rhône du 16 juillet 2003 lui enjoignant de restituer son titre de conduite dans le délai d'une semaine ; que M. A demande l'annulation de l'arrêt du 15 novembre 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 12 mai 2005 du tribunal administratif de Lyon ayant rejeté ses demandes d'annulation ;

Considérant qu'alors que le tribunal administratif n'avait admis la recevabilité de M. A à contester la décision du ministre du 23 mai 2003 qu'en tant qu'elle notifiait le retrait de point consécutif à la dernière infraction du 29 septembre 2002 et que l'intéressé avait, au soutien de son appel, invoqué l'erreur de droit entachant un tel raisonnement en faisant valoir que la décision ministérielle récapitulant les retraits de points antérieurs les rendaient opposables et qu'il était recevable à exciper de leur illégalité, la cour n'a pu, sans interpréter inexactement les moyens dont elle était saisie, juger qu'en appel M. A ne conteste pas le motif d'irrecevabilité opposé à sa demande d'annulation de la décision du 23 mai 2003 par les premiers juges ; qu'il y a lieu par suite d'annuler son arrêt ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Sur les moyens tirés de l'exception d'illégalité des décisions administratives procédant aux retraits de points successifs sur le permis de conduire de M. A :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 223-3 du code de la route dans sa rédaction alors applicable : Lorsque l'intéressé est avisé qu'une des infractions entraînant retrait de points a été relevée à son encontre, il est informé du retrait de points qu'il est susceptible d'encourir, de l'existence d'un traitement automatisé de ces points et de la possibilité pour lui d'exercer le droit d'accès. Ces mentions figurent sur le formulaire qui lui est communiqué. / Le retrait de points est porté à la connaissance de l'intéressé par lettre simple quand il est effectif ;

Considérant que les conditions de la notification au conducteur des retraits de points de son permis de conduire, prévue par les dispositions de l'article L. 223-3 du code de la route, ne conditionnent pas la régularité de la procédure suivie et partant la légalité de ces retraits ; que cette procédure a pour seul objet de rendre ceux-ci opposables à l'intéressé et de faire courir le délai dont il dispose pour en contester la légalité devant la juridiction administrative ; que la circonstance que l'administration ne soit pas en mesure d'apporter la preuve que la notification des retraits successifs, effectuée par lettre simple, a bien été reçue par son destinataire, ne saurait lui interdire de constater que le permis a perdu sa validité, dès lors que, dans la décision procédant au retrait des derniers points, il récapitule les retraits antérieurs et les rend ainsi opposables au conducteur qui demeure recevable à exciper de l'illégalité de chacun de ces retraits ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le ministre de l'intérieur n'établit pas la date à laquelle les retraits successifs relatifs aux infractions relevés les 14 septembre 1995, 30 avril 1999, 27 septembre 2000, 6 mars 2001 et 10 juillet 2001 à l'encontre de M. A auraient été notifiés à l'intéressé ; que s'il fait valoir que l'intéressé doit être regardé comme en ayant eu connaissance au plus tard à la date à laquelle il a suivi les stages destinés à obtenir la restitution de points sur son permis de conduire, une telle circonstance est par elle-même sans incidence sur l'application des dispositions de l'article R. 421-5 du code de justice administrative, selon lesquelles : Les délais de recours contentieux contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision.; que, par suite, M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a jugé irrecevables les moyens par lesquels il contestait la légalité des retraits de points notifiés pour la décision du 23 mai 2003 ; qu'il appartient au Conseil d'Etat saisi par l'effet dévolutif de l'appel d'examiner le bien fondé de ces moyens ;

Sur les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 223-3 du code de la route relatif à l'information sur les retraits de points :

Considérant qu'aux termes de l'article 537 du code de procédure pénale : Les contraventions sont prouvées soit par procès-verbaux ou rapports, soit par témoins (...) / Sauf dans les cas où la loi en dispose autrement, les procès-verbaux ou rapports établis par les officiers et agents de police judiciaire (...) font foi jusqu'à preuve contraire ; que si les procès-verbaux établis par les officiers ou agents de police judiciaire pour constater des infractions au code de la route font foi jusqu'à preuve contraire en ce qui concerne la constatation des faits constitutifs des infractions, il appartient au juge d'apprécier, au vu des divers éléments du dossier et notamment des mentions du procès-verbal, si le contrevenant a reçu l'information prévue par l'article L. 223-3 du code de la route ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'en ce qui concerne les infractions commises le 30 avril 1999, le 27 septembre 2000 et le 6 mars 2001, l'administration a produit les procès verbaux établis par les agents de la gendarmerie nationale ayant qualité d'agent de police judiciaire mentionnant que, pour chacune des infractions en cause, le document du centre d'enregistrement et de révision des formulaire administratifs (CERFA) n° 90-0204 a été remis à M. A et que ce dernier a été informé que les faits relevés à son encontre étaient susceptibles d'entraîner un retrait de points de son permis de conduire ; que M. A a signé le procès-verbal de la première infraction ; que s'agissant des deux autres infractions, la circonstance que M. A a, pour la première, refusé de signer le procès-verbal d'infraction et, pour la seconde, nié le fait qu'il a signé le carnet de déclaration alors que cette mention figure dans le procès-verbal, ne suffisent pas, dans les circonstances de l'espèce, à établir que l'intéressé n'a pas reçu l'information prévue par l'article L. 223-3 du code de la route ;

Sur les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 223-1 du code de la route relatif à l'établissement de la réalité des infractions :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 223-1 du code de la route dans sa rédaction résultant de la loi du 12 juin 2003 renforçant la lutte contre la violence routière: Le permis de conduire est affecté d'un nombre de points. Celui-ci est réduit de plein droit si le titulaire du permis a commis une infraction pour laquelle cette réduction est prévue. / (...) / La réalité d'une infraction entraînant retrait de points est établie par le paiement d'une amende forfaitaire ou l'émission du titre exécutoire de l'amende forfaitaire majorée, l'exécution d'une composition pénale ou par une condamnation définitive ; que si, dans leur rédaction antérieure à la loi du 12 juin 2003, ces dispositions ne mentionnaient pas l'émission du titre exécutoire de l'amende forfaitaire majorée, il résulte tant des dispositions de l'article 530 du code de procédure pénale que de celles de l'article L. 223-1, éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 10 juillet 1989 dont elles sont issues, qu'en l'absence d'une réclamation formée dans le délai légal, l'émission du titre exécutoire de l'amende forfaitaire majorée devait, pour l'application de ce dernier article et alors même qu'elle n'y était pas encore mentionnée, être assimilée à une condamnation définitive établissant la réalité de l'infraction et entraînant de plein droit le retrait de points du permis de conduire ;

Considérant qu'il résulte des articles 529, 529-1 et 529-2 et du premier alinéa de l'article 530 du code de procédure pénale que, pour les infractions des quatre premières classes dont la liste est fixée par décret en Conseil d'Etat, le contrevenant peut, dans les quarante-cinq jours de la constatation de l'infraction ou de l'envoi de l'avis de contravention, soit acquitter une amende forfaitaire et éteindre ainsi l'action publique, soit présenter une requête en exonération ; que s'il s'abstient tant de payer l'amende forfaitaire que de présenter une requête, l'amende forfaitaire est majorée de plein droit et recouvrée au profit du Trésor public en vertu d'un titre rendu exécutoire par le ministère public, lequel est exécuté suivant les règles prévues pour l'exécution des jugements de police ; qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 530 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : Dans les trente jours de l'envoi de l'avis invitant le contrevenant à payer l'amende forfaitaire majorée, l'intéressé peut former auprès du ministère public une réclamation motivée qui a pour effet d'annuler le titre exécutoire en ce qui concerne l'amende contestée. Cette réclamation reste recevable tant que la peine n'est pas prescrite, s'il ne résulte pas d'un acte d'exécution ou de tout autre moyen de preuve que l'intéressé a eu connaissance de l'amende forfaitaire majorée. S'il s'agit d'une contravention au code de la route, la réclamation n'est toutefois plus recevable à l'issue d'un délai de trois mois lorsque l'avis d'amende forfaitaire majorée est envoyé par lettre recommandée à l'adresse figurant sur le certificat d'immatriculation du véhicule, sauf si le contrevenant justifie qu'il a, avant l'expiration de ce délai, déclaré son changement d'adresse au service d'immatriculation des véhicules ;

Considérant que l'article L. 225-1 du code de la route fixe la liste des informations qui, sous l'autorité et le contrôle du ministre de l'intérieur, sont enregistrées au sein du système national des permis de conduire ; que sont notamment mentionnés au 5° de cet article les procès-verbaux des infractions entraînant retrait de points et ayant donné lieu au paiement d'une amende forfaitaire en vertu de l'article 529 du code de procédure pénale ou à l'émission du titre exécutoire de l'amende forfaitaire majorée prévu à l'article 529-2 du code de procédure pénale ; qu'en vertu de l'arrêté du 29 juin 1992 fixant les supports techniques de la communication par le ministère public au ministère de l'intérieur des informations prévues à l'article L. 30 (4°, 5°, 6° et 7°) du code de la route, les informations mentionnées au 6° de l'article L. 30, devenu le 5° de l'article L. 225-1 du code de la route, sont communiquées par l'officier du ministère public par support ou liaison informatique ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions que le mode d'enregistrement et de contrôle des informations relatives aux infractions au code de la route conduit à considérer que la réalité de l'infraction est établie dans les conditions prévues à l'article L. 223-1 du code de la route dès lors qu'est inscrite, dans le système national des permis de conduire, la mention du paiement de l'amende forfaitaire ou de l'émission du titre exécutoire de l'amende forfaitaire majorée, sauf si l'intéressé justifie avoir présenté une requête en exonération dans les quarante-cinq jours de la constatation de l'infraction ou de l'envoi de l'avis de contravention ou formé, dans le délai prévu à l'article 530 du code de procédure pénale, une réclamation ayant entraîné l'annulation du titre exécutoire de l'amende forfaitaire majorée ;

Considérant qu'il ressort du relevé d'information intégral relatif à la situation de M. A, dont les informations sont issues du système national des permis de conduire, que ce dernier a fait l'objet d'amendes forfaitaires majorées devenues définitives le 10 juin 2002 et le 27 mars 2003, s'agissant respectivement des infractions relevées à son encontre le 27 septembre 2000 et le 29 septembre 2002 ; que, dès lors, le ministre de l'intérieur était tenu de procéder aux retraits de points correspondants ; que les moyens tirés de ce que la procédure pénale aurait été entachée d'irrégularité sont inopérants à l'appui des conclusions dirigées contre la décision administrative procédant au retrait de points du permis de conduire ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande dirigée contre la décision du ministre de l'intérieur du 23 mai 2003 ; que, par voie de conséquence, M. A n'est pas non plus fondé à demander l'annulation du jugement attaqué en tant que, par ce jugement, le tribunal a rejeté sa demande dirigée contre la décision du préfet du Rhône du 16 juillet 2003 lui enjoignant de restituer son titre de conduite, à l'encontre de laquelle il a soulevé les mêmes moyens que ceux invoqués à l'encontre de la décision du ministre de l'intérieur du 23 mai 2003 ;

Considérant que doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions de M. A tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de lui restituer son titre de conduite, et au ministre de l'intérieur de reconstituer le capital de points de son permis de conduire, ainsi que les conclusions, présentées devant la cour administrative d'appel de Lyon et devant le Conseil d'Etat, tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 15 novembre 2007 est annulé.

Article 2 : La requête de M. A présentée devant la cour administrative d'appel de Lyon est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Jean-Paul A et à la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 24 jui. 2009, n° 312702
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Vigouroux
Rapporteur ?: M. Xavier de Lesquen
Avocat(s) : SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO

Origine de la décision
Formation : 5ème et 4ème sous-sections réunies
Date de la décision : 24/07/2009
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 312702
Numéro NOR : CETATEXT000020936229 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2009-07-24;312702 ?
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